4.
1918-1938
L'Autriche de
l'entre-deux guerres

 5.1.
1938
L'Anschluss

 5.2.1.
1938-1939
Les premières
mesures


 6.
1945-2022
L'Autriche
contemporaine

A) Les grandes conférences

Le 22 juin 1941, Hitler déclenche l’opération Barbarossa et attaque son allié, l’URSS. Sur le champ de bataille européen, trois pays se retrouvent sans l’avoir décidé dans un même camps: deux anglo-saxons – les États-Unis et le Royaume Uni – et l’URSS.

Au cours de l'année 1942, les deux pays Anglo-Saxons vont se rapprochent politiquement de l'URSS afin d'aboutir à une «Grande Alliance» contre l'Axe. Il y a bien sûr de très nombreux désaccords entre les deux pôles de cette nouvelle alliance: refus de Churchill de mettre en place un second front qui aurait soulagé le front germano-soviétique, volonté des soviétiques de fixer la frontière polonaise sur la ligne Curzon, … .

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Churchill, Roosevelt et Staline à Yalta
© Archives nationales du Royaume-Uni

Dès lors, et jusqu'à la fin de 1942, Anglais et Américains s'attachent à rassurer Staline. Le débarquement américain en Afrique du Nord (8 novembre 1942) met fin à une longue période de méfiance, créant le second front tant espéré par Staline, même s’il l’avait préféré en Normandie. Mais pour cela, Staline va encore devoir attendre deux ans.

Les grandes conférences réunissant les «Trois grands» (The Big Three) entre les trois pays vont se succéder durant tout le reste de la guerre: dont Téhéran (1943), Le Caire (1943), Bretton Woods (1944), Dumbarton Oaks (1944), Moscou (1943, 1944, 1945). Les deux dernières, les plus connues se tiennent à Yalta (février 1945) et à Postdam (juillet-août 1945).

La première fut la Conférence de Téhéran (28 novembre au 1er décembre 1943) et elle rassemblait pour la première fois Churchill, Roosevelt et Staline. C’est là que fut décidé le débarquement de Normandie.

Au total, In total Churchill a patricipé personnellement à 16,5 conférence (il a quitté celle de Postdam car il a perdu les élections angliases pendant la conférence), Roosevelt 12, et Staline 7.

B) La Conférence de Moscou (1943)

Mais la rencontre qui nous intéresse ici, la Conférence de Moscou (19 octobre au 1er novembre 1943) n’est pas une réunion des trois chefs d’État, mais bien de leurs ministres des affaires étrangères: Cordell Hull (USA), Anthony Eden (GB) et Molotov (URSS). Ils y ont décidé de construire une coopération entre les trois pays et de l'entrée de l'URSS en guerre contre le Japon. Mais ils ont surtout fixé les fondements de ce que serait la politique européenne après la fin de la guerre. L’objectif était très simple, mais pourtant tellement ambitieux: il s'agissait de clarifier les conditions dans lesquelles l'alliance des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Union soviétique pouvait être garantie dans la phase finale de la guerre et dans l'immédiat après-guerre, malgré les divergences politiques existantes.

Vont sortir de cette conférence «quatre déclarations»:

  1. Déclaration sur les atrocités: avertissement aux pays qui commettaient des atrocités (Allemagne nazie et Japon) que celles-ci ne resteraient pas impunies
  2. Déclaration des Quatre Nations: considérée comme l’un des textes préparatoires de la Charte des Nations unies, elle est signée par les trois (USA, GB et URSS) auxquels se joint la Chine
  3. Déclaration sur l’Italie: le fascisme et son influence doivent être éradiqués et il faudra donner au peuple italien toutes les chances d'établir des institutions fondées sur des principes démocratiques. C’est un essai de faire renverser Mussolini par son peuple. Et cela va réussir...
  4. Déclaration sur l’Autriche: démarche particulièrement intelligente qui tend à fissurer le IIIème Reich.

C’est évidemment cette dernière déclaration qui nous intéresse ici.

Dans la Déclaration de Moscou, les ministres des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, des États-Unis et de l'Union soviétique ont déclaré invalide l'Anschluss, à savoir l’annexion de l'Autriche au Reich allemand en mars 1938 et ont déclaré qu'ils voulaient restaurer l'État autrichien après la fin de la guerre.

La déclaration est assez courte. Trois paragraphes. Mais ils vont influencer en profondeur la politique autrichienne pendant cinquante ans.

«Les gouvernements du Royaume-Uni, de l’Union soviétique et des États-Unis d’Amérique ont convenu que L’AUTRICHE, LE PREMIER PAYS LIBRE VICTIME DE L’AGRESSION HITLÉRIENNE, sera libérée de la domination allemande.»

Paragraphe 1/3 - Déclaration de Moscou - 1943


Cette déclaration va créer le mythe autrichien de la Victimisation. A la fin de la guerre, l’Autriche va refouler son passé, son enthousiasme lors de l'Anschluss, son antisémitisme assumé d’avant-guerre. Cette déclaration va leur permettre de pouvoir s’autopersuader qu’ils sont les victimes d’Hitler et pas ses complices. Facile. Et pourtant très efficace.

«Les gouvernements du Royaume-Uni, de l’Union soviétique et des États-Unis d’Amérique considèrent l’annexion imposée à l’Autriche par l’Allemagne le 15 mars 1938 comme nulle et non avenue. Ils ne se considèrent en aucune façon liés par les changements intervenus en Autriche depuis cette date. Ils déclarent qu’ils souhaitent voir rétablir une Autriche libre et indépendante, et ainsi ouvrir la voie au peuple autrichien lui-même, ainsi qu’aux États voisins qui seront confrontés à des problèmes similaires, pour retrouver la sécurité politique et économique qui est la seule base d’une paix durable.»

Paragraphe 2/3 - Déclaration de Moscou - 1943


Et enfin, par ce qu’en octobre 1943, nous sommes en pleine guerre et que par exemple le camp de concentration de Mauthausen se trouve en Autriche. Le but premier est que le peuple autrichien se révolte contre Hitler. Les Italiens se révolteront contre Mussolini. Les Autrichiens ne chasseront pas Hitler.

«On rappelle cependant à l’Autriche qu’elle a une responsabilité à laquelle elle ne peut se soustraire pour participer à la guerre du côté de l’Allemagne hitlérienne, et que, dans le règlement final, on tiendra inévitablement compte de sa propre contribution à sa libération.»

Paragraphe 3/3 - Déclaration de Moscou - 1943


De cette Déclaration de Moscou, les Autrichiens ne se souviendront que du premier paragraphe, concernant le rétablissement d’une Autriche démocratique et indépendante. Mais le vent tourne...

 

C) La fin de la IIème Guerre Mondiale en Autriche

Début avril 1945, les Soviétiques sont attendus avec impatience, assertion qui peut paraître étrange aujourd’hui mais qui est confirmée par les témoignages de l’époque. Le journal intime d’une femme permet de suivre l’avancée de l’armée soviétique:

«Vraisemblablement, à neuf heures les Russes prendront Vienne. Dieu faites que cela soit vrai.... le 9 avril: 8 heures et demie les premiers chars russes sont passés, tout le monde était dans la rue.»

«Uns fragt man nicht. Ein Tagebuch 1941-1945» - Maria Czedik - J&V Edition Wien (1988)

 

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Vienne, avril 1945
© Jevgenij Chaldej/Anna und Leonid Chaldej

En ville et à la campagne, l’expression «Die Russen kommen» (les Russes arrivent) recouvre à la fois espoir et crainte de l’inconnu dans la mesure où depuis des mois la propagande nationale-socialiste a distillé une image apocalyptique du Russe, des «hordes mongoles», des «barbares rouges». La radio a déjà préparé les populations à l’idée du pillage, de violences et de viols. Mais il signifie aussi la fin pour les Autrichiens la fin de l'une des pages les plus sombres de leur histoire commencée avec l'Anschluss en 1938.

Le 12 avril, la 4ème armée soviétique traverse le Canal du Danube après de longs combats. Le 13 avril, les Soviétiques sont maîtres de la ville. Et malheureusement, souvent, une fois les dernières poches de résistance allemande vaincues, le soldat soviétique libérateur se transforme en ivrogne pilleur et violeur. Les témoignages sont innombrables. Les «Russes» s’emparent de tout ce qu’ils trouvent et le brandissent comme un trophée de guerre, montres et bicyclettes sont particulièrement prisées par ces soldats. Pillages et viols sont dans la mémoire populaire indissociablement liés.

Les Alliés libèrent l’Autriche et vont se livrer, comme en Allemagne, à une véritable compétition, une course aux territoires conquis. Les villes du sud du pays sont bombardées jusqu’en mai par les Américains ou les Britanniques. Les Français occupent Bregenz début mai, la 3ème armée des États-Unis du général Omar Bradley libère le camp de Mauthausen le 5 mai 1945. Le front se stabilise entre troupes américaines et soviétiques en Haute-Autriche. Divisé en quatre zones, le pays sera occupé jusqu’en 1955. Quant à la capitale, elle est également divisée en quatre et le premier arrondissement constitue une zone inter-Alliés. Vienne, la capitale dont les Hasbourg étaient si fiers est à genoux.

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Zones occupées en Autriche, 1945-1955.
© C.Lingg
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Les quatre secteurs d'occupation à Vienne.
Les zones en rouge clair désignent les secteurs annexés à Vienne depuis 1954, mais placés à l'époque sous occupation soviétique. La zone en gris, au centre, est constituée par le 1er district (Innere Stadt soit « la ville intérieure ») connaissait un régime d'administration commune aux quatre forces d'occupation. La gestion de la zone était ainsi confiée tous les mois par roulement à chacune des forces occupantes. Les patrouilles étaient composées d'un militaire de chacune des forces d'occupation, le chef de la patrouille appartenait à la puissance qui gérait le secteur, donc changeait chaque mois.

© C.Lingg
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Le film The Third Man du Britannique Carol Reed est un témoignage extraordinaire sur cette Vienne en ruines avec son marché noir et sa cohorte d’espions.

Tourné entre fin 1948 et début 1949 dans une Vienne défigurée par la Deuxième Guerre mondiale et porté par la célébrité d’Orson Welles, le film témoigne de l'état de la ville plus de trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il montre plusieurs endroits célèbres de Vienne: le Prater et sa grande roue, le palais Pallavicini, l'hôtel Sacher, le café Mozart ou encore le cimetière central.

La ville est dépeinte par Carol Reed avec un véritable souci documentaire.

Succès d’après-guerre, devenu film culte chez les cinéphiles, The Third Man fut récompensé au festival de Cannes (Palme d’Or) et aux Oscars, et même distingué en 2000 meilleur long-métrage britannique de l’histoire par le British Film Institute.

Mais le film a toujours été un flop en Autriche. Même aujourd'hui, cette œuvre culte du cinéma noir, sortie il y a 70 ans, n’a jamais vraiment trouvé sa place dans le cœur des habitants de la capitale autrichienne.