The Night Is Young est une comédie musicale cinématographique produite par la Metro-Goldwyn-Mayer et sortie en 1935. Elle constitue la seconde collaboration originale de Sigmund Romberg et Oscar Hammerstein II pour le cinéma, quatre ans après Viennese Nights. Réalisé par Dudley Murphy, ce film marque la volonté de MGM de capitaliser sur la popularité durable de l’opérette viennoise en y injectant le glamour hollywoodien. Romberg, non crédité à l’écran comme compositeur (en raison des règles du studio), a pourtant écrit la partition originale aux côtés d’Hammerstein. Le film met en vedette le latin lover Ramón Novarro et la soprano britannique Evelyn Laye, cherchant à reproduire l’alchimie du duo MacDonald–Eddy qui triomphait dans le genre à la même époque. Tourné en noir et blanc, The Night Is Young sort en janvier 1935, alors que la mode des opérettes filmées bat son plein.

L’histoire se situe dans la Vienne impériale du début du XXe siècle. L’archiduc Paul Gustave, neveu de l’empereur François-Joseph, est fiancé par raison d’État à la comtesse Zarika. Or Paul est épris d’une autre femme de la haute société, ce qui déplaît à l’empereur. Celui-ci consent néanmoins à laisser son neveu vivre une dernière aventure amoureuse de six mois avant son mariage arrangé. Pour donner le change, Paul feint d’être amoureux d’une modeste danseuse de ballet, Lisl Gluck (Evelyn Laye), afin de pouvoir retrouver secrètement sa véritable maîtresse, la comtesse. Lisl, d’abord réticente, accepte de jouer ce rôle en échange de faveurs pour sa troupe et sous la pression du valet de Paul. Contre toute attente, en fréquentant Lisl, l’archiduc finit par tomber sincèrement amoureux d’elle, découvrant la chaleur d’une vie simple loin du carcan de la cour. De son côté, Lisl est fiancée à un modeste imprésario, ce qui complique la situation. S’ensuivent des quiproquos : Lisl et Paul s’échappent incognito dans Vienne (scène de la promenade en fiacre et de la fête foraine), tandis que la jalouse comtesse manigance pour révéler la supercherie. Finalement, lors d’un bal à la cour, Paul doit annoncer sa décision : il renonce à son mariage arrangé, convaincu que “la nuit est jeune” et qu’il faut saisir l’amour véritable. L’empereur exauce son vœu et l’archiduc part vivre son idylle avec Lisl, assumant les conséquences. Le film se conclut sur le couple quittant le palais, heureux mais incertain de l’avenir, tandis que l’orchestre joue une valse triomphale.

La partition de The Night Is Young comporte plusieurs chansons originales de Romberg/Hammerstein qui se sont distinguées et ont perduré en dehors du film. La plus célèbre est “When I Grow Too Old to Dream”, douce berceuse romantique chantée en duo par Novarro et Laye, qui est devenue un standard repris ensuite par de nombreux orchestres. Ce morceau, aux paroles évoquant un amour défiant le temps, incarne parfaitement le style sentimental de Romberg allié à la simplicité poétique d’Hammerstein. Le titre du film provient d’une autre chanson, “The Night Is Young”, valse chantée par Evelyn Laye pour exprimer l’émerveillement de Lisl devant sa liaison princière. Par ailleurs, Romberg a glissé un numéro comique, “My Old Mare”, interprété par Charles Butterworth (le valet) en forme de chansonnette loufoque sur… son vieux cheval Mitzi – un rare exemple d’incursion de Romberg dans l’humour burlesque typiquement hollywoodien. L’accompagnement musical, dirigé par Herbert Stothart, mêle une orchestration de salon viennois (cordes, harpe et bois) à des touches plus modernes dans les scènes légères (on entend par moments un banjo ou un saxophone dans la bande-son, clin d’œil à l’époque contemporaine). L’ensemble de la partition illustre la transition entre l’opérette et la comédie musicale filmée : Romberg y conserve la grâce mélodique de ses œuvres scéniques tout en adoptant une structure plus resserrée, sans reprises inutiles ni longs finales. La critique a noté que Novarro et Laye, bien que pas chanteurs d’opéra, se tirent honorablement des chants, apportant une légèreté charmante à l’écran, en adéquation avec le ton romantique et pétillant du film.

À sa sortie, The Night Is Young reçut un accueil favorable, notamment grâce à sa musique. Un critique nota que « la bande-son de Romberg et Hammerstein a engendré un tube, When I Grow Too Old to Dream, qui se hisse en tête des palmarès » – en effet, l’enregistrement de ce titre par Glen Gray et Kenny Sargent devint no 1 des ventes. Le film lui-même ne fut pas un immense succès commercial pour MGM, mais il renforça la réputation de Romberg à Hollywood. Ce dernier a ainsi démontré qu’il pouvait écrire directement pour le cinéma avec succès (selon l’historien William A. Everett, The Night Is Young est l’un des quatre films originaux qu’il composa pour le grand écran dans les années 30). Par la suite, When I Grow Too Old to Dream entra dans le répertoire américain, repris par des artistes comme Nat King Cole ou Peggy Lee, assurant à Romberg une postérité inattendue dans le jazz vocal. En revanche, The Night Is Young ne fit l’objet d’aucun remake, et sa mémoire survit essentiellement à travers ses chansons. Dans l’histoire du cinéma musical, il est cité comme exemple du passage réussi d’un compositeur d’opérettes de Broadway au film musical, capable d’écrire « une opérette originale pour l’écran » tout en s’adaptant aux attentes d’un public des talkies. Le film a été diffusé régulièrement sur les chaînes de télévision classiques, contribuant à entretenir le souvenir du style romantique propre à Romberg.

Romberg s’efforce de rester présent sur la scène new-yorkaise malgré un public en mutation. Il sent que l’opérette vieillit, mais tente une dernière fois un sujet engagé. Il continue aussi de se produire en concerts symphoniques et voit sa musique régulièrement diffusée à la radio.

Forbidden Melody est créé à Broadway en novembre 1936, au New Amsterdam Theatre. Sigmund Romberg s’associe cette fois avec le vétéran Otto Harbach, qui signe livret et les paroles. Cette production est montée par Arch Selwyn et se veut un retour à la « musical comedy » légère, après les œuvres plus sérieuses d’Hammerstein. Toutefois, Forbidden Melody ne parvient pas à s’imposer: le show s’arrête après 4 semaines et 33 représentations. L’année 1936 est difficile pour Romberg – les goûts du public évoluent rapidement vers les comédies musicales swing – et cet échec confirme l’essoufflement commercial de l’opérette traditionnelle. Le titre, Forbidden Melody (« Mélodie interdite »), laisse entendre un argument romantique sur fond d’interdits, qui n’a visiblement pas suffit à séduire Broadway durant l’entre-deux-guerres.

L’action se déroule à Bucarest puis Budapest en 1930, sur fond d’agitation politique. Maria, une jeune cantatrice roumaine, s’éprend du compositeur Peter Karoly, dont la nouvelle œuvre musicale est jugée subversive par le régime. Lorsque Peter est emprisonné pour avoir introduit des idées « révolutionnaires » dans sa mélodie interdite, Maria organise son évasion. Ils fuient en Hongrie, où Peter continue clandestinement à composer. Le couple trouve refuge dans un cabaret de Budapest, où Maria chante incognito la musique de Peter. Mais le chef de la police secrète roumaine, déterminé à censurer cet air rebelle, les pourchasse. Au climax, Maria entonne sur scène la mélodie prohibée devant un public médusé, attirant l’attention des autorités. S’ensuit une confrontation dramatique : le public prend fait et cause pour les amoureux artistes, obligeant le pouvoir à reculer. L’opérette s’achève par la libération définitive de Peter et le triomphe de sa symphonie d’amour, autrefois interdite, désormais acclamée en symbole de liberté.

Pour Forbidden Melody, Romberg et Harbach s’inspirent clairement de l’actualité européenne de l’époque (montée des censeurs et exil d’artistes) en y incorporant les ingrédients de l’opérette. Musicalement, la partition mêle influences folkloriques d’Europe de l’Est et style Broadway. On y trouve des danses tziganes à la mode : “Hear the Gypsies Playing”, chanson entraînante aux violons virtuoses, évoque les orchestres roms de Bucarest. À l’opposé, “Lady in the Window”, chanté par Maria en ouverture, est une ballade nostalgique dans le pur style rombergien, rappelant The Desert Song par son ampleur lyrique. La “mélodie interdite” elle-même revient comme un thème récurrent: il s’agit d’un motif musical mineur, mélancolique et passionné, que l’on entend d’abord au violon solo puis chanté a cappella par Maria lors de la scène cruciale. Harbach, qui avait co-écrit Rose-Marie et No, No, Nanette, apporte des couplets bien rimés mais quelque peu désuets, sans la modernité d’un Hammerstein ou d’un Lorenz Hart. La structure de l’opérette reste très classique (airs solos, duos d’amour, ensemble final), et l’orchestration n’innove guère au-delà de l’ajout de quelques cimbaloms et trompettes hongroises pour la couleur locale. On note néanmoins une valse lente, “Shadows in the Night”, au climat envoûtant, où Maria et Peter expriment leur angoisse d’artistes opprimés. Ce numéro fut salué pour sa beauté mélodique, bien qu’insuffisant à faire de Forbidden Melody un succès durable.

Dès sa première, Forbidden Melody peine à convaincre. Les critiques new-yorkais de 1936 la trouvent passéiste, notant que Romberg semble « emprunter la recette de l’opérette des années 20 sans y ajouter de saveur nouvelle ». Le livret d’Harbach est également jugé faible, trop mélodramatique et dépourvu de l’humour piquant attendu d’une musical comedy. En conséquence, la fréquentation du théâtre décline vite, et le spectacle s’interrompt avant la fin de l’année. Aucune tournée ni adaptation ne s’ensuivent. Forbidden Melody sombre ainsi rapidement dans l’oubli: contrairement à d’autres œuvres de Romberg, aucune chanson n’en est vraiment restée dans la culture populaire. Il faut dire qu’en 1936, Broadway plébiscite plutôt les revues swing et les comédies de Cole Porter ou Rodgers & Hart. Pour Romberg, cet échec confirma la nécessité d’évoluer. Après Forbidden Melody, il se consacra davantage à des concerts symphoniques de ses anciennes gloires et à la composition pour Hollywood. De nos jours, Forbidden Melody est rarement mentionné, sinon comme une des dernières opérettes originales de Broadway avant la Seconde Guerre mondiale – un témoignage tardif d’un genre sur son déclin. On signalera toutefois qu’une partition manuscrite de Forbidden Melody est conservée dans une collection universitaire (Jimmy McHugh Archives), offrant aux chercheurs la possibilité de redécouvrir ce Romberg « perdu».

En 1937, la Metro-Goldwyn-Mayer porte à l’écran Maytime, inspiré de l’opérette éponyme de 1917 que Sigmund Romberg avait composée sur scène. Réalisé par Robert Z. Leonard et interprété par le duo phare Jeanette MacDonaldNelson Eddy, Maytime (le film) diffère notablement de la pièce d’origine, bien qu’il en reprenne l’esprit général. Romberg n’a pas composé de nouvelle musique pour cette adaptation, mais sa contribution réside dans l’utilisation de “Will You Remember (Sweetheart)”, l’air célèbre extrait de son opérette, qui forme le leitmotiv du film. L’inclusion de cette chanson suffira à créditer partiellement Romberg comme compositeur de la musique, aux côtés d’autres (Herbert Stothart pour le score dramatique et César Franck pour un air d’opéra). Ce film ambitieux s’inscrit dans la lignée de Naughty Marietta et Rose-Marie, grands succès de MacDonald/Eddy, et sort en mars 1937.

Le film adopte une narration en flashback: en 1906, une vieille femme raconte à une jeune aspirante cantatrice l’histoire de sa vie. On découvre alors Marcia Mornay (Jeanette MacDonald), jeune chanteuse d’opéra prometteuse dans le Paris de 1865. Elle est prise en main par son mentor, le célèbre baryton Nicolai Nazaroff, qui devient son protecteur jaloux et fiancé par intérêt. Lors d’une fête de mai (Maytime), Marcia rencontre Paul (Nelson Eddy), un chanteur américain. C’est le coup de foudre. Ils chantent ensemble dans le jardin la mélodie “Sweetheart, Will You Remember?”, scellant leur amour secret. Mais Marcia se sent redevable envers Nazaroff qui a fait sa carrière, et renonce à Paul. Des années plus tard, devenue une diva acclamée, Marcia retrouve Paul par hasard à New York. Nazaroff, fou de rage de les savoir réunis, provoque Paul en duel et le tue. Marcia, le cœur brisé, se retire de la scène. Dans le présent de 1906, la vieille dame révèle qu’elle est Marcia, et encourage la jeune chanteuse à suivre son cœur pour ne pas répéter ses erreurs. Le film se conclut sur l’apparition fantomatique des esprits de Marcia et Paul réunis dans l’au-delà, chantant à nouveau “Will You Remember?” en signe d’amour éternel.

Maytime le film repose sur un mélange de musique classique (airs d’opéra) et de chansons d’opérette. La contribution la plus marquante de Romberg est “Will You Remember (Sweetheart)”, chanté à trois reprises dans le film : d’abord comme duo insouciant lors de la fête printanière, puis de manière plus dramatique lors des retrouvailles à New York, et enfin en apothéose finale posthume. Cette chanson de 1917, réarrangée par Herbert Stothart, conserve sa tendre mélodie valsée et ses harmonies luxuriantes qui la rendent immédiatement émouvante. Sa reprise finale, soutenue par chœur et orchestre, apporte une conclusion musicale poignante qui a tiré des larmes à bon nombre de spectateurs. En dehors de cet air, la bande-son incorpore plusieurs extraits d’opéra (notamment La Traviata et Les Contes d’Hoffmann pour donner corps au statut de cantatrice de Marcia). Romberg n’en est pas l’auteur, mais ces passages renforcent la dimension “grande musique” du film, contrastant avec la simplicité douce de “Sweetheart”. Dans l’univers de MacDonald et Eddy, Maytime s’inscrit pleinement : des duos lyriques en plein air, orchestrations opulentes, et alternance de dialogues chantés. Bien qu’il ne signe pas de nouvelle composition, Romberg voit ici l’une de ses anciennes mélodies sublimée par l’écran, bénéficiant de la technique cinématographique (montage, prises de son soignées) pour atteindre un large public.

Maytime fut l’un des plus grands succès cinématographiques de 1937 aux États-Unis. La critique loua la chimie vocale du couple MacDonald-Eddy et le mélodrame assumé de l’intrigue. La chanson de RombergWill You Remember?” devint un emblème du film – le New York Times écrivit que « Sweetheart » revêtait à l’écran une émotion nouvelle et restait dans toutes les têtes en sortant de la salle. Le film engendra un regain d’intérêt pour l’opérette originale de 1917 : des extraits de Maytime (scénique) furent rejoués en concerts et la partition fut rééditée. Romberg, de son vivant, se réjouit que l’une de ses premières compositions obtienne ainsi une seconde jeunesse à Hollywood. Pour la postérité, Maytime est souvent cité comme le meilleur film du tandem MacDonald/Eddy, et “Will You Remember (Sweetheart)” figure au Panthéon des chansons de films classiques. Si Romberg n’a pas directement composé pour ce film, son nom reste à jamais associé à ce succès. La séquence où MacDonald et Eddy chantent Sweetheart demeure une référence du cinéma musical romantique, ayant scellé la place de Romberg dans la culture populaire des années 1930 bien au-delà de Broadway.

Moins de dix ans après la production scénique, Hollywood s’empare à son tour de Rosalie. La Metro-Goldwyn-Mayer sort en 1937 une superproduction musicale technicolor basée (très librement) sur la comédie musicale de Romberg et Gershwin de 1928. Le film, réalisé par W. S. Van Dyke, met en vedette la danseuse Eleanor Powell et le chanteur Nelson Eddy – deux grands noms du studio – dans une intrigue modifiée. Curieusement, bien que Romberg soit le co-compositeur de la version Broadway, la MGM décide de confier la plupart des nouvelles chansons à Cole Porter, en ne conservant que peu de l’œuvre originale. Ainsi, le film Rosalie inclut-il le célèbre air-titre “Rosalie”, musique de George Gershwin, mais aucune des autres compositions de Romberg. Romberg n’a pas participé activement à l’adaptation, et son rôle se borne à avoir fourni la trame musicale initiale, largement remaniée par Porter et les arrangeurs du studio.

Romberg est frustré mais philosophe : il sait que Hollywood fait peu de cas des partitions d’origine. Malgré la disparition de ses airs, il continue d’être crédité. Il commence à préparer des concerts "best of Romberg", mettant en avant ses succès passés.

L’histoire du film Rosalie conserve la prémisse de base: Rosalie (Eleanor Powell) est une princesse d’un petit royaume européen, fréquentant incognito l’Université américaine de West Point. Elle y tombe amoureuse du cadet Dick Thorpe (Nelson Eddy). Le contexte est actualisé aux années 1930 et largement revu pour mettre en valeur les talents de danseuse de Powell : Rosalie est présentée comme une étudiante pétillante et Dick comme le capitaine de l’équipe de football américain. Après des quiproquos campus/principauté, Rosalie doit rentrer chez elle pour succéder au trône et se fiancer à un prince ennuyeux. Dick, découvrant sa véritable identité, traverse l’Atlantique pour la reconquérir. S’ensuit un final extravagant où, lors d’un bal royal, Rosalie choisit publiquement Dick comme prétendant, défiant l’étiquette. Le roi, d’abord courroucé, cède en voyant l’amour sincère des deux jeunes gens, et bénit leur union. Le film s’achève sur un happy end dansé et chanté, exploitant les tableaux de danse à grand spectacle dont MGM avait le secret.

Alors que la scène de 1928 mélangeait les styles de Romberg et Gershwin, le film de 1937 est principalement une création musicale de Cole Porter. Porter livre plusieurs numéros originaux – “In the Still of the Night” étant le plus mémorable – et supervise des arrangements jazzy dans l’air du temps. La seule réminiscence de la partition Romberg/Gershwin est la chanson “Rosalie” elle-même, reprise dans le film comme thème d’amour récurrent (bien que réorchestré à la sauce swing). La mise en musique du film vise d’abord le divertissement : grands ensembles chorégraphiés, big bands et numéros de claquettes. On est loin de l’opérette sentimentale qu’avait conçue Romberg. Néanmoins, la mélodie douce et ascendante de “Rosalie” – « Rosalie, my darling… » – apporte un contrepoint lyrique bienvenu dans la bande-son, rappelant les racines Broadway de l’œuvre. Les orchestrations de MGM enveloppent cette romance d’une opulence sonore (cordes hollywoodiennes, chœurs ample) qui magnifie le matériau original. Eleanor Powell, plus danseuse que chanteuse, ne s’attaque pas aux morceaux de bravoure vocale de l’opérette ; en lieu et place, ses talents sont exploités dans des ballets rythmés. En somme, le film Rosalie est davantage un véhicule pour Porter et Powell qu’une adaptation fidèle de Romberg : la signature musicale de Romberg n’y transparaît que fugitivement, au détour de l’air-titre.

Le film Rosalie fut un succès mitigé. Le public apprécia les séquences dansées spectaculaires et la romance légère, mais les critiques furent partagés, certains regrettant l’excès de faste au détriment de la cohérence. Pour Romberg, ce film illustre bien les libertés prises par Hollywood avec les œuvres de Broadway: sa contribution y fut pratiquement effacée, et Rosalie version cinéma est aujourd’hui surtout associé à Cole Porter. D’un point de vue commercial, le film n’atteignit pas les sommets escomptés, ce qui encouragea MGM à revenir ensuite à des adaptations plus fidèles (comme Sweethearts en 1938, tiré d’une opérette de Victor Herbert). La chanson “Rosalie”, quant à elle, connut une popularité accrue grâce au film, étant interprétée par Nelson Eddy dans la bande originale et reprise sur disque. Ce fut là l’ironie de la postérité : un air de Gershwin et Romberg devint plus connu via une production où leur rôle fut minimisé. De nos jours, la comédie musicale scénique Rosalie est rarement montée, et c’est bien la version filmée (et très altérée) que l’histoire a retenu, comme une curiosité de l’âge d’or des musicals de studio.