
Tout a commencé par le décès de sa sœur, Josie. Seulement quelques mois auparavant, Josie et sa famille étaient rentrées d’Australie. Le 12 juillet 1916, à l’âge de 40 ans, Josie décède de complications cardiaques. Elle laisse dans le deuil son mari, Fred Niblo, et leur fils de 13 ans, Fred Jr. Même si cela tenait plus du symbole qu'autre chose: les «Four Cohan» ne pourraient dorénavant plus jamais être reconstitués.
En 1916, George déménage sa famille dans une nouvelle maison à Great Neck, dans l’État de New York. Durant cette année, en dehors de The Cohan Revue of 1916 (), Cohan se bornera à produire deux pièces de théâtre The Intruder () et Captain Kidd, Jr. (). Il ne sera l'auteur d'aucune de ces deux pièces.

Broadway Jones (1917) - Film - Affiche
Au début de 1917, George s'est lancé dans quelque chose de très différent, il a tourné dans son premier film, Broadway Jones réalisé par Joseph Kaufman. George était aussi le producteur de ce film à travers la Cohan Feature Film Company.
Comme le montre l'affiche ci-contre, Cohan est devenu un vrai produit d'appel. Son nom est plus grand que le titre du film. L'affiche mentionne qu'il s'agit de la première parition à l'écran de George, dans sa «grande pièce américaine». Ce film est aujourd'hui perdu. Aucune copie connue n'existe dans des archives officielles ou des collections privées.
Il ne va pas s'arrêter là et il va enchaîner avec le tournage d'une nouvelle adaptation d'une de ses oeuvres scéniques, Seven Keys to Baldpate (). Il s'agit à nouveau d'un film muet mais, celui-ci, il ne le produira pas.
Cohan n’a pas du tout aimé le processus de création cinématographique. Il n’aimait pas jouer des petits morceaux de scène (mais c'est obligatoire au cinéma surtout à cette époque où il fallait enchainer les bobines de pellicules), surtout quand on les tournait dans le désordre. Cohan n'apparaîtra plus que dans un autre film jusqu’aux années 1930, l'adaptation de sa farce à succès Hit-the-Trail-Holliday () qui sortira dans les cinéma en juin 1918. Ce troisième film muet de Cohan a aussi disparu aujourd'hui. Si on se base sur les critiques de l'époque, ce film est intéressant dans la mesure où il aborde l'un des sujets les plus brûlants du moment: la prohibition.
«Over There»
Verse 1
Johnny, get your gun, get your gun, get your gun.
Take it on the run, on the run, on the run.
Hear them calling you and me,
Every Son of Liberty.
Hurry right away, no delay, go today.
Make your Daddy glad to have had such a lad.
Tell your sweetheart not to pine,
To be proud her boy's in line.
Verse 2
Johnny, get your gun, get your gun, get your gun.
Johnny, show the "Hun" you're a son-of-a-gun.
Hoist the flag and let her fly
Yankee Doodle do or die.
Pack your little kit, show your grit, do your bit.
Yankee to the ranks from the towns and the tanks.
Make your Mother proud of you
And the old red-white-and-blue
Chorus
Over there, over there,
Send the word, send the word over there
That the Yanks are coming, the Yanks are coming
The drums rum-tumming everywhere.
So prepare, say a prayer,
Send the word, send the word to beware –
We'll be over, we're coming over,
And we won't come back till it's over, over there.
«Over there» - de George M. Cohan - Version chantée par Billy Murray au début du XXème siècle
A l'époque ou Cohan tourne ses films, un événement va tout changer pour les Etats-Unis. En avril 1917, alors que la première guerre mondiale démontre sa sauvagerie depuis près de trois ans dans toute l'Europe, les Etats-Unis sont isoliationistes et n'ont pas voulu s'engager das le conflit.
Le 7 mai 1915, le Lusitania, un paquebot transatlantique britannique, avait été torpillé par le sous-marin allemand U-20 au large de l'Irlande. Il en résulte près de 1.200 morts sur 2.000 passagers et membres d'équipages, alors que le navire transporte un chargement de munitions. Ce torpillage cause la mort de 128 américains. Les Américains furent choqués et l'opinion publique devint hostile à l'Allemagne, mais pas encore au point de déclarer la guerre. Wilson émit un avertissement à l'Allemagne; elle ferait face à sa «stricte responsabilité» si elle coulait d'autres navires de passagers américains neutres. Berlin acquiesça, ordonnant à ses sous-marins d’éviter les navires de passagers.
Mais en janvier 1917, les allemands relancèrent la guerre sous-marine sans restriction, signifiant l’attaque de tous les navires américains dans l'Atlantique Nord. Enfin, après que les Allemands incitent en plus, via le célèbre «télégramme Zimmermann», les Mexicains à attaquer les Etats-Unis, il ne restait plus qu'une décision possible: entrer en guerre contre l'Allemagne. Ce qui fut fait le 6 avril 1917.

Partitions de «Over There» avec le marin William J. Reilly de l'USS Michigan
George M. Cohan voulait faire quelque chose pour son pays. Comme à 38 ans il était trop vieux pour s'engager comme soldat, il a contribué en faisant ce qu’il a faisait de mieux: il a écrit une chanson et l’a dédiée à "nos garçons." Over There a été considérée comme la plus grande chanson de guerre jamais écrite, et c’est certainement l’une des plus grandes chansons de Cohan.
Over There a fourni un cri de guerre pour tous ces jeunes, bien souvent naïfs, qui sont partis la fleur au fusil pensent qu'ils allaient tout balayer un une semaine. Les Etats-Unis seront impliqués dans la Première Guerre mondiale pendant un peu plus d’un an et demi.
Cette chanson sera réutilisée à diverses occasions pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Elle n’a pas été très utilisée pendant la guerre du Vietnam, mais l’est depuis les attentats terroristes du 11 septembre.
Alors que la guerre en Europe réclamait de plus en plus de soldats américains, et que George M. Cohan était toujours au sommet de Broadway, il a peut-être subi la perte la plus grave de sa vie. Le 1er août 1917, son père, Jerry Cohan, meurt d’artériosclérose à l’âge de 69 ans. Le deuil causé par le décès de son père était trop lourd à porter pour le Cohan d’âge moyen. Il a plus tard admis que immédiatement après la mort de son père était «la seule période de toute ma vie où j'ai sombré dans l'alcool.» Il eut à peine le temps de se remettre de la douleur profonde de la mort de Josie, un an auparavant, et maintenant vint la mort de son père. George a toujours été très proche de son père, et leur relation n’a jamais faibli.
Dans une publication mensuelle du club The Friars, Ashton Stevens se souvient de la relation entre George et Jerry:
« (...) le vieux gentleman continuait de penser que le plus beau cadeau au monde était l’occasion de faire une bonne nuit de travail dans un théâtre.
George le savait. Lorsque Jerry a arrêté de parler de son prochain rôle dans la prochaine production, George savait que la fin était proche.
(...) Ils n’ont jamais pensé qu’ils faisaient quelque chose d’irrégulier ou de non professionnel quand ils se sont habillés ensemble - et aussi avec George Parsons - dans la salle de choeur de la cave du grand Cohan Theatre, laissant les dames de la troupe de «Broadway Jones» occuper les vestiaires pratiques et confortables sur et au-dessus de la scène. »
Ashton Stevens
Les Etats-Unis étaient conscients de la désillusion et du désespoir de ses soldats en Europe. Tandis que les Américains aidaient à vaincre l’Allemagne, le nombre de morts commençait à miner le moral des jeunes soldats. Broadway a essayé de rendre espoir à la nation américaine. La pièce la plus ambitieuse de ces programmes mettait en vedette Laurette Taylor et avait été écrite par son mari, J. Hartly Manners. Elle s’intitulait Out There. La pièce, dont la distribution comprenait également Joan Fontanne, a été créée au profit de la Croix-Rouge. Elle s'est jouée pendant de longs mois au Globe Theatre puis au Liberty Theatre de Broadway. Séduit par cette démarche, en mai 1918, une équipe constituée de stars a joué la pièce une semaine au Century Theatre avant de partir trois semaines en tournée. George M. Cohan, George Arliss et Minnie Maddern Fiske se sont joints à Laurette Taylor dans un élan extraordinaire pour la Croix-Rouge. Minnie Maddern Fiske lisait un discours d’engagement entre les actes qui avait été spécialement écrit par le Président Wilson. Chaque acteur a joué bénévolement et a payé ses propres frais de déplacement. En un mois, ils amassèrent près de 700.000$ - une énorme fortune en 1918. C'est important de montrer ces moments où Cohan s'est bien comporté, car sa réputation ne va pas tarder à se ternir.
Avec la fin de la Première Guerre mondiale, les spectateurs se sont rués au théâtre pour oublier la tragédie de la guerre. Le 24 décembre 1918, Cohan présenta résolument une comédie d’avant-guerre intitulée A Prince There Was () (1918 - 159 représentations), jouant lui-même le rôle principal. Le lendemain, le 25 décembre, il présenta la création d'un musical The Voice of McConnell () (1918 - 30 représentations). Ce spectacle était avant tout un véhicule pour Chauncey Olcott. La pièce - dont la musique, les paroles et le livret étaient signés de George - était plutôt une comédie avec des chansons qu'un vrai musical. La banalité de la pièce n’a pas échappé à la critique et ce fut un flop.
Mais le succès n'allait pas tarder à revenir mais aussi ce qui allait malheureusement ternir à jamais la réputation de George M. Cohan.