3.
1898-1918
Fin du règne
de François-Joseph Ier

 4.1.
1918-1934
Une démocratie
en danger

 4.1.4.
1934
La guerre
civile

 

 

 5.
1938-1945
La paranthèse
allemande et nazie

Après la guerre civile de février 1934 dont nous venons de parler, l'Autriche bascule dans une autocratie basée sur l'«austrofascisme». L’austrofascisme est un fascisme dont le catholicisme est une composante essentielle. Sur les armes de l’Autriche est ajoutée une auréole. Cette référence à la religion différencie la dictature autrichienne des autres formes de dictatures européennes qui voient la religion comme concurrente. L’État est fasciste, mais sans lois raciales. Il y a un parti unique, mais pas de contrôle total de la vie politique. Ce n’est pas un nouveau parti qui arrive au pouvoir, mais un ancien qui s’est transformé.

L’état corporatiste autrichien est hiérarchisé et a pour modèle le Moyen Âge avec une composante catholique. Le programme avait été établi dès septembre 1933 (mois du 250ème anniversaire de la libération de Vienne des Turcs). Il est présenté comme une libération nationale des ennemis de l’intérieur. «Nous voulons un État autrichien chrétien et allemand sur une base corporatiste et avec un dirigeant autoritaire». Les ennemis sont le marxisme, le capitalisme, le parti nazi et la domination des partis sur l’État.

A) Une constitution autoritaire

La Constitution corporatiste chrétienne du 1er mai 1934 fournit dans son préambule un triple encrage on ne peut plus clair:

«Au nom de Dieu, le tout puissant, qui dit le droit, le peuple autrichien reçoit cette constitution pour son État fédéral chrétien et allemand sur des bases corporatistes.»

Préambule à la Constitution au trichienne du 1er mai 1934


Cette constitution est ratifiée par un pseudo-parlement croupion le 30 avril 1934. Elle crée plusieurs «organes consultatifs» :

  • le Staatsrat (Conseil d’État) : 50 membres nommés par le Président fédéral pour 10 ans
  • le Bundeswirtschaftsrat (Conseil économique fédéral) : 80 représentants des corporations
  • le Bundeskulturrat (Conseil culturel fédéral) : 30 à 40 représentants des Églises, de l’enseignement, de la science et de la culture
  • le Länderrat (Conseil des régions) : les gouverneurs des provinces, leurs responsables des finances et le maire de Vienne
  • le Bundestag (Conseil fédéral) : 72 délégués issus des conseils ci-dessus
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Chancelier autrichien Engelbert Dolfuss
© Knozer (F. Knozer)

Les quatre premiers conseils émettent seulement des avis à propos des projets législatifs. Et c’est le cinquième, le Bundestag, qui décide des projets de loi du gouvernement. Attention, il ne les discute pas, il vote seulement sur l’adoption ou non de la loi sans pouvoir proposer d’amendements.

La constitution limite les droits des femmes. Les corporatistes chrétiens désignent, comme au Portugal ou dans la France de Vichy, les femmes comme responsables du chômage mais aussi de la baisse de la natalité, de la diminution du nombre des mariages, de la dépravation des mœurs!!! Un peu plus tar, en juin 1937, le gouvernement renforcera la lutte contre l’avortement.

Le concordat qui avait été signé le 5 juin 1933 garantit à l’Église catholique une place privilégiée le nouvel État Autoritaire Corporatiste Chrétien mis en place par Dollfuss au lendemain de la guerre civile de février 1934. Celle-ci est entièrement libre de gérer ses affaires et l’État reconnaît à l’Église une compétence en matière de droit marital. L’Église catholique se voit confier le contrôle de l’enseignement.

B) Le «Front patriotique», structures et idéologie

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Kruckenkreuz
(croix potencée)

Cette Constitution n’est que le long aboutissement d’un processus de suppression des partis démocratiques qui peut être symbolisé par la fondation par le chancelier Engelbert Dollfuss du Vaterländische Front (Front patriotique), le 20 mai 1933. Ce front est présenté comme une organisation au-dessus des partis visant à rassembler toutes les forces politiques «fidèles au gouvernement». Il s’agit donc bien de se substituer aux partis … et donc de les voir disparaître.

Après l’interdiction des «partis extrémistes» puis du Parti social-démocrate et de ses organisations politiques, le Parti social-chrétien est contraint de s’auto-dissoudre. Le Front patriotique devient alors la seule organisation politique appelée à regrouper tous les citoyens désirant «avoir une action politique». Cette organisation adopte comme emblème la Kruckenkreuz (croix potencée).

Ils vont être trois à diriger succèssivement le Front patriotique :

  • Dollfuss jusqu’à son assassinat, le 25 juillet 1934
  • Ernst R. Starhemberg du 31 juillet 1934 au 16 mai 1936
  • Kurt Schuschnigg du 16 mai 1936 jusqu’à l’Anschluss.

Le problème principal du Front patriotique est qu’il s’agit d’une coquille vide. Ses responsables sont plus occupés à détourner des fonds qu’à gérer leur organisation ou le pays. La population les considère comme des incapables et des profiteurs. Ils ne comprennent pas ce qui se passe dans leur pays. Il n’y a aucune vraie idéologie comme – sans les valoriser – en Italie fasciste ou en Allemagne nazie. En fait, l’idéologie du Front patriotique et de l’État Autoritaire Corporatiste Chrétien se résume à vouloir revenir au monde d’hier – en fait à l’époque bénie du Moyen Âge – où selon Dollfuss «le peuple était structuré et organisé en corporations; cette époque, où le travailleur ne se révoltait pas contre son maître». L’idéal de Dollfuss est celui de la ferme «où le paysan mange le soir à la même table, la même soupe, le même plat que les serviteurs après une journée de travail commune».

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«Un Grand chancelier et un petit chancelier»
Caricature d'Hitler et d'Engelbert Dollfuß
peu avant l'assassinat de ce dernier (été 1934)

© Bpk

À la différence du culte du chef de l’Italie fasciste ou de l’Allemagne nationale-socialiste, les personnalités de Dollfuss ou de Schuschnigg, qui lui succède, se prêtent mal aux phénomènes d’idolâtrie et d’identification collective. Dollfuss ne saurait être comparé aux dictateurs voisins. Il n’a aucun charisme et la rumeur populaire le surnomme le «Milli-Metternich» ou le «nain».

Comme nous allons le voir ci-dessous, Dollfuss va être assassiné lors d’une tentative de coup d’État des nationaux-socialistes le 25 juillet 1934. L’Autriche corporatiste va alors tenter de transformer Dollfuss – le fossoyeur de la démocratie autrichienne – en martyr. Partout, sa photographie est exposée et la population est appelée à cotiser pour financer des monuments à sa mémoire!!!

Cette tentative est vouée à l’échec et ne rétablira pas l’image de Dollfuss à l’époque. MAIS… Car il y a souvent un «mais». En 1945, les dirigeants de l’ÖVP (parti autrichien d’orientation chrétienne-démocrate) y parviendront mieux en vendant, contre toute vérité historique, Dollfuss comme le garant de la démocratie et victime de la brutalité des nationaux-socialistes. C’est facile après les cinq ans de guerre d'affirmer que les «seuls méchants ont été les nazis allemands». C’est une évidente manifestation de ce que nous allons analyser plus tard: la «VICTIMISATION». Un des plus grands mensonges historiques…

Les forces conservatrices de la Seconde République, voulant laver leurs propres responsabilités dans l’instauration de l’État Autoritaire Corporatiste Chrétien et dans la disparition de l’Autriche, rappellent avec un raccourci mensonger qu’il a été assassiné par des nazis (ce qui est vrai) et que donc il est un des premiers démocrates s’opposant à Hitler et à l’idéologie nazie (ce qui est doublement faux). Aujourd’hui encore, pour les catholiques continuant à défendre les valeurs du chancelier, Dollfuss reste un martyr. Pour en revenir un instant aux Habsbourg, en mars 2008, Otto Habsbourg ose encore déclarer:

«Il n’y a pas d’autre pays en Europe qui a eu un chancelier mort dans le combat contre Hitler. Nous pouvons en être fiers»

Otto Habsbourg - mars 2008


Ils oublient que Dollfuss est le fossoyeur de la démocratie parlementaire autrichienne. Son successeur, Schuschnigg a, en juillet 1935, abrogé la loi sur l’extradition des Habsbourg, ce qui peut être perçu comme une menace de restauration des Habsbourg. Le 29 avril 1936, il ordonne la restitution des biens des Habsbourg en Autriche.

C) Le putsch national-socialiste du 25 juillet 1934

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Josef Gerl

Josef Gerl, né le 13 février 1912 à Vienne, d'une famille bohémienne, qui s'était installée dans la capitale autrichienne de l’Empire austro-hongrois. Gerl commença à travailler comme orfèvre, mais la crise économique de 1929 le frappa de plein fouet et le mit à la rue.

Dans l'agitation culturelle et intellectuelle de Vienne la rouge, il s'inscrivit dès 1929 aux Jeunesses socialistes autrichiennes en réaction à la montée des courants fascistes dans la région. Il prit part en février 1934 aux combats de rue contre le régime austrofasciste. Après une fuite en Tchécoslovaquie, il revint à Vienne pour reprendre le combat.

Il fut arrêté à la suite de sa participation à un attentat sur une ligne ferroviaire viennoise en 1934, jugé, et condamné le même jour à mort. Josef Gerl fut pendu le 24 juillet 1934.

En hommage, la rue Gerlgasse dans le troisième arrondissement de Vienne fut nommée d'après Josef Gerl.

Quelques mois après la guerre civile de février 1934 – où la gauche s’était opposée à l’État Autoritaire Corporatiste Chrétien naissant - les nationaux-socialistes (NSDAP) profèrent une série d’attentats début juin 1934, dont 8 dans des gares du pays, le 10 juin.

En réaction, le 19 juin, le gouvernement de Dollfuss rétablit la peine de mort et vote une loi qui punit de mort toute personne en possession d’explosifs. La première application de cette loi se fera envers un homme de gauche… Le 24 juillet 1934, le jeune social-démocrate Josef Gerl tentant de faire sauter une ligne de chemin de fer est arrêté, condamné et pendu le jour même.

Les nationaux-socialistes ont de grands projets: ils veulent mettre fin à l’État Autoritaire Corporatiste Chrétien et projettent d’arrêter le président fédéral Wilhelm Miklas, les membres du gouvernement lors d’un conseil des ministres et d’occuper la radio. Une date est fixée: le 24 juillet 1934 mais doit être repoussée au lendemain, le Conseil des ministres étant repoussé d’une journée.

Le 25 juillet 1934, 15 putschistes s’emparent de la radio et obligent à diffuser, à 13h02, le faux message suivant: «Le gouvernement Dollfuss a démissionné. Anton Rintelen [ancien gouverneur de Styrie] est chargé du gouvernement». Ce message n’est en fait qu’un signal convenu adressé aux nationaux-socialistes autrichiens leur stipulant qu'ils pouvaient commencer le «soulèvement».

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Véhicule blindé de la police, devant la chancellerie autrichienne (Ballhausplatz - Vienne), le 25 juillet 1934
© Photo de Wilhelm Willinger (1879–1943) - Wiki Commons

Au même moment, 154 SS déguisés en soldats de l'armée fédérale autrichienne et en policiers prennent d'assaut la chancellerie fédérale à Vienne. Ils tirent sur Dollfuss qui est alors grièvement blessé. Le chancelier demande aux putschistes un médecin et un prêtre, les putschistes refusent. Une partie du gouvernement réussit à s'échapper. À 14 heures, informé de la situation, le président fédéral Wilhelm Miklas donne par téléphone tout pouvoir à Schuschnigg pour le temps où Dollfuss sera indisponible. Dollfuss meurt à 15h40. La nouvelle de sa mort se répand comme une traînée de poudre.

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Le chancelier autrichien Dollfuss, quemlques instants après son assassinat, le 25 juillet 1934

Ce n’est qu’à 17h30 qu’Odo Neustädter-Stürmer, ministre et membre des Heimwehren et le Général Zehner se présentent devant la chancellerie pour négocier avec les putschistes. Ces derniers cernés par l’armée fédérale et la police ne se rendent que vers 19 heures. Les 154 hommes, dont 96 ayant appartenu auparavant à l’Armée fédérale, sont arrêtés. Quelques combats se déroulent dans certaines régions d’Autriche, mais durent tout au plus deux jours…

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De g. à dr.: Pierre Laval (F), Benito Mussolini (I), Ramsay Mac Donald (UK) et Pierre-Etienne Flandin (F) à la fin de la conférence de Stresa

La mort de Dollfuss a profondément irrité Mussolini. Il oblige son gouvernement, le lendemain de la tentative de putsch, le 26 juillet 1934, à ordonner la mobilisation des troupes le long de la frontière de Carinthie et au Brenner pour parer à toute éventualité d’intervention de l’Allemagne nazie – rappelons que ce sont des nationaux-socialistes qui ont fomenté ce putsch en Autriche. La Yougoslavie fait de même. Fin septembre 1934, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie font une déclaration commune réaffirmant l’indépendance de l’Autriche. Du 11 au 14 avril 1935, la conférence franco-anglo-italienne de Stresa – convoquée à la suite du rétablissement du service militaire par le Troisième Reich le 16 mars 1935 – rappelle que les trois pays exigent le maintien de l’indépendance et de l’intégrité de l’Autriche. Cela fera reculer Hitler. Momentanément… Avant que l’affaire éthiopienne ne fasse basculer Mussolini dans le camps d’Hitler, rendant l’Anschluss envisageable.

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Theodor Habicht
© Reichstagshandbuch, IX. Wahlperiode 1933

Revenons en arrière... Le 29 juillet 1934, quatre jours après le putsch manqué, Hitler ordonne la dissolution de la direction du NSDAP en Autriche et destitue Theodore Habicht, un allemand qu'Hitler avait envoyé en Autriche en 1931 pour la réorganisation du parti nazi autrichien et à qui il avait demandé de préparer le putsch de juillet 1934. On assiste alors à un changement de stratégie du IIIe Reich et la propagande anti-autrichienne cesse. Place à la sournoiserie...Theodore Habicht est donc rappelé à Berlin - où il vivra deux ans de disgrâce, Hitler préférant jeter tout le discrédit de l'échec du putsch sur Habicht que sur lui même - et il sera remplacé par l’ancien chancelier du Reich Franz von Papen, jugé plus apte à négocier avec les corporatistes chrétiens autrichiens car von Papen avait été jusqu’à sa nomination au poste de chancelier en juin 1932 membre du Zentrum, le parti catholique allemand.

Pour terminer l’analyse de cette terrible année 1934 pour l’Autriche, laissons la parole à Gabriel Puaux, ambassadeur de France à Vienne qui écrit à Pierre Laval, ministre des Affaires étrangères, le 4 janvier 1935, et qui évalue très «bizarrement» les événements de l’année précédente:

«L’année 1934, où par deux fois l’Autriche a été ébranlée jusque dans ses fondements, s’est terminée sous le signe d’un apaisement intérieur. Les événements tragiques de février et de juillet ont eu un mérite, celui de montrer la solidité de l’œuvre entreprise par le chancelier Dollfuss, et la sûreté de la conception qui l’inspirait. Aussi, lui disparu, ses successeurs n’en gardent pas moins une confiance accrue dans le cours qu’il a inauguré. Les adversaires s’en rendent compte et trahissent leur incertitude. Malgré une propagande clandestine, dirigeants socialistes ou nationaux-socialistes ne peuvent que constater la perte de leur prestige et si les hitlériens tentent de se réorganiser, on les sent essoufflés et privés de la conviction du début.»

Gabriel Puaux, ambassadeur de France en Autriche
Message à Pierre Laval, Ministre français des Affaires étrangères - 4 janvier 1935

D) L’État autoritaire corporatiste chrétien entre Mussolini et Hitler

D.1) La Grande-Allemagne

Pour comprendre l’histoire autrichienne de cette époque, il est indispensable de garder à l’esprit que dès les débuts du IIIème Reich, l’Allemagne nationale-socialiste aura une priorité: faire rentrer tous les Allemands dans le Reich. Pour les Autrichiens, cela a une signification assez simple: une disparition pure et simple de leur pays… Ce que l’on appelle l’Anschluss. Ce à quoi Mussolini s’est opposé, comme nous l’avons vu, durant l’été 1934.

Face à cet Anschluss, quelle autre perspective peut-on inventer pour l’Autriche? Les corporatistes chrétiens vont imaginer un discours en imaginant une «mission de l’Autriche»... En tant que nation allemande et chrétienne, l'Autriche aurait une mission culturelle en Europe! Si la Prusse de Bismarck au XIXème siècle avait choisi de mettre de côté l’Autriche dans la construction de la nation allemande, optant pour la Petite-Allemagne, Hitler souhaite lui mettre en œuvre la Grande-Allemagne ce qui implique, entre autres, l’Anschluss.

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De g. à dr.: Ministre de la Propagande Galeazzo CIano (I), Engelbert Dollfuss (Aut), Benito Mussolini (I)
© Photographe inconnu - Photo paru dans le magazine néérlandais "Het Leven" en 1933

Au début de l’État Autoritaire Corporatiste Chrétien, Mussolini a assuré Dollfuss de son soutien. Les fascistes italiens avaient par ailleurs financé les Heimwehren au cours des années ‘20. Il faut dire que pour Mussolini, garantir le maitien d'une Autriche indépendante est une énorme priorité, car c’est pour lui une sécurité quant à son indépendance. Ce territoire est un tampon entre l’Italie et l’Allemagne. Notons aussi que, pour Mussolini, une Autriche indépendante est un obstacle sur la route de la Grande-Allemagne. et donc à la prédominance de l'Allemagne en Europe.

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Hitler et Mussolini (I)
Aéroport de Venise, juin 1934

© Associated Press

Hitler et Mussolini se rencontreront en tout que 18 fois. La première rencontre se déroule à Venise les 14 et 15 juin 1934, et elle se déroule mal pour Hitler. Il doit concéder qu’il n’annexerait pas l’Autriche mais insiste pour que des élections soient organisées en Autriche. Cela permettrait sans doute de donner de la place aux nationaux-socialistes autrichiens. Un peu plus d’un mois plus tard, le 25 juillet 1934, aura lieu en Autriche le putsch national-socialiste durant lequel Dollfuss sera assassiné. Rappelons que le lendemain Mussolini mobilisera ses troupes pour interdire toute opportunité hitlérienne d’Anschluss.

D.2) Les accords du 11 juillet 1936 et «Deuxième État allemand»

En fait, malgré tous les grands discours sur la «mission de l’Autriche» inventés par Dollfuss, la survivance de l’État Autoritaire Corporatiste Chrétien sera liée à l’évolution de la situation internationale, qui autorise ou non l’Anschluss. Mais en fait, la disparation de l’Autriche et son incorporation à l’Allemagne nazie était inscrite dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Tout n’était plus qu’une question de temps.

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Empereur Haile Selassie (1934)
© Walter Mittelholzer (1894-1937)

Le 2 octobre 1935, l’Italie déclare la guerre à l’Empire d’Éthiopie d’Halié Sélassié, un des plus ancien Empire d'Afrique (findé autour de 1270) et l'un des deux seuls pays de ce continent (avec le Liberia) à avoir résité à la colonisation et le partage de l'Afrique par les pays européens. Cette guerre constitue la seconde tentative de l'Italie de s'emparer du pays après la victoire éthiopienne d'Adoua de 1896 lors de la première tentative italienne, victoire non seulement militaire mais aussi politique et diplomatique puisqu'elle avait garanti à cet État africain son indépendance et sa reconnaissance internationale. L'Éthiopie et l'Italie appartiennent à la Société des Nations (SDN, «ancêtre» de l'ONU), qui selon sa charte a pour mission d'assurer la prévention des guerres au travers du principe de sécurité collective.

Mais, durant cette guerre, ayant violé les lois de la SDN, l’Italie est condamnée le 18 novembre 1935 à des sanctions économiques par 52 États. L’Autriche – et la Hongrie et de l’Albanie – ne signe pas cette résolution, en raison de ses rapports privilégiés avec l’Italie. La surprise de l’Italie est énorme car des pays colonisateurs comme la France ou l’Angleterre, reprochent à l’Italie d’acquérir une colonie.

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Haile Selassie à la tribune de la SDN le 30 juin 1936
© Walter Mittelholzer (1894-1937)

Le déclenchement de cette guerre entraînera ainsi le retrait de l'Italie de la Société des Nations et son rapprochement avec l'Allemagne nazie. Parallèlement l'incapacité de la Société des Nations à empêcher l'invasion la discrédite sur le plan international, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Malgré la supériorité technologique et logistique des Italiens, et l'emploi massif d'armes chimiques, une résistance armée à l'occupation italienne, jamais totalement annihilée, persiste jusqu'au 5 mai 1941, date de la libération d'Addis-Abeba à l'issue de la campagne d'Afrique de l'Est, menée depuis le nord du pays par les forces britanniques et la 1ère division française libre ainsi que par les forces belges au sud du pays.

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La Une du journal communiste français «L'Humanité»
du dimanche 8 mars 1936

© L'Humanité

Cette guerre Italo-Éthiopienne va donc permettre à Hitler de se rapprocher de Mussolini. Il va en profiter pour pénétrer dans la zone démilitarisée du Rhin - démilitatrisée suite aux Accords de Locarno (1925) - en mars 1936. Comme les puissances occidentales ne ripostent pas à ces violations des Accords de Locarno, Hitler sait qu’il peut maintenant commencer à piétiner le - il est vrai très injuste - Traité de Versailles. Dès lors, plus rien ne va arrêter les rêves fous d'Hitler de purification ethnique et de Reich de mille ans!

Schuschnigg s’entretient avec Mussolini en juin 1936 et il ressent que le vent est en train de tourner: l’Italie fasciste et le IIIème Reich nazi sont en train de créer l’axe Rome-Berlin – proclamé le 1er novembre suivant. Mais le IIIème Reich continue à promettre aucune ingérence dans les affaires intérieures autrichiennes.

Le 11 juillet 1936, Schuschnigg et Hitler signent les Juli-Abkommen (Accords de Juillet) par lesquels Schuschnigg croit pouvoir assurer la souveraineté de l’Autriche en se proclamant le «Deuxième État allemand» et s’engageant à ne pas nuire à la politique étrangère allemande. Certains voient dans ce gentlemen’s agreement le sauvetage de l’Autriche, alors que pour d’autres, plus réalistes, il s’agit d’une condamnation à mort de l’Autriche. Mussolini, lui, se réjouit de la signature de ces Juli-Abkommen, la divergence au sujet de l’Autriche serait ainsi surmontée.

Mais, suite à ces accords, deux ministres nationalistes entrent au gouvernement dont un aux Affaires étrangères. La politique étrangère autrichienne est dès ce moment fortement influencée par son encombrant voisin. Le ver est dans la pomme. Autre conséquence des accords de juillet, les nationaux-socialistes autrichiens sont amnistiés ce qui leur permet – contrairement aux sociaux-démocrates et aux communistes – de se mobiliser et de lutter contre le régime corporatiste chrétien.

En octobre 1936, Schuschnigg veut resserrer ses troupes et mettre fin à la concurrence entre les corporatistes chrétiens, les anciens sociaux-chrétiens et les Heimwehren. Il dissout les Heimwehren et les pousse à intégrer la Frontmiliz qui devient, le 14 octobre, la seule organisation paramilitaire autorisée. Mais une majorité des Heimwehren choisit d’autres horizons et rejoint le camp national-socialiste. Le 3 novembre 1936, Schuschnigg remanie son gouvernement et les derniers ministres Heimwehren en sont exclus. La base sociale et politique du régime se rétrécit encore. Et donc se fragilise encore…

D.3) La fin : pression toujours plus forte de l’Allemagne nazie

Au même moment, au printemps 1936, dans l’Allemagne du IIIème Reich, Hermann Göring prépare économiquement l'Allemagne à la guerre en qualité de responsable du Vierjahresplan (plan de quatre ans). Il y fait apparaître les ressources économiques de l’Autriche, ses minerais en particulier, comme un élément indispensable au futur effort de guerre. Il influence les nationaux-socialistes allemands dans l’idée que l’Anschluss est inévitable.

En Autriche, le parti national-socialiste demeure interdit en Autriche et ses membres refusant la clandestinité n’ont qu’une option: rejoindre le Front patriotique. Mais la population autrichienne est de plus en plus séduite par l’aventure nationale-socialiste chez le voisin allemand et en juin 1937, le gouvernement doit céder en créant au sein du Front patriotique le Volkspolitisches Referat (Comité politique du peuple) accueillant les nationalistes.

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Adolf Hitler accueilli à Breslau le 1er août 1937
© Österreichische Nationalbibliothek

La popularité d’Hitler ne cesse de croître dans certains milieux autrichiens comme le prouve cet événement. Le 1er août 1937, a lieu en Allemagne à Breslau (devenue aujourd’hui la ville polonaise de Wrocław) la fête des chanteurs allemands. Près de 10.000 autrichiens participent à cette fête et lorsqu’ils passent devant Hitler, ils crient «Führer, mach uns frei!» (Führer, libère-nous !). Cela a sans doute été préparé mais ces tendances profondes existent dans la société autrichienne. En plus les milieux ouvriers sont tellement déçus de la politique corporatiste chrétienne qu’ils aspirent à un changement et l’Allemagne nationale-socialiste apparaît comme un pays où le chômage a été vaincu.

En avril 1937, Schuschnigg avait rencontré Mussolini à Venise. Mais cette fois, dans le communiqué officiel, il n’y avait plus aucune référence à l’indépendance de l’Autriche. Le stratège Hitler sait qu’il a besoin de l’aval italien pour s’en prendre à l’Autriche. Par conséquent, Hitler reçoit Mussolini avec les plus grands honneurs à Berlin, le 25 septembre 1937. Suite à cela, Mussolini signe le Pacte anti-Komintern, où il rejoint l’Allemagne et le Japon. Bien joué, mais mieux encore, quelques semaines après, l’Italie claque la porte de la SDN. Hitler croit qu’il est libre de lancer sa politique d’agression en Europe centrale, dont l’Autriche et la Tchécoslovaquie. Encore une petite tentative diplomatique: au début de l’année 1938, il tente de convaincre le gouvernement autrichien de se lier à l’Allemagne par une union douanière et monétaire.

Survient alors un problème pour Hitler… Le 26 janvier 1938, la police autrichienne fait une descente au siège clandestin du NSDAP à Vienne où elle tombe sur un document prévoyant la prise du pouvoir en Autriche au printemps 1938, le Plan Tavs, du nom de Leopold Tavs, un avocat viennois en contact permanent avec les instances du IIIème Reich et du Parti national-socialiste en Allemagne. Il est arrêté et accusé de haute-trahison. La malaise est terrible. Mais l’Anschluss est en route