1.C.6) «Mlle. Modiste» (décembre 1905)
Avec Mlle. Modiste (), Victor Herbert et le librettiste Henry Blossom ont commencé à faire passer l’opérette américaine à un niveau supérieur. Même s'il s'agissait d'une comédie, l’œuvre avait un sous-texte sérieux: la position des femmes dans la société contemporaine.
L'histoire se déroule à Paris. La jeune Fifi (Fritzi Scheff) travaille dans une chapellerie appartenant à Mme. Cecile (Josephine Bartlett). Elle espère que Fifi, travailleuse acharnée, épousera son fils Gaston (Leo Mars), un peintre sans le sou. Mais Fifi est amoureuse du Capitaine Etienne de Bouvray (Walter Percival). Son oncle Henri de Bouvray, le comte de St. Mar (William Pruette), désapprouve cette alliance à cause de la basse position sociale de Fifi. Pendant ce temps, l’ambition de Fifi est d’apparaître sur scène et le millionnaire américain Hiram Bent (Gillingwater) accepte de financer sa carrière. Un an plus tard, notre héroïne revient à Paris en tant que star d’opéra de renommée internationale, chante au bal de charité organisé dans le domaine du comte et, bien sûr, le comte n’a plus aucune objection à l’union de son neveu et de la star de l’opéra.
Gustav Klemm, secrétaire musical de longue date d’Herbert, témoigne que ce dernier avait longtemps été frustré dans ses tentatives de créer des œuvres intégrées. Dans une lettre à son biographe Isaac Goldberg, Klemm rappelle le dégoût d’Herbert pour les compositions "chanson et danse" et souligne le rôle des éditeurs de musique comme force motrice derrière la banalisation continue du théâtre musical américain. La vente de partitions "élaborées" est beaucoup moins rentable.
« 24 janvier 1931
... Lire votre livre [la biographie de Gershwin par Goldberg] provoque tellement de pensées qu’on ne sait pas où s’arrêter. Cela m’a rappelé une longue conversation que j’ai eue avec Victor Herbert... Il avait commencé à écrire cette série de partitions mineures — « Oui, Madame », « The Girl in the Spotlight » etc. Ce qu’il détestait particulièrement, c’était le fait que les éditeurs voulaient des chansons qui pouvaient être vendues sans difficulté. Toute sa vie, le vieil homme avait vu ses chansons vendues isolément, détachée de l’intrigue du spectacle, or parfois les paroles se référaient à la situation environnante. Mais les éditeurs ne voulaient pas cela. Ils voulaient juste des chansons — des chansons qui pourraient être reprises et chantées « comme elles sont » par Lizzie et son petit ami dans le salon, dimanche soir. Herbert avait donc reçu l’ordre d’écrire autant de chansons — les éditeurs et les producteurs s’occuperaient du reste. Cela, bien sûr, a fait tomber ces productions au niveau de la gouttière et a fait disparaître toutes les normes établies par l’opérette. Mais comme disait Herert: « Après tout, moi et ma famille devons manger, il doit y avoir de l’argent... » et puis il a haussé les épaules. Et nous avons bu un verre. »
Gustav Klemm, secrétaire musical de longue date d’Herbert
Et Herbert, dans une interview du Philadelphia North American, souligne lui-même le souvenir de Klemm:
« Les comédies musicales sont actuellement [1914] des méli-mélo d’actions et de chansons sans aucun rapport. Une opérette a les deux formes si étroitement liées et entrelacées que le public les perçoit comme une seule et même chose. Chaque situation nécessite une sorte de musique définie et le chant doit être logique et faire partie de l’action naturelle. »
Victor Herbert - Interview Philadelphia North American - 1914
Même si Herbert oppose ici comédie musicale et opérette, il définit magnifiquement l'enjeu de la création d'une nouvelle forme artistique qui sera ce que nous appelons aujourd'hui le 'musical'. Et cet enjeu passe par une intégration totale des trois formes d'expressions - théâtre, musique et danse - dans une seule histoire racontée. Il faudra encore attendre de nombreuses années, et Show Boat ou bien sûr Oklahoma!, pour y arriver parfaitement.
Que voulaient Herbert et Blossom quand ils ont écrit Mlle. Modiste? Rien de moins que de présenter sur scène les problèmes auxquels sont confrontés les êtres humains à cause des stéréotypes sociétaux rigides. Les distinctions de classe et le snobisme mettent en évidence l'exploitation des employeurs vis-à-vis de leurs employés. De plus, un programme protoféministe est au centre de l’œuvre: une femme orpheline forcée de survivre grâce à des salaires de misère, mais dotée d’un esprit individualiste et combatif triomphe de toutes les restrictions induites par son genre féminin. Elle parvient à se libérer du rôle totalement stéréotypé dans lequel on l'a enfermée, pour devenir un être humain à part entière, à la fois en tant qu’artiste et femme. Au rideau final, elle est passée d’une pauvre vendeuse à une femme mature qui a gagné la reconnaissance et le respect. Et a épousé l’homme qu’elle aime. Et elle fait tout à sa façon.
Mlle. Modiste, écrit en 1905, est un reflet des enjeux sociaux du monde contemporain dans lequel il se situe. À cet égard, il est clairement un précurseur de Show Boat, qui se concentre sur les problèmes de métissage et d’iniquités raciales. J. P. Swain a presque raison quand il affirme que "les opérettes plus sérieuses de Victor Herbert ... ont offert l’intégration cohérente de l'intrigue et de la musique qui manquait à la comédie musicale", mais il se trompe quand il conclut que les textes "ont empêché tout effet dramatique significatif en plaçant l’histoire loin de l’expérience réelle du public. Ce sont généralement des fictions historiques ou des contes de fées... et ils impliquent des héros déguisés, des personnages inventés et autres... Le public était fasciné, mais rarement ému."
Cette dernière affirmation est un raccourci superficiel et inexact des intrigues et des lieux utilisés par Victor Herbert. En plus, cette attaque que l'on peut faire sur les opérettes ou aujourd'hui sur les 'musicals - parlant de héros déguisés ou de personnages inventés - personne n'oserait la faire sur une œuvre issue du 'grand opéra' comme Cosi fan Tutte, l'œuvre d’un génie émouvant dont l’intrigue repose totalement sur une série de déguisements et de fausses identités.
En outre, certaines œuvres d'Herbert se déroulent à l'époque de leur création, comme c'est le cas de Mlle. Modiste, se déroulant dans le Paris de 1905. Ses personnages s’habillent comme son public. Les problèmes représentés sont ceux d’une société contemporaine. Mais beaucoup d’autres œuvres d’Herbert sont contemporaines à leur public.
Blossom et Herbert savaient ce qu’ils faisaient et, le soir de la Première, leur inquiétude était pleinement justifiée.
« J’avoue que lorsque j’ai écrit Mlle. Modiste c’était avec une peur sourde dans mon cœur que le public la rejette et la confine dans un isolement honteux d'où elle ne reviendrait jamais. Le soir de la Première, je me sentais comme un homme allant à la potence. Je doutais que le "cher public" que tous les auteurs craignent et en même temps aiment, ait eu la bonne disposition d’esprit pour accepter une production musicale composée de tout sauf d'un conglomérat de numéros de Vaudeville et de chansons dites populaires assemblées dans un présumé livret. »
Interview de Victor Herbert - Tone - Avril 1908
Remarquons que, dans cette interview, Herbert parle de lui-même comme un "auteur" non pas comme d'un "compositeur". Sa pensée était orientée vers la création d’une expérience théâtrale totale.
« Je ne peux exprimer la satisfaction que j’ai ressentie le lendemain matin, quand je me suis réveillé et que j’ai constaté que j’avais été trompé par mes amis, le public; qu’après tout, ils avaient accueilli à bras tendes cette pièce musicale qui était un peu mieux que les atrocités des vaudevilles musicaux jusqu’ici offerts. »
Interview de Victor Herbert - Tone - Avril 1908
H. W. Parker, dans le Boston Evening Transcript, a su apprécier cette profonde modification. Il vaut la peine de le citer en détail.
« M. Herbert s'est donné du mal, et quand il le fait, aucun compositeur américain n’écrit de la musique d’opérette aussi bien que lui. M. Blossom a mis des personnages humains sur scène, et non pas ceux grotesques de la comédie musicale. Il a imaginé un récit sentimental à leur sujet. À certains, il a donné des répliques croustillantes ou pleines d'un humour sec et retors inattendu. Et aux autres, des rimes douces à chanter.
Il y a longtemps qu’une opérette américaine n’était, du début à la fin, un divertissement aussi exaltant. Compositeur et librettiste, stars et ensemble nous ont pour une fois invités à une pièce musicale sans insister sur le fait que nous laissions notre intelligence et notre bon goût, notre sens de la musique légère et de l’humour léger, à la porte.
Des trois créateurs, M. Herbert mérite le plus de louanges. Il a écrit une mélodie sentimentale aussi simple, fluide et géniale que s’il avait été formé à l’école de Strauss. Cela sonne aussi facilement, avec autant de légèreté et de cran que si c'était un Offenbach ou un Lecocq. Herbert a le don pour l’humour musical de Sullivan. Il sait que trois mesures pour un basson ou une bizarrerie et un tremblement pour les flûtes feront sourire aussi facilement que la chute d’un comédien dans un escalier, et il ose utiliser ses connaissances et faire confiance à ses auditeurs pour comprendre... Ses traits américains sont son animation sans faille, l’incisivité fougueuse de ses rythmes, sa coloration instrumentale lumineuse, et son toucher rapide, sûr, vif...
Il est temps pour nous de tenir la tête assez haute et de dire avec audace que nous avons un compositeur américain qui, quand il le veut, peut écrire une musique d’opérette aussi bien qu’elle l’est dans n’importe quelle capitale européenne.
La plupart des qualités de M. Herbert se retrouvent dans Mlle. Modiste. Une mélodie sentimentale traverse toute l’opérette. Vous l’entendez, et peu d'autres choses, dans le prélude. Fifi la chante en dehors de la scène quand elle se sépare de son amant. Sur cette même mélodie, le chœur construit la finale du premier acte. Et elle fait l’introduction du second. Elle accompagne les réflexions et les souvenirs de la jeune fille lorsqu’elle revient, devenue une chanteuse reconnue. L’orchestre la joue encore comme une sorte de postlude instrumental. La grande et simple douceur de cette mélodie s'insinue en vous bien avant que vous ne lui ayez cédé... Herbert ne cesse de renforcer son attrait par une douzaine d’instruments harmoniques et orchestraux. Vous aimeriez bien pouvoir la chanter en sortant du théâtre, mais il y a ce petit quelque chose qui vous échappe, et ce qui manque est ce qui a le plus grand attrait.
Une mélodie comme celle-là peut faire à elle seule le succès d'une opérette, mais il y a ici d’autres mélodies sentimentales et aussi des mélodies amples, honnêtes, viriles avec lesquelles un ténor ou un baryton peut regarder son public en face pendant qu’il chante, et les hommes qui écoutent ne rougissent pas de leur sexe. Il y a des chansons qui sont lumineuses avec un vrai humour musical. Il y a des morceaux de bravoure étincelante pour Mlle Scheff et un ou deux morceaux de burlesque musical. Le rythme de la danse est entraînant. Il y a un gracieux trio et un septette pour les serviteurs qui n'est qu'humour musical. Presque partout, il y a de la musique emplie de fantaisie et de légèreté. Humour et gaieté colorent chanson après chanson.
Le livret de M. Blossom est un bon divertissement... Tous les personnages sont comme nous. Il n’y a pas de clown parmi eux. Ce sont des personnages humains reconnaissables, mais qui nous amusent si le librettiste le veut. Il garde tout sentiment simple et honnête. »
H.W. Parker - Boston Evening Transcript - 17 octobre 1905).
En bref, Herbert et Blossom ont initié en 1905 la percée théâtrale que Kern et Hammerstein ont renforcée avec Show Boat deux décennies plus tard.
Mlle. Modiste est l’un des plus grands succès de la saison 1905-1906 à Broadway: 202 représentations au Knickerbocker Theatre pour sa première série. Moins de trois mois après sa fermeture, le spectacle a été repris toujours au Knickerbocker Theatre pour 22 représentations supplémentaires, soit 224 représentations au total pendant l’année de lancement à New York. La partition étincelante était l’une des meilleures d’Herbert et contenait de nombreux délices, dont le "Kiss Me Again" à l’aspect toujours vert, qui a servi de titre pour la version cinématographique de l’opérette de 1931.
L’œuvre a également été un succès personnel pour Fritzi Scheff, la soprano du Metropolitan Opera qui avait fait ses débuts à Broadway dans Babette de Herbert. Mlle. Modiste est réapparu à Broadway en 1907, 1913 et 1929 avec Scheff dans les trois productions. La première reprise a été présentée au Knickerbocker le 9 septembre 1907, pour 21 représentations, et les membres du casting original étaient William Pruette et Claude Gillingwater; la seconde a été donnée au Globe Theatre à partir du 14 juin, 1913, pour vingt-quatre représentations et de nouveau Gillingwater; et la troisième a ouvert le 7 octobre 1929 au Jolson Theatre (puis transféré au Casino) pour 48 représentations.
Fritzi Scheff a fait sa carrière avec Mlle. Modiste. Elle a tourné pendant des années. Dillingham a dissous la compagnie et en a formé une autre en 1913. À cette occasion, le Times a fait remarquer qu' «elle n’avait jamais perdu l’impression qu’elle avait créée dans ce divertissement extrêmement populaire». Au fil des années, elle avait grandi dans le rôle. Et les critiques ont remarqué: «Le jeu de Miss Scheff semble avoir pris un ton plus profond, de sorte que l’émotion qu’elle exprime a l’air sincère.»
Des années plus tard, Scheff se souvient des bons et mauvais moments.
« Mon souvenir le plus fort d’Herbert est son sourire agréable, ses manières douces. Bien sûr, il pouvait se mettre en colère. Il avait son tempérament irlandais, j’avais mon tempérament autrichien. Quand nous nous sommes affrontés, il y a eu un peu d’excitation. Nous avions des différences sur la musique. Il arrivait parfois que je refuse de chanter une chanson et qu’il refuse de la changer. Mais finalement, je la chantais... à sa façon. »
Interview de Victor Herbert - Tone - Avril 1908
Comme d’habitude, c’est Herbert qui a eu le dernier mot. Dans un discours de rideau à l’occasion du revival, il a fait remarquer quelle joie c’était d’être «ravivé» - avant que l’on soit déclaré mort.
1.C.7) «The Red Mill» (décembre 1905)
Malheureusement, ce serait le cas avec la plupart des collaborateurs littéraires d'Herbert et c'est certainement pourquoi la plupart de ses spectacles ne sont plus joués de nos jours, même si beaucoup écoutent encore sa musique … débarrassée des textes.
Dans The March of the Toys (La Marche des jouets), Mitchell remplit la scène de jouets en mouvement, y compris des soldats mécaniques grandeur nature. Babes in Toyland () sera repris (1905, 1929, 1930), filmé deux fois (1934 & 1961), sera capté pour la TV (1986) et meêm transformé en dessin animé par la MGM (1997). Le meilleur de la partition reste familier, y compris la ballade Toyland, une réminiscence nostalgique de l'enfance qui met en garde: «Une fois que vous quittez ses frontières, vous ne pouvez jamais revenir à nouveau.»

Partitions de «Mlle. Modiste» (1905)
Le succès a permis à Herbert de présenter des compositions plus ambitieuses. À première vue, Mlle Modiste () (1905, 202 représentations) est une histoire du type de Cendrillon au sujet de Fifi, une vendeuse parisienne qui devient une célébrité de l'opéra en gagnant en plus le cœur d'un jeune noble. Cela parait kitsch – cela l’est un peu – mais les magnifiques mélodies d'Herbert donnent à ce joyau négligé un charme intemporel. Henry Blossom a fourni au compositeur des paroles bien meilleures que d’habitude, y compris la déclaration comique d'un libertin vieillissant: I Want What I Want When I Want It. La soprano viennoise Fritzi Scheff a été saluée dans le rôle-titre, en particulier en chantant If I Were on the Stage, un trio de brefs airs qui culminent par l'envoûtante «Kiss Me Again».

Partitions de «Mlle. Modiste» (1906)
Plutôt que de se limiter à l'opérette ou à la comédie musicale, les partitions d'Herbert combinaient souvent des éléments des deux genres. The Red Mill () (1906, 274 représentations) est l'histoire d'une troupe américaine de vaudeville échouée en Hollande, où ils aident une jeune fille dont l’amour avec un garçon local est contrecarré par son père bourgmestre. Avec Montgomery et Stone (deux stars du Vaudeville qui avaient déjà triomphé dans le The Wizard of Oz de 1902), les gags visuels abondaient: Stone faisait son entrée en tombant d'une échelle de 6 mètres.
Herbert a écrit aux jeunes amants des duos d'opérette comme The Isle of Our Dreams et Moonbeams, mais a écrit pour Montgomery et Stone le tube de comédie musicale The Streets of New York. Sur une musique de valse, les paroles de Blossom rappellent Ned Harrigan de la meilleur époque:
In old New York! In old New York,
The peach crop’s always fine!
They’re sweet and fair and on the square!
The maids of Manhattan for mine!
You cannot see in gay Paree,
In London or in Cork,
The Queens you’ll meet
On any Street
In old New York.
Extrait de la chanson «Moonbeams» tirée de «The Red Mill» (1906)

Partitions de «Naughty Marietta» (1910)
De même, Victor Herbert a aussi jeté un pont entre l'opérette et le grand opéra dans sa partition de Naughty Marietta () (1910, 136 représentations).
Commandé par l’agent d’Oscar Hammerstein I, il a été adapté aux talents de deux stars de l'opéra. Emma Trentini jouait Marietta, une aristocrate italienne qui évite un mariage imposé en 1780 en fuyant dans une colonie, la Nouvelle-Orléans. Là, elle tombe amoureuse du soldat mercenaire américain Dick Warrington, joué par le ténor Orville Harrold. Les amants doivent composer avec le fils du gouverneur royal, qui s'avère être un pirate meurtrier!
Tout est résolu lorsque Warrington complète la mélodie de rêve inachevée de Marietta, Ah Sweet Mystery of Life. L'air enthousiaste d'Herbert sauve les lourdes paroles signées Rida Johnson Young:
Ah, sweet mystery of life at last I’ve found thee!
Now at last I know the secret of it all.
All the longing, seeking, striving, waiting, yearning,
The burning hopes, the joy and idle tears that fall.
For ‘tis love, and love alone, the world is seeking;
And it’s love, and love alone, that can reply;
‘Tis the answer, ‘tis the end and all of living,
for it is love alone that rules for aye!
Extrait de la chanson «Ah Sweet Mystery of Life» tirée de «Naughty Marietta» (1910)
Acceptable pour les amateurs de théâtre en 1910, ce langage semble maladroit aujourd'hui. Ah Sweet Mystery of Life a eu le «malheur» de devenir une blague dans Young Frankenstein (1974), le film de Mel Brooks. En conséquence, il est maintenant presque impossible pour le public d’aujourd’hui de prendre au sérieux cette chanson autrefois populaire. Et pourtant, près de 90 ans après sa création, deux chansons de Naughty Marietta () (I'm Falling in Love With Someone et Ah, Sweet Mystery of Life) vont être réutilsées dans un musical moderne à succès Thoroughly Modern Millie () (2002) à Broadway.
Naughty Marietta a créé une formule à succès que la plupart des opérettes américaines vont adopter pour les deux décennies suivantes :
- Un cadre historique et/ou exotique.
- La musique compte le plus.
- La romance est l'ingrédient principal, pas le sexe.
- L'héroïne doit être indécise; le héros fidèle et macho.
- Une différence de classe (réelle ou imaginaire) entre les deux amoureux est préférable.
- Superbes décors et costumes.
- L'humour est nécessaire, mais le suspense de l’intrigue est centré sur la romance.
Herbert – grand buveur au large appétit – était un bon vivant mais il avait un bon sens des affaires. Lorsqu'il s'est rendu compte qu'il n'avait pas perçu un sou de droit d’auteur lorsque les orchestres des restaurants où il mangeait, jouaient sa musique, il a co-fondé l'American Society of American Composers, Authors and Publishers (ASCAP), la première organisation à protéger et à garantir les droits des auteurs-compositeurs.
La plupart des spectacles d'Herbert sont aujourd’hui oubliés, mais sa musique vaut toujours la peine d'être écoutée. Alliant sophistication européenne et esprit de plaisir américain, liant opérette et comédie musicale. Ce que Herbert a initié, sera poursuivi par Jerome Kern, Richard Rodgers, Leonard Bernstein, et Frederick Loewe.
Homme en bonne santé tout au long de sa vie, Herbert est décédé subitement d'une crise cardiaque à l'âge de 65 ans le 26 mai 1924 peu de temps après que son dernier spectacle, The Dream Girl (), aie commencé les pre-Broadway Try-out à New Haven, Connecticut. Il ne le verra jamais à Broadway. Il a été enterré dans le cimetière Woodlawn dans le Bronx, à New York City.
Herbert et sa musique sont célébrés dans le film de 1939, The Great Victor Herbert, où il a été interprété par Walter Connolly et qui a également présenté Mary Martin. Il a également été dépeint par Paul Maxey dans le film de 1946 Till the Clouds Roll By. De nombreuses œuvres d'Herbert ont été transformées en films et sa musique a été utilisée dans de nombreux films et émissions de télévision.
En 1940, le service postal américain a inclus Herbert dans sa série de timbres "Famous Americans". Pendant la Seconde Guerre mondiale, le navire Liberty SS Victor Herbert a été construit à Panama City, en Floride et nommé en son honneur.
Pour appuyer le fait qu'à son époque, Mlle. Modiste fut une rupture aussi importante que Show Boat le fut à la sienne, il est nécessaire d'argumenter.
Mlle. Modiste est une histoire contemporaine qui se situe dans le monde de 1905. La première scène présente une image de la distinction des classes sociales: des filles travaillant dans un magasin de chapeaux attendent une riche Américaine. Le texte met l’accent sur la superficialité de la mode ainsi que sur le style de vie des filles.
Les solistes, qui attendent une riche cliente américaine, rêvent, d'un jour, pouvoir s'offrir de tels chapeaux.
Still our wages are but small
When we are paid, what we have made
We must quickly spend it all.
(...)
It is then we forget
That the world has a snare or a care....
That the morning will come that again we sell...
Ev'ry hat we've got.
Nos salaires sont encore très bas
Quand on est payé, ce qu’on a gagné
Il faut vite le dépenser.
(...)
C’est alors que nous oublions
Que le monde est un piège ou une charge...
Et que le matin reviendra où nous vendrons...
Tous les chapeaux que nous avons.
Ouverture - «Mlle Modiste» - Victor Herbert
Cette ouverture présente à la fois la diversité des classes sociales et les mauvaises conditions de travail des femmes. Bien que l’ambiance musicale soit vive (marquée "allegro spumante!"), la scène est centrée sur un problème social, tout comme "Ol' Man River" remplit la même fonction dans Show Boat. Herbert aimait travailler contre les stéréotypes dans ses compositions, plongeant fréquemment un texte dans une musique d’humeur opposée. Ce genre de sarcasme musical est souvent utilisé dans Mlle. Modiste, surtout dans "Kiss Me Again"
Il s’ensuit un dialogue entre Mme. Cécile, la propriétaire de l’atelier, et ses deux filles, Fanchette et Nanette. Fifi, la Mlle. Modiste du titre, est absente parce que personne ne s’attendait à ce que Mme Cecile revienne au magasin si tôt. "Je suppose que quand je ne suis pas là, il n’y a pas de travail fait !" s’exclame-t-elle. Le trio qui suit, When the Cat's Away, renforce et développe le dialogue et grandit naturellement à partir de lui.
Nous apprenons dans la scène suivante que Fifi est la meilleure vendeuse du magasin, mais qu’elle rêve de devenir quelque chose d'autre, de mieux. "Je parie qu’elle traîne encore autour de l’opéra, regardant les répétitions," commente Mme Cecile, méprisant ainsi les rêves de Fifi de faire une carrière d’opéra. L’opéra, bien sûr, est un monde pour les classes supérieures; les vendeuses n’ont pas leur place là-bas. Mme Cécile ne tarde pas à exposer son plan à elle pour l’avenir de Fifi: "Elle est très indépendante maintenant, mais tout cela sera différent quand je serai sa belle-mère." Cette réplique à elle seule est une expression manifeste de l’antagonisme à laquelle sont confrontées les femmes de l'époque: rêver d’indépendance ou se couper les ailes par la voie typique de l’époque: le mariage. Et, clairement, ce sera le cas is Fifi se marie avec Gaston, le fils de Mme Cécile. Cette dernière est très claire: «Dès qu’elle sera mariée, elle sera mienne! Elle vivra ici et je ne lui paierai plus rien du tout." Les filles de Cécile répondent que Gaston est un "artiste" et qu’il fréquente la haute société. Il n'acceptera jamais de s'abaisser à épouser une simple vendeuse.
Une fois encore, les problèmes de classes sociales sont mis en évidence.
À ce moment, Etienne, l’amoureux de Fifi, entre, la cherchant. Il est capitaine dans l'armée française et membre de la noblesse, il est le Vicomte de Saint-Mar. Mais la réplique qu’il prononce indique un changement imminent dans les distinctions sociales rigides de l’époque. Etienne avoue son amour pour Fifi dans la belle chanson qui suit, « The Time and the Place and the Girl », et déclare « je la ferai sortir de cette vie dès que j’en aurai les moyens », autre référence à la classe et à la richesse comme des déterminants sociétaux.
ETIENNE
I wonder if Cupid
Is silly or stupid
Or if the little rascal cannot see?
For loving and wooing
Are all of his doing
And yet he makes it painful as can be.
He mixes the stations,
He changes relations....
ETIENNE
Je me demande si Cupidon
Est bête ou stupide
Ou si le petit coquin est aveugle?
Car aimer et séduire
Est tout ce qu’il fait
Et il le rend aussi douloureux que possible.
Il mélange les rôles,
Il change de relations...
«The Time and the Place and the Girl» - «Mlle Modiste» - Victor Herbert
Après le départ d’Etienne, Mme Cécile s’efforce de marier Fifi à son fils le plus vite possible. On suppose ici, bien sûr, que Fifi n’a rien à dire. Quelque temps plus tard, le vieux Comte de Saint-Mar, l’oncle d’Etienne, arrive avec la sœur d’Etienne, Marie. Ces deux personnages représentent la haute société. Marie est une snob et dit à son oncle que le fait qu’Etienne traîne dans un magasin de chapeaux "est un scandale public". Elle est en outre contrariée qu’Etienne ait amené son propre fiancé au magasin pour "se mélanger avec ces créatures vulgaires" - encore un peu de snobisme de classe. Quand elle dit au Comte qu’Etienne veut épouser Fifi, le Comte répond : "Nous allons mettre fin à cela." Il menace de priver Etienne de sa dotation et de le déshériter. Puis ils sortent, laissant la place libre à la première apparition de Fifi.
Un jour, alors qu’elle est seule dans la boutique, un riche et excentrique promoteur de théâtre américain, Hiram Bent, entre. Fifi, l’esprit libre, ressent une affinité naturelle pour ce self-made man inculte. En fait, c’est un millionnaire américain, un homme sans apparence ni prétention, qui se fout des distinctions de classe, et qui est le véritable héros de la pièce. Au début, le dialogue ne reflète pas les qualités de Fifi.
HIRAM
I'm sorry to frighten you, Mlle. Modiste. I merely wanted to ask you a question.
FIFI
"No" is the answer.
HIRAM
Then you can't tell me...
FIFI
Tell you what?
HIRAM
The quickest way to the Louvre?
FIFI
The quickest way is to run.
HIRAM
Je suis désolé de vous effrayer, Mlle. Modiste. Je voulais simplement vous poser une question.
FIFI
"Non" est la réponse.
HIRAM
Alors vous ne pouvez pas me dire...
FIFI
Vous dire quoi?
HIRAM
Le chemin le plus rapide vers le Louvre?
FIFI
Le moyen le plus rapide est de courir.
«Mlle Modiste» - Victor Herbert
Lorsque Fifi et Hiram Bent se connaissent mieux, elle apprend qu’il est riche et qu’il a pris la voie difficile; que sa devise est "ne jamais abandonner". L’Américain devient son âme sœur et l’encourage. Mais sa réponse révèle à quel point le rôle de la femme dans la société de 1905 est restreint:
FIFI
Ah, but you are a man, monsieur. You can go out into the world and fight; but a woman—what can she do? Do you think I have no ambition? Do you think that I'm content to sell these things and wait on a lot of people I despise? What chance have I for a future here?
FIFI
Ah, mais vous êtes un homme, monsieur. Vous pouvez aller dans le monde et combattre; mais une femme, que peut-elle faire? Pensez-vous que je n’ai aucune ambition? Vous croyez que je suis contente de vendre ces choses et d’attendre des gens que je méprise? Quelles sont mes chances d'avoir un avenir?
«Mlle Modiste» - Victor Herbert
Hiram lui demande ce qu’elle préfèrerait faire, et Fifi lui parle de son rêve d’une carrière sur scène. Elle a confiance en elle, mais croit que cela ne suffit pas: il faut de l’argent et des relations.
Hiram loue sa confiance en elle mais Fifi lui répond qu’elle a plus que cela: elle a du talent.
Fifi lui parle de l’ambition de sa vie. Cela se déroule dans une scène relativement élaborée en trois parties. Dans cette scène, Fifi joue devant Hiram Bent trois types de rôles très différents, ce qu'elle aimerait pouvoir faire lors d'une audition pour montrer l'étendue de son talent, si on lui en donnait l’occasion. C’est aussi une chance pour elle de montrer son mépris et son attitude envers trois couches bien distinctes de la société:
FIFI
If I were asked to play the part
Of simple maiden, light of heart,
A village lass in country clothes
As to and from her work she goes,
I'd sing a merry, lilting strain
And gaily dance to this refrain:
"Tra la la..."
If they should offer me some day
A prima donna role to play,
A stately queen with powdered hair,
Her costly gowns and jewels rare,
I would not act the part amiss.
I'd sing a Polonaise like this:
"Ah, you will all agree
That happy I should be. Ah!
I'm queen of all the land. Ah!...
With lords and ladies to kneel
And kiss my hand.
A king upon the throne
To woo me for his own, Ah!
The fairest woman ever seen! Ah...
Who would not be queen?"
But best of all the parts I'd play,
If I could only have my way,
Would be a strong, romantic role,
Emotional and full of soul.
And I believe, for such a thing,
A dreamy, sensuous waltz I'd sing:
"Sweet summer breeze,
Whispering trees,
Stars shining brightly above,
Roses in bloom, wafted perfume,
Sleepy birds dreaming of love,
Safe in your arms, far from alarms,
Daylight would come, but in vain.
Tenderly pressed, close to your breast,
Kiss me, kiss me again..."
FIFI
Si on me demandait de jouer le rôle
D’une jeune fille simple, le coeur léger,
Une fille de village en habits campagnards
Lorsqu'elle va ou revient de son travail,
Je chanterais un air joyeux et mélodieux
Et je danserait gaiement sur ce refrain:
"Tra la la..."
S’ils m’offraient un jour
Une prima dona à jouer,
Une reine majestueuse aux cheveux poudrés,
Ses robes coûteuses et bijoux rares,
Je ne voudrais pas mal jouer ce rôle.
Je chanterais une Polonaise comme ça :
"Ah, vous serez tous d’accord
Que je devrais être heureuse. Ah!
Je suis la reine de tout le pays. Ah!...
Avec des seigneurs et des dames à genoux
Qui embrassent ma main.
Un roi sur le trône
Qui me courtise pour lui seul, Ah!
La plus belle femme jamais vue! Ah...
Qui ne serait pas reine?"
Mais le meilleur de tous les rôles que je jouerais,
Si je pouvais suivre mon propre chemin,
Serait un rôle fort, romantique,
Émotionnel et plein d’âme.
Et je crois, pour une telle chose,
Je chanterais une valse rêveuse et sensuelle:
"Douce brise d’été,
Des arbres murmurant,
Des étoiles brillant dans le ciel,
Des roses en fleurs, parfum qui flotte,
Des oiseaux endormis rêvant d’amour,
Dans tes bras, loin des alarmes,
Viendrait la lumière du jour, mais en vain.
Tendrement serrée, près de ta poitrine,
Embrasse-moi, embrasse-moi encore...
- «Mlle Modiste» - Victor Herbert
On retrouve bien trois catégories de femmes:
- une fille simple, une laitière, qui accepte son rôle dans une société stratifiée;
- une femme de la haute société qui aime plaire à des gens sur qui elle a du pouvoir;
- une femme dont le seul but est d'être une femme qui peut se réfugier dans les bras de son mari pour être embrassée.
Toute la scène est l’occasion pour Fifi de rejeter, en chanson, les trois rôles que la société valide pour les femmes. Mais autant le public a compris la critique des deux premiers personnages, il a pris "Kiss Me Again" au premier degré. Il l’a compris comme une expression tendre et aimante. On est très loin des intentions de ses créateurs.
En guise de conclusion à ce passage, il est intéressant de savoir que "Kiss Me Again" finira par être compris comme les auteurs l'avaient prévu. Mais il faudra attendre Fanny Brice dans les Ziegfeld Follies de 1917 pour faire le travail.
Following this scene, Hiram buys several hats, and by a subterfuge arranges for Fifi to accept a substantial loan to help her in pursuing her career. After the millionaire leaves, Mme. Cecile declares, "That minx is getting too independent by half." There is no time to waste in marrying her off to her son, Gaston. Gaston, however, turns out to be a good-for-nothing mama's boy, a lightweight who lives off his mother's generosity. The image of the shallowness of his character is expressed in both the dialogue and the song that follows, "Love Me, Love My Dog."
Cecile
I'm very tired of giving you money to spend on your fine society friends who don't even know your poor old mother exists and wouldn't speak to her if they did! Your father and I have to work for our money. Gaston Mother! Enough of the people in my set throw that up to me now without your dwelling upon the fact. Mme. Cecile tells him there'll be no more money unless he agrees to marry Fifi. Gaston tells his mother that Fifi loves Etienne. Cecile replies: Cecile What if she does? You're proposing to marry her—to make her your wife! You scarcely believe that that nephew of the Count de St. Mar entertains such an idea, do you? With him it's a flirtation! It is an expression of class snobbery as seen from below, with its overtones of classic exploitation of lower-class girls by upper-class males. Cecile finishes by remarking that Fifi will "jump at the chance of an honorable marriage." This is followed by a scene between Gaston and Fifi, from which we can see that they are totally impossible as lovers; but they decide that the best thing for both of them would be to remain "Just Good Friends." This number is one of the most charming in the score but, unfortunately, it was cut from the original production. It is nothing less than an outstanding "song and dance" vaudeville turn. Herbert and Blossom had the inspiration to use a superficial musical form to reflect the superficial nature of the relationship. This is a wonderful piece of stagecraft, which cries for restoration to the score. Now Etienne returns for a private moment with Fifi, in which she expresses her general discontent. Fifi I'm tired of everything! I'd like to go away—if I didn't have to take myself along. Etienne Don't you love me? Fifi Why ask me? What can there ever be between us? You're a Viscount; I'm a shop girl.
Etienne Someday you could be a Viscountess. Fifi Your uncle would never consent. Etienne Then let him refuse. I'll marry you anyhow. Fifi No. That's impossible. Etienne Why? Fifi Because such a step would ruin your life. It would cost you your social position—your place in the army—your uncle's favor and your future inheritance. Etienne What shall we do? Fifi Wait. Etienne Wait for what? Fifi
For the time when I'm no longer a shop girl. The scene is interrupted by the appearance of the Count and Etienne's sister. The Count angrily demands to meet Fifi. Etienne introduces her as his love. The Count stares at her in disbelief. Fifi is not intimidated by his rudeness. Fifi Monsieur! When you've finished your inspection will you kindly state your business? Count Ha! As I expected! Self-possessed and independent as well! Etienne I won't stand by and hear the woman I love insulted. Count What! You dare... Etienne Yes, I dare, for I mean to make her my wife. Count You'll not only not do that, but you'll cease your attentions to her at once, or I'll stop your allowance and cut you out of my will forever. (To Fifi) You see, M'lle, that there's nothing to be gained by trapping my nephew into this disgraceful alliance. So here we have a scene that adds to the negatives the assumption that Fifi's only motivation is that of the gold digger trying to marry up. It's also interesting that Henry Blossom brings out Fifi's admirable qualities by building a drama in which both potential suitors are dependent on their families for their income. Fifi to the rescue: Fifi You might be less unkind if you knew that I have told Etienne that I should not marry him against your wishes.
Cecile declares that Fifi is going to marry her son, but Etienne offers to give up all his money and position; he even offers to get a job! Fifi then rejects the traditional role of a wife in marriage. Fifi No, Etienne. I can't let you work to support me. In 1905! Mme. Cecile again stirs the pot by saying that if Fifi won't marry her son, she's fired. Fifi quits! Mme. Cecile says she was only fooling. Fifi says she wasn't. Cecile But where will you go, child? What will you do without money or friends? Fifi I'll show you what I'll do! Which brings us to the decisive first finale. At the beginning of the number, Fifi has a passage that is nothing less than a declaration of independence for a woman unhappy and trapped in a world governed by privilege and social roles determined by gender and class. Fifi Oh, how I've dreamed of this day! The day when the word should be spoken. For now I am free! 'Twas destined to be: The spell of the past is broken. Now I go out in the world. The future unknown is before me. But hope is my guide, What e're may betide
I'll rejoice in knowing my life's my own. All but the Count and his niece beg her to stay. Fifi leaves, but her voice is heard offstage reflecting on how often she has dreamed of this moment of freedom. She returns to get the hat box, and has a moment of hesitation: "Have I the heart to go?" Here the stage directions in the original script emphasize the power of the mo- ment. "Etienne makes an attempt to embrace her but she evades him and runs upstage as the Count steps forward to interfere." Fifi has made her decision before the Count makes his move. She opens the hatbox to find the card with the address to which it is to be delivered. She reads it and finds it is for her; as well as a check for 5,000 francs that Hiram has included to help her reach her goals. The point is that she makes her decision before she is aware she has the means to carry it out. She exits in triumph. This was the original concept, and was the finale as performed at the premiere. Before the publication of the score it was decided that Fifi's declaration of indepen- dence was too blatant and incendiary, too much of a feminist statement for audiences in 1906. Blossom revised his text to convey a much more conventional senti- ment. Not Fifi, but Etienne is given the first solo: Etienne No. She shall not go alone For I will protect and watch o'er her. And if she'll repent [!] And give her consent I'll wed her—for I adore her. This patronizing convention is then echoed, Gilbert and Sullivan style, by the chorus. The remainder of the finale is unchanged except for one subtle shift. In the origi- nal text, all characters address Fifi in the second person; in the revision all use the third person, thus subtly demoting her image from the personal to that of an object. In the finale Herbert introduces the music of "Kiss Me Again" as an underscore to Fifi's moment of hesitation. He also uses it as a postlude. By the end of the first act we have heard the music four times as a unifying element for the structure. But this is only part of the story. Herbert's handling of two major themes associated with Fifi is essential to the structure of the operetta and the two poles of Fifi's character: her loving quality and her demand for independence. On the tension between these two the whole musico-dramatic structure depends. The "Kiss Me Again" theme is used as the basis for the creation of a second theme that represents Fifi's "dream of freedom" or "dream of independence." The three- note diatonic scale-like motif, followed by an upward leap that descends to a lower neighboring tone, is the basic pattern. In "Kiss Me Again," this is all set against an unchanging tonic major. But in its transformation to the "Freedom" theme, the three-note group is reduced to a triplet.


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