2.
1848-1898
Les années Elisabeth

 3.1.
1871-1914
La poudrière
des nationalismes

 3.2.1.
28 juin 1914
Déclenchement:
Attentat de Sarajevo

 3.2.3.
1914-1918
L'Autriche-Hongrie
dans la Première Guerre

 4.
1918-1938
L'Autriche de
l'entre-deux guerres

Le meurtre de l'héritier de l'Empire austro-hongrois et de sa femme a produit un choc généralisé dans les maisons royales européennes, et il y avait initialement beaucoup de sympathie pour l'émotion autrichienne. Mais attention.... On parle ici des maisons royales. Car les gens ordinaires, eux, malgré les nombreux articles de presse ne se souciaient pas vraiment de ce qui s'était passé à Sarajevo, et le soir de l'assassinat, les foules à Vienne écoutaient de la musique et buvaient du vin, comme si de rien n'était.

A) Les réactions face à l'attentat

A.1) Réaction serbe

Dans les deux jours suivant l'assassinat, l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne ont informé la Serbie qu'elle devrait ouvrir une enquête officielle, mais le Secrétaire Général du Ministère Serbe des Affaires étrangères Slavko Gruic leur a répondu avec une certaine arrogance: «Rien n'a été fait jusqu'à présent car la question ne concerne en rien le gouvernement serbe.» Cela a provoqué un message emplein de colère entre le chargé d'affaires autrichien à Belgrade et Gruic.

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De g. à dr.: A. Trumbić, Nikola Pašić, Milenko Vesnić, Ivan Žolger

Très vite, l'ambassadeur serbe en France, Milenko Vesnić, et l'ambassadeur serbe en Russie, Miroslav Spalajković ont fait des déclarations affirmant que la Serbie avait averti l'Autriche-Hongrie de l'assassinat imminent. Mais, peu de temps après, la Serbie a nié avoir fait des avertissements et a nié avoir eu connaissance du complot. Le Premier ministre Nikola Pašić, alors en campagne électorale, a lui-même fait ces démentis le 7 juillet 1914 puis les a réédités dans l'édition de Paris du New York Herald le 20 juillet. Toutes ces réactions sont scrutées à la loupe par le gouvernement austro-hongrois mais toute cette confusion sème le doute sur l'implication officielle de la Serbie dans l'attentat.

Le gouvernement royal serbe se désolidarise rapidement des activités de La Main noire à l'origine de l'attentat du 28 juin, par une lettre circulaire adressée à l'ensemble des diplomates serbes, les appelant à agir avec la plus grande fermeté contre les auteurs de l'attentat contre François-Ferdinand, le Kronprinz austro-hongrois. Cependant, il ajoute à ce désaveu un appel à faire la différence entre les activistes serbes et les officiels du royaume, et il ne prononce aucune sanction, ni contre Dragutin Dimitrijević - surnommé Apis, un des fondateurs de La Main noire, Colonel de l'armée serbe et puissant chef du renseignement militaire - ni contre l'instable représentant de la Serbie auprès de l'allié russe à Saint-Pétersbourg, Miroslav Spalajković, qui multiplie les provocations: dès le 29 juin, le diplomate serbe menace la Bosnie-Herzégovine (territoire austro-hongtois) d'une offensive militaire serbe.

Si le gouvernement serbe condamne officiellement l'attentat, le peuple serbe se montre beaucoup moins mesuré à l'annonce de l'attentat de Sarajevo, manifestant sa joie de façon spontanée à l'annonce de l'assassinat de François-Ferdinand, le Kronprinz austro-hongrois. Parallèlement, la presse nationaliste serbe exprime elle aussi son contentement, dépeignant les conjurés en des termes particulièrement élogieux.

Les autorités austro-hongroises vont beaucoup plus insister sur l'impussiance du gouvernement serbe à maîtriser les manifestation de joie de son peuple que sur la condamnation officielle de l'attentat par le gouvernement serbe.

A.2) Réaction austro-hongroise

Les autorités austro-hongroises ont arrêté et poursuivi les assassins de Sarajevo (à l'exception de Mehmedbašić qui s'était échappé au Monténégro et y avait été libéré de sa garde à vue vers la Serbie) avec les agents et les paysans qui les avaient aidés sur leur chemin. Une enquête criminelle débute immédiatement avec de nombreux interrogatoires corsés. Princip est interrogé pour la première fois quelques heures après son arrestation; en dépit de ses déclarations et de celles de l'un de ses complices arrêté en même temps que lui, l'enquête progresse, accélérée par les arrestations de plus en plus nombreuses au fil des heures dans les milieux nationalistes serbes du condominium, ainsi que par les déclarations de l'un des conjurés, Danilo Ilić, interrogé le 1er juillet 1914

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Istvan Tisza, Premier Ministre hongrois
© Gyula Benczúr

Mais les principaux responsables politiques de la double monarchie, aussi bien les Autrichiens que les Hongrois, sont divisés sur la conduite à adopter dans la crise ouverte par l'assassinat de François-Ferdinand. L'empereur-roi François-Joseph multiplie les initiatives en direction du premier ministre hongrois, Istvan Tisza, dans un premier temps hostile à toute initiative austro-hongroise en direction de la Serbie. Soulagé par la disparition de François-Ferdinand, mais préoccupé par de possibles tensions avec la Roumanie, Istvan Tisza s'oppose, par ses appels à la prudence, aux aspirations guerrières des militaires formulées rapidement à la suite de l'assassinat. Cependant, il ne se montre pas un opposant à la guerre par principe, mais se montre partisan de ne pas exposer de trop grandes exigences envers la Serbie et de connaître la position du Reich avant toute action envers Belgrade. Il se montre également partisan d'attendre le moment favorable pour présenter au gouvernement de Belgrade une note présentant les exigences de la double monarchie dans le contexte de l'assassinat de celui qui aurait été son futur monarque. Il met son mandat en jeu pour imposer ses conditions à ses partenaires autrichiens réticents.

Du côté autrichien, l'opinion est beaucoup plus claire. Leopold Berchtold, proche de l'archiduc assassiné et ministre commun des affaires étrangères - mais d'origine autrichienne - est personnellement touché par l'assassinat. Il a envisagé, dès l'annonce de l'attentat, de faire envahir la Serbie sans déclaration de guerre préalable. Entre le et le 23 juillet 1914, non seulement il expose les plans de partage du royaume de Serbie entre la Bulgarie, l'Albanie et la Grèce, tout en maintenant un État serbe croupion totalement soumis à la double monarchie. Dans le même temps, soutenu par l'empereur François-Joseph, partisan de la ligne dure, officiellement à partir du 9 juillet, il commence à rédiger un ultimatum au royaume de Belgrade tel qu'il soit refusé par le gouvernement serbe, induisant par là une entrée en guerre. Ce sera l'«ultimatum du 23 juillet».

A.3) Réaction allemande

Dès l'assassinat du Kronprinz austro-hongrois, la recherche du soutien allemand constitue la principale des préoccupations austro-hongroises.

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Le Comte Leopold Berchtold
© Iskra, Issue 43, November 4, 1912 - Project Gutenberg eText 16331

De plus, dans les jours suivant l'assassinat de François-Ferdinand, le gouvernement allemand fait savoir officieusement son soutien aux initiatives austro-hongroises. Le 5 juillet, une semaine après l'attentat, une mission diplomatique austro-hongroise est envoyée à Berlin, afin de permettre à la double monarchie de connaître précisément la position du Reich dans la crise en cours. Alexander Hoyos, l'un des proches collaborateurs de Leopold Berchtold, rencontre notamment l'Empereur Guillaume II et obtient officiellement le soutien du Reich dans la crise austro-serbe qui se profile.

De plus, les diplomates allemands informent précocement, dès le 1er juillet leurs collègues austro-hongrois que le gouvernement du Reich attend une action vigoureuse de la double monarchie face à la Serbie.

B) 23 juillet 1914: ultimatum de l'Autriche-Hongrie à la Serbie

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Le président français Raymond Poincaré en voyage officiel en Russie auprès du Tsar Nicolas II

En ce 23 juillet où les choses vont basculer, l'Empereur Guillaume II participe alors à une croisière en mer, le président français Raymond Poincaré - accompagné de son Président du Conseil (≈ Premier Ministre) socialiste et co-fondateur avec Jaurès du journal L'Humanité - finit une visite officielle à Saint-Pétersbourg pour réaffirmer l’alliance franco-russe et est sur le voyage du retour.

Il sera donc très difficielle pour les Russes et les Français de se consulter. Ce n'est pas négligeable. Seuls quelques esprits inquiets s’alarment, car le jeu des alliances peut entraîner l’Europe dans une guerre que l’on imagine dure, mais brève.

Mais très honnêtement, l'attentat de Sarajevo est totalement oublié de l'opinion publique européenne. Il ne s'agit «que d'un attentat politique» comme beaucoup d'autres. Et pourtant la Première Guerre mondiale et ses 20 millions de morts est en marche.

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Ultimatum du 23 juillet
© Encart dans Le Petit Journal - 23 juillet 1914

L'ultimatum est enfin prêt et est remis le 23 juillet 1914 par l'ambassadeur austro-hongrois en poste à Belgrade au ministre serbe des Finances, seul membre du gouvernement royal présent dans la capitale ce jour-là. Cet «ultimatum du 23 juillet» rédigé avec le plus grand soin par un diplomate viennois, le baron Musulin von Gomirje, il constitue la réponse austro-hongroise à l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand le 28 juin précédent à Sarajevo. Cette réponse, tardive, est le fruit d'un accord entre l'Autriche-Hongrie et son principal allié, l'Empire allemand. Au terme de plus de deux semaines de négociations intenses au sein des instances dirigeantes de la double monarchie, les partisans du conflit avec le royaume de Serbie, considéré comme responsable de l'assassinat, parviennent à arracher l'accord de leurs collègues récalcitrants, puis confient la rédaction de l'ultimatum à un diplomate subalterne, cependant connu pour ses qualités de rédacteur. Celui-ci cisèle un texte conçu pour apparaître inacceptable et être repoussé à coup sûr par le gouvernement de Belgrade.

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Ultimatum du 23 juillet
© Le Figaro du 25 juillet 1914

Il a été remis si tard car le gouvernement austro-hongrois, très précautionneux, en a différé l'envoi au soir du 23 juillet, juste après que Raymond Poincaré s'embarque pour le voyage du retour en France. C'est qu'à deux reprises déjà, lors de l'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie (1908) et lors du différent franco-allemand d'Agadir (1911), l'alliance franco-russe avait tourné court. À quoi rime une alliance si, à chaque fois qu'elle peut être utile, le partenaire fait faux bond? Cette fois donc, dans l'esprit de Poincaré, il n'est pas question que la France se défile. Et cela inquiète l'Autriche-Hongrie. D'où le choix de la date.

L'«ultimatum du 23 juillet» n'accuse pas le gouvernement serbe de complicité directe dans l'attentat de Sarajevo mais lui reproche seulement d'avoir «toléré» les organisations qui l'ont préparé. La note est suivie d'un ultimatum en dix points. Le point 6 exige que la Serbie «accepte la collaboration en Serbie des organes du gouvernement impérial et royal (austro-hongrois) dans la suppression du mouvement subversif dirigé contre l'intégrité territoriale de la monarchie». Ce point est le plus difficile à admettre car il porte atteinte à la souveraineté du gouvernement serbe. Enfin, la Serbie ne dispose que de 48 heures pour donner sa réponse.

A la tête de la Serbie, on trouve deux nationalistes: le Roi Pierre Ier de Serbie (1844-1921), monté sur le trône en 1903 à la suite d’une sanglante révolution de palais et Nikola Pašić, président du Conseil en 1914. Mais Pierre Ier est malde et a décidé de se retirer de la vie politique et a désigné en juin 1914 son fils cadet Alexandre comme Prince-Régent.

C) 24 juillet 1914: la Serbie, isolée et à genoux, consulte

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Alexandre, Prince héritier de Serbie
Il sera après Alexandre Ier, roi des Serbes, Croates et Slovènes (1921-1929) puis roi de Yougoslavie (1929-1934)

Le Prince-Régent Alexandre rappelle d'urgence le Premier Ministre Nikola Pašić, en plein campagne électorale. Au terme d'une réunion de crise, le gouvernement serbe se montre disposé à accepter les dix points, même s'ils sont humiliants. Il s'en remet en définitive à son grand allié, le tsar Nicolas II. Le Prince-Régent de Serbie Alexandre lui télégraphie que «la Serbie ne peut se défendre seule» et que le gouvernement est prêt à accepter tous les points de l'ultimatum «que Votre Majesté nous conseillera d'accepter».

Nicolas II avait été humilié par le Japon en 1905. Il redoute que son régime, déjà déstabilisé par les revendications démocratiques ou révolutionnaires, ne résiste pas à une nouvelle humiliation du côté des Balkans. Il est donc porté à soutenir les bellicistes qui, dans l'état-major et au gouvernement, en appellent à une politique de fermeté face à l'Autriche-Hongrie. 

Et quid de la France? Le Président Raymond Poincaré est en plein voyage de retour vers la France et c'est l'ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, Maurice Paléologue, qui, outrepassant les missions de sa fonction en l'absence de ses supérieurs, assure le tsar, le 24 juillet 1914, que la France remplira «toutes les obligations imposées par l'alliance»!

D) 25 juillet 1914: la Serbie relève la tête

Le samedi 25 juillet, dans la matinée, à quelques heures de l'expiration de l'ultimatum, le cabinet serbe se réunit afin de rédiger la réponse du gouvernement de Belgrade à l'«ultimatum du 23 juillet». La réponse serbe satisfait à une majorité des revendications austro-hongroises. Cependant, le gouvernement royal serbe refuse l'ingérance de la police autrichienne sur son territoire dans l’enquête menée autour de l’assassinat de l’archiduc, après consultation du chargé d'affaires russe à Belgrade, puis le soutien clair du ministre russe des affaires étrangères.

« Gouvernement royal serbe considère, bien entendu, de son devoir d'ouvrir une enquête à l'encontre de tous ceux qui sont mêlés, ou pourraient éventuellement l'être, au crime du 28 juin, et qui se trouveraient sur le territoire du Royaume de Serbie. Le gouvernement serbe ne peut accepter la participation des agents des autorités austro-hongroises à cette enquête, car cela irait à l'encontre de la Constitution et de la Loi sur la procédure d'instruction criminelle. Cependant, on peut envisager, dans des cas concrets, que les agents de l'Autriche-Hongrie soient informés des résultats de l'instruction considérée... Au cas où le gouvernement royal et impérial ne serait pas satisfait par cette réponse, le gouvernement royal serbe, considérant que l'intérêt général commande de ne pas se précipiter dans la résolution de cette question, est prêt, comme toujours, à considérer un accord pacifique qui serait obtenu en soumettant cette question à la Cour internationale de La Haye ou aux Grandes puissances qui ont contribué à la préparation de la déclaration du gouvernement serbe du 31 mars 1909.»

Extrait de la réponse de la Serbie à l’ultimatum, Belgrade, 25 juillet 1914


Le Premier ministre serbe Nikola Pašić remet le texte à l'ambassadeur austro-hongrois une heure avant l'expiration du délai fixé par Vienne. Selon les consignes très strictes qu'il a reçues, l'ambassadeur quitte aussitôt Belgrade avec sa famille et le personnel de l'ambassade. Ils n'ont que quelques kilomètres à faire pour atteindre la frontière. Ce refus entraîne en effet la rupture des relations diplomatiques entre la Serbie et l'Autriche-Hongrie. L'Autriche-Hongrie est prête à partir en guerre. C'est assez unanime et parfois étonnant:

«Pour la première fois depuis trente ans, je me sens autrichien et désire donner une seconde chance à cet empire dans lequel je ne plaçais que peu d'espoirs. Toute ma libido est offerte à l'Autriche-Hongrie»

Extrait de «Les somnanbules, Été 1914 : comment l'Europe a marché vers la guerre»
(Christopher Clark, Flammarion pour la traduction française, 2013)


En ce 25 juillet 1914, le royaume de Serbie décrète sa mobilisation.

E) 26 juillet 1914: le début du jeu des alliances

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«La Rupture Austro-Serbe»
Le Petit Journal - 26 juillet 1914

Cette rupture des relations diplomatiques entre la Serbie et l'Autriche-Hongrie allait pousser, dès le 26 juillet, l'ensemble des chancelleries européennes multiplient les initiatives afin de limiter l'impact de la crise.

À Paris, le garde des Sceaux assure l'intérim en l'absence de Poincaré - qui voyage toujours de retour de Russie. Il s'en tient à demander la modération aux Serbes et aux Allemands mais se garde d'intervenir auprès des Russes pour ne pas avoir l'air soit de lâcher l'alliance, soit de pousser à la guerre.

À Londres, n'étant formellement l'allié de personne, le gouvernement choisit de ne rien faire qui complique la situation. Mais il appréhende une guerre qui déboucherait sur une victoire de l'Allemagne et une rupture de l'équilibre européen. Il propose en vain de réunir les grandes puissances autour d'une table pour régler le problème selon la pratique du «concert européen», si souvent fructueuse.

Ce 26 juillet, la Russie pté-mobilie son armée. C'est une manière de montrer à tous qu'il est fini de rigoler.

En raison du soutien russe envers la Serbie, l'empire d'Autriche-Hongrie annonce une mobilisation partielle à partir du 26 juillet, concernant huit corps d'armée déployés face à la Serbie mais aussi face à la Russie.

À Berlin, toujours en ce 26 juillet, l'ambassadeur français Jules Cambon avertit le ministre allemand des Affaires étrangères, Gottlieb von Jagow:

«Vous allez vous trouver seul contre l'Europe entière, n'ayant comme allié qu'un empire vermoulu»

Ambassadeur français Jules Cambon


L'avertissement est inutile car le compte à rebours est engagé. Déjà, à Berlin comme à Paris, Moscou et Vienne, les militaires, soucieux de ne pas être pris de court, pressent les responsables politiques de leur laisser les manettes.

F) 27 juillet 1914: le début du jeu des alliances

L’Allemagne rejette le projet de conférence proposé par la Grande-Bretagne pour résoudre la crise austro-serbe, alors que la France, la Russie et l’Italie ont donné leur accord.

La pré-mobilisation de la Russie est un signe, mais est-il sérieux et définitif? La réaction de la Russie était attendue avec une très grande impatience. Comme nous l'avions vu, le Prince-Régent de Serbie Alexandre adressa un télégramme dramatique au tsar Nicolas II: «Les exigences contenues dans la note austro-hongroise humilient inutilement la Serbie et ne sont pas compatibles avec sa dignité d'Etat indépendant. Nous sommes prêts à accepter des exigences austro-hongroises compatibles avec la position d'un Etat indépendant, ainsi que celles que nous conseillerait Votre Majesté.» La réponse du tsar Nicolas II fut accueillie, le 27 juillet, avec un grand soulagement. Le Tsar y précisait qu'«en aucun cas, la Russie n'abandonnerait la Serbie».

G) 28 juillet 1914: l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie

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«L'Autriche a officiellement déclaré la guerre»
© L'Ouest-Eclair - 29 juillet 1914

Vienne se décide à déclarer la guerre à Belgrade le mardi 28 juillet. Le gouvernement serbe fut informé de la déclaration de guerre, par un télégramme adressé à Nikola Pašić: «Puisque le gouvernement royal serbe n'a pas donné de réponse satisfaisante à la note qui lui avait été remise par le ministre plénipotentiaire austro-hongrois à Belgrade le 23 juillet 1914, le gouvernement impérial et royal est contraint à prendre lui-même soin de la défense de ses droits et intérêts et d'avoir, dans ce but, recours à la force des armes.

L'Autriche-Hongrie se considère donc, à partir de ce moment, en guerre avec la Serbie.»

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Le télégramme où l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie

En recevant ce télégramme, Pašić s’écria: «L'Autriche nous a déclaré la guerre. Notre cause est juste. Dieu nous donnera la victoire

À ce moment, la moitié de l'armée russe est déjà sur le pied de guerre et fait pression sur la frontière avec l'Autriche-Hongrie. Guillaume II écrit à 22h45 un télégramme à son cousin le tsar Nicolas II et lui demande de faire preuve de modération: «Je ne me dissimule aucunement combien il est difficile pour toi et ton gouvernement de résister aux manifestations de l’opinion publique. En souvenir de la cordiale amitié qui nous lie tous deux étroitement depuis longtemps, j’use de toute mon influence pour décider l’Autriche-Hongrie à en venir à une entente loyale et satisfaisante pour la Russie.» 

Pour la forme, le chancelier allemand Theobald von Bethmann-Hollweg prévient les gouvernements de Londres, Paris et Saint-Pétersbourg que les mesures préparatoires du tsar pourraient obliger les Allemands à mobiliser si elles n'étaient pas rapidement levées. C'est que, dans l'éventualité d'un conflit, l'avantage est au belligérant le plus rapide!

H) 29 juillet 1914: la Russie avance et recule...

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Nicolas II, Tsar de Russie

Après avoir signé la mobilisation générale à midi, Nicolas II l’annule en soirée, puis décide une mobilisation partielle dirigée contre l’Autriche-Hongrie, et suggère par télégramme à Guillaume II: «Une guerre honteuse a été déclarée à une faible nation: je partage entièrement l’indignation qui est immense en Russie. Je prévois que très prochainement je ne pourrai plus longtemps résister à la pression qui est exercée sur moi et que je serai forcé de prendre des mesures qui conduiront à la guerre. Pour prévenir le malheur que serait une guerre européenne, je te prie, au nom de notre vieille amitié, de faire tout ce qui te sera possible pour empêcher ton alliée d’aller trop loin

Nicolas II, influencé par le panslavisme de son entourage, ne peut laisser la Serbie seule face à l’Autriche-Hongrie. La Russie se considère comme la protectrice des populations slaves. La mobilisation partielle en Russie, dans les districts proches de l’Empire austro-hongrois, provoque le basculement général.

Le tsar signe l’ordre de mobilisation malgré l’avis de l’impératrice et des milieux pro-allemands de la cour. Dans un nouveau télégramme Nicolas II suggère à Guillaume II de recourir à l’arbitrage de la Cour de La Haye pour résoudre le conflit austro-serbe.

Ce 29 juillet 1914, la Russie avertit la France (son allié au sein de la Triple Entente) de ce qu'un ordre de mobilisation partiel a été ordonné par le tsar. Normalement, selon le traité franco-russe de 1904, les Russes auraient dû consulter leur alliée avant de prendre cet ordre. Ils n'en ont rien fait mais personne ne leur en fait reproche. On n'en est plus à ces détails-là! Réuni dans l'urgence, le gouvernement français avalise la décision russe. Pendant ce temps, Poincaré, ignorant presque tout des événements des derniers jours, débarque du bateau France à Dunkerque.

Par le caractère «partiel» de sa mobilisation, Nicolas II a voulu signifier qu'il n'en voulait qu'à l'Autriche-Hongrie. Il espère encore dissocier l'Allemagne de celle-ci.

29 juillet 1914: l'Internationale socialiste à Bruxelles

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Jaurès prononce son grand discours
au Cirque Royal de Bruxelles le 29 juillet 1914 au soir

Le bureau de l'Internationale socialiste se réunit à Bruxelles pour définir sa position face à la crise et envisager une attitude commune. Il demande aux prolétaires d’intensifier les protestations contre la guerre et pour la paix.

Jean Jaurès était présent aux réunions du bureau socialiste international. La tension est à son comble alors que l'Autriche vient de déclarer la guerre à la Serbie.

Le moment fort de cette manifestation est le meeting du Cirque Royal qui s'ouvrit par la chanson Prolétaires, unissez-vous. On compte à peu près 7.000 personnes dans la salle où se mêlent socialistes et bourgeois. Plusieurs milliers de personnes ont dû rester à l'extérieur. Emile Vandervelde, leader du parti ouvrier belge, ouvre le meeting. Ensuite,Jean Jaurès prendra également la parole en faveur de la paix et contre la guerre impérialiste.

Malheureusement, aucune décision ne pourra être prise, d’autant moins que la guerre de défense nationale est perçue comme juste et que seule la guerre impérialiste est dénoncée. En outre, Jean Jaurès n'en a plus que pour deux jours à vivre.

I) 30 juillet 1914: l'escalade continue

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Mobilisation générale en Russie

Sous la pression de l’État-major et de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Sazonov, Nicolas IIsigne dans l’après-midi l’ordre de mobilisation générale. L’Allemagne rejette la proposition du tsar visant à soumettre le différend austro-serbe à l’arbitrage de la Cour de La Haye. Et dans l'après-midi du 30 juillet 1914, Nicolas II en vient à donner l'ordre de mobilisation générale. Cette fois, le signal russe est totalement clair.

Les hauts gradés allemands peuvent alors se féliciter d'avoir fait porter au tsar la responsabilité du déclenchement des hostilités. 

En France, à 7 h du matin le 30 juillet, le chef de l'État-Major Joffre réclame du Ministre de la Guerre Messimy l'ordre de mobilisation. Le général met en garde le ministre: «Si ce que nous savons des intentions allemandes se vérifie, l'ennemi entrera chez nous sans tirer un coup de fusil.» En fait, la France se retient de toute attitude agressive pour ne pas indisposer son alliée britannique. Le  30 juillet dans l’après-midi, Jean Jaurès apprend que la Russie mobilise. À la tête d’une délégation socialiste, il obtient vers 20 heures une audience avec René Viviani - cofondateur avec Jaurès du journal communiste L'Humanité et Ministre du Travail et Premier Minsitre à l'époque - qui lui révèle l’état d’avancement de la préparation des troupes aux frontières. Jaurès l’implore d’éviter tout incident avec l’Allemagne. Viviani lui répond qu’il a ordonné aux troupes françaises de reculer de dix kilomètres par rapport à la frontière afin d’éviter tout risque d’incident avec l’Allemagne.

J) 31 juillet 1914: mobilisations et la France hésite

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Ddéclaration d'«état de guerre» de l'Empire Allemand,
signée par Guillaume II

Le territoire de l'empire à l'exclusion des parties royales bavaroises du territoire
est ainsi déclaré en état de guerre.
La présente ordonnance entre en vigueur le jour de sa promulgation.

L'Autriche-Hongrie, qui avait déclaré une mobilisation partielle le 26 juillet à destination de la Serbie avant de lui déclarer la guerre le 28 juillet, déclare ce 31 juillet la mobilisation générale. C'est une réponse à la mobilisation générale russe de la veille. Une étape de plus est franchie.

La Russie et l'Autriche-Hongrie ayant mobilisé, cela ne peut avoir d'autre conséquence que la mobilisation allemande. Mais elle va se faire en deux étapes. Le 31 juillet à 12 h, l'Allemagne décrète être en «état de guerre» (Kriegszustand) - voir ci-contre - permettant de commencer une partie des réquisitions, la fermeture des frontières, la surveillance des voies de communication et le rappel de certains réservistes.

Londres rappelle le 31 juillet à toutes les chancelleries que la neutralité de la Belgique lui tient à coeur!

En France, le chef de l'État-Major Joffre réclame à nouveau du gouvernement soicaliste et pacifiste une mobilisation de l'armée française: «Il est absolument nécessaire que le gouvernement sache qu'à partir de ce soir, tout retard de vingt-quatre heures apporté à la convocation des réservistes et à l'envoi du télégramme de couverture se traduira par un recul de notre dispositif de concentration, c'est-à-dire par l'abandon initial d'une partie de notre territoire». Il obtient l'ordre de couverture (déploiement de troupes qui ont pour but EN TEMPS DE PAIX d’interdire aux reconnaissances ou détachements ennemis de pénétrer sur le territoire, ultérieurement de retarder toute pénétration en force susceptible de perturber la mobilisation et la concentration des armées), mais pas celui de mobilisation: il envoie l'ordre par télégramme à 17h40 aux différentes unités, avec application à partir de 21h.

Dans la journée Jean Jaurès découvre que «Jamais Paris n'a déconseillé la manière forte à Saint-Pétersbourg». Furieux, il apostrophe le ministre de l'Intérieur, Louis-Jean Malvy, à la Chambre des députés: «La France est-elle la vassale de la Russie?». Il ajoute: «Il faut négocier encore! La France de la République entraînée par les moujiks contre l'Allemagne de la Réforme, vous allez permettre ça?».

À 19h, l'ambassadeur d'Allemagne en France Schoen rencontre le Président du Conseil Viviani et sur ordre du chancelier allemand communique l'ultimatum de son gouvernement à la France: dire avant le 1er août à 13 heures si dans l'éventualité d'une guerre russo-allemande la France garderait la neutralité. Le Français tergiverse: «Permettez-moi de prendre le temps de réfléchir».

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La Une de L'Humanité
du 1er août 1914

Au même moment, Jaurès veut rencontrer Viviani. C'est impossible puisqu'il est en «discussion» avec l'ambassadeur allemand. Il ne verra que ne voit que le sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Abel Ferry, neveu de Jules Ferry. Lors de cette réunion, Jaurès se fit menaçant, disant que si le gouvernement persistait à aller vers la guerre, il dénoncerait es ministres à tête folle. Abel Ferry s'est contenté de lui répondre, nullement menaçant: «Mais mon pauvre Jaurès, si vous faites cela, on vous tuera au premier coin de rue.» Il ne croyait pas si bien dire... En fin de journée, il se rend au siège de L'Humanité pour préparer un article de mobilisation antiguerre pour l’édition du 1er août. Il n'écrira jamais cet article, car il se rend au Café du Croissant, rue Montmartre, avec ses collaborateurs du journal. Raoul Villain le tue d'une balle en pleine tête. Villain, nationaliste de 29 ans, étudiant en archéologie à l’École du Louvre, est adhérent de la Ligue des jeunes amis de l'Alsace-Lorraine (groupement d’étudiants nationalistes) et partisan de la guerre. Il sera acquitté en 1919!

Le pacifisme, qui s’incarnait notamment dans la figure respectée de Jaurès, perd du coup un défenseur essentiel et s’affaiblit brutalement. Bon nombre de promoteurs de la paix se résignent à l’idée que la guerre est inévitable et se rallient à la lutte pour défendre la patrie agressée. Les nationalistes virulents, qui souhaitent une guerre purificatrice, sont à l’apogée de leur influence.

Pour finir, en Belgique, malgré l’impréparation de l’armée et les dissensions au sein de l’Etat-major général, la mobilisation générale est déclarée en ce 31 juillet. L’armée belge, en pleine réorganisation, dispose à cette époque d’environ 200.000 hommes (troupes en campagne et garnison des forts).

K) 1er août 1914: ce sera donc la guerre

Suite à la mobilisation générale en Russie proclamée le 30 juillet, à Berlin, le chef d'état-major, le général Helmut von Moltke, et le Ministre de la Guerre, le général Erich von Falkenhayn, réussissent dans l'après-midi à convaincre le chancelier Bethmann-Hollweg de décréter la mobilisation générale en Allemagne.

Quelques instants plus tard, la France décrète elle aussi sa mobilisation générale. Mais comme toujours avec la France, on est en demi-teinte. Le Président de la République déclare:

«La mobilisation n’est pas la guerre; dans les circonstances présentes elle apparaît au contraire comme le meilleur moyen d’assurer la paix dans l’honneur. Fort de son ardent désir d’aboutir à une solution pacifique de la crise, le gouvernement, à l’abri de ces précautions nécessaires, continuera ses efforts diplomatiques et il espère encore réussir.»

Paris, le 1er août.
Le Président de la République française, Raymond Poincaré.
Le Président du Conseil, René Viviani.


Et on rajoute encore une couche dans la soirée: l'Allemagne déclare la guerre à la Russie.

Le plan Schlieffen

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Le plan Schlieffen

Le Plan Schlieffen est un plan militaire imaginé en 1894 par le général d'état-major prussien, le comte Alfred von Schlieffensuite, suite à la signature l'Alliance franco-Russe en janvier 1894. La force de ce plan militaire est d'ffronter en même temps la France et la Russie qui encerclent l'Allemagne. Le principe est d'attaquer immédiatement la France de matière brutale et intensive en passant pas la neutre Belgique (évitant toute résistance tout en contournant les troupes françaises disposées le long de la frontière franco-allemande et leurs fortifications) avec des armées qui encerclent Paris et font tomber le pays. Une fois cette victoire rapide obtenue contre la France (les allemands croient cela possible puisqu'il ont battu la France très rapidement en 1870), les troupes allemandes se retrounent contre la Russie. Les Soldats russes sont beaucoup plus nombreux mais vu l'étendue du territoire, il leur faut beaucoup de temps pour se mobiliser et atteindre la frontière allemande. Il faut qu'à ce moment la France soit vaincue.

Le Plan Schlieffen sera légèrement modifié à partir de 1905 car la Russie (suite à sa terrible défaite contre le Japon) semble militairement moins puissante, alors que les anglais pourrait intervenir en soutien en France. Mais ici encore, il faudra un peu de temps (car il faut au moins traverser la Manche) ce qui implique toujours qu'en cas de victoire rapide contre la France, l'Allemagne n'affronte qu'un seul ennemi en même temps. .

L) 2 août 1914: première invasion

Le 2 août 1914, l'Allemagne envahit le Grand-Duché de Luxembourg. La petite armée Luxembourgeoise de 400 hommes ne put rien faire. La Grande-duchesse Marie-Adélaïde rencontra le commandant allemand Richard Karl von Tessmar sur le pont Adolphe à Luxembourg-ville. Elle protesta formellement, mais son pays ne pouvait que subir l’occupation militaire allemande avec fatalisme.

Le même jour, le chancelier allemand Theobald von Bethmann Hollweg justifia l’occupation totale du Luxembourg en raison d’impératifs militaires, soutenant que la France était de son côté prête à envahir le Luxembourg.

À 19 heures, le 2 août 1914, Julien Davignon, le Ministre belge des Affaires Étrangères, reçoit l'ultimatum officiel allemand rédigé dès le 26 juillet 1914 et transmis à l'ambassadeur de l'Allemagne en poste à Bruxelles, le 29 juillet - ce qui montre une fois de plus que l'Allemagne prévoyait la guerre.

TRES CONFIDENTIEL
«Le Gouvernement allemand a reçu des nouvelles sûres, d'après lesquelles les forces françaises auraient l'intention de marcher sur la Meuse par Givet et Namur; ces nouvelles ne laissent aucun doute sur l'intention de la France de marcher sur l'Allemagne par le territoire belge. Le Gouvernement impérial allemand ne peut s'empêcher de craindre que la Belgique, malgré sa meilleure volonté, ne soit pas en mesure de repousser avec succès une marche française comportant un plan aussi étendu, de façon à assurer à l'Allemagne une sécurité suffisante contre cette menace; c'est un devoir impérieux de conservation pour l'Allemagne de prévenir cette attaque de l'ennemi.
Le Gouvernement allemand regretterait très vivement que la Belgique regardât comme un acte d'hostilité contre elle le fait que les mesures des ennemis de l'Allemagne l'obligent à violer aussi, de son côté, le territoire belge. Afin de dissiper tout malentendu, le Gouvernement allemand déclare ce qui suit:
  1. L'Allemagne n'a en vue aucun acte d'hostilité contre la Belgique. Si la Belgique consent, dans la guerre qui va commencer, à prendre une attitude de neutralité amicale vis-à-vis de l'Allemagne, le Gouvernement allemand, de son côté, s'engage, au moment de la paix, à garantir l'intégrité et l'indépendance du royaume dans toute leur ampleur.
  2. L'Allemagne s'engage, sous la condition énoncée, à évacuer le territoire belge aussitôt la paix conclue.
  3. Si la Belgique observe une attitude amicale, l'Allemagne est prête, d'accord avec les autorités du Gouvernement belge, à acheter contre argent comptant tout ce qui est nécessaire à ses troupes et à l'indemniser pour les dommages quelconques causés en Belgique par les troupes allemandes.
  4. Si la Belgique se comporte d'une façon hostile contre les troupes allemandes et particulièrement fait des difficultés à leur marche en avant par la résistance des fortifications de la Meuse ou par des destructions de routes, chemins de fer, tunnels on autres ouvrages d'art, l'Allemagne sera obligée, à regret, de considérer la Belgique en ennemie.
Dans ce cas, l'Allemagne ne pourrait prendre aucun engagement vis-à-vis du royaume, mais elle devrait laisser le règlement ultérieur des rapports des deux États l'un vis-à-vis de l'autre à la décision des armes.
Le Gouvernement a le ferme espoir que cette éventualité ne se produira pas et que le Gouvernement belge saura prendre les mesures appropriées pour empêcher que des faits comme ceux qui viennent d'être mentionnés ne se produisent. Dans ce cas, les relations d'amitié qui unissent les deux États voisins seront maintenues d'une façon durable.»

Ultimatum à la Belgique - 2 août 1914 - 19 heures


L'Allemagne laissait 12 heures à la Belgique pour qu'elle accepte le libre passage de ses troupes. Il faut donc que la Belgique réponde avant 7 heures du matin le lendemain!

Enfin, comme si cela ne suffisait pas, un traité d’alliance germano-turc, dirigé contre la Russie, est signé, même si l’Empire ottoman reste pour le moment en dehors du conflit. La Triple Alliance vient de se rajouter un allié de taille. L’embrasement mondial est en marche.

M) 3 août 1914: c'est parti...

À la réception de l'ultimatum allemand, dans la nuit du 2 au 3 août 1914, les Ministres se réunirent au Palais Royal sous la présidence du Roi Albert Ier. Tous furent indignés par l’attitude de l’Allemagne, un pays ami et garant de la neutralité belge. Il n’était pas question d’accepter l’ultimatum. C’était d’ailleurs la position adoptée, dès 1912, par le gouvernement de Broqueville qui s’était rallié à une note émanant du Bureau politique des Affaires étrangères et qui analysait les différentes positions que la Belgique pourrait envisager en cas de guerre entre ses deux grands voisins.

Un conseil de la Couronne s’en suivit, avec les ministres d’Etat qui, eux, n’étaient pas au courant de la note de 1912. Certains (comme Paul Hymans) s’enflammèrent, d’autres (comme Charles Woeste) tentèrent de gagner du temps ou suggérèrent une résistance symbolique. Mais la décision était prise et fut confirmée par le conseil des Ministres qui suivit: l’ultimatum était rejeté, l‘armée belge se défendrait de toutes ses forces et, dès la violation de la frontière belge, le gouvernement ferait appel à ses garants.

Le 3 août 1914 à 7 heures du matin, le Roi Albert Ier fit savoir que l'ultimatum allemand était rejeté.

«[...] Aucun intérêt stratégique ne justifie la violation du droit. Le Gouvernement belge, en acceptant les propositions qui lui sont notifiées, sacrifierait l'honneur de la nation, en même temps qu'il trahirait ses devoirs vis-à-vis de l'Europe. Conscient du rôle que la Belgique joue depuis plus de quatre-vingts ans dans la civilisation du monde, il se refuse à croire que l'indépendance de la Belgique ne puisse être conservée qu'au prix de la violation de sa neutralité. Si cet espoir était déçu, le Gouvernement belge est fermement décidé à repousser par tous les moyens en son pouvoir, toute atteinte à son droit.»

Albert Ier

 

Albert Ier ordonne la destruction des ponts et des tunnels à la frontière allemande et prend la tête de l'armée.

L'Italie va également bouger le 3 août. Rappelons qu'elle fait partie de la Triple Alliance. Mais l'Italie est en pleine crise politique suite au débat colonial et à l'agitation sociale encouragée par l'aile gauche du Parti socialiste italien, regroupée autour de Benito Mussolini et tournant à la guerre civile. Le gouvernement conservateur d'Antonio Salandra déclare que l'Italie ne prendrait pas part au conflit, puisque le caractère défensif de la Triple Alliance ne l'y oblige pas. Après avoir «gagné» l'Empire Ottoman, la Triple Alliance «perd» l'Italie.

Enfin, considérant que l'avantage appartient à celui qui dégaine le premier, à 18h45, ce 3 août 1914, le baron de Schoen, ambassadeur d'Allemagne en France, déclare la guerre à la France.

N) 4 août 1914: l'invasion de la Belgique

Les dirigeants allemands ne tiennent aucun compte de la neutralité de la Belgique ... et du refus par Albert Ier de l'ultimatum. Le chancelier Bethmann-Hollweg dans un entretien téléphonique avec l'ambassadeur britannique, qualifie le protocole de 1831 qui garantit la neutralité belge de «chiffon de papier».

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Le Roi Albert Ier arrive au Palais de la Nation à Bruxelles

L'invasion de la Belgique ne laisse plus aucun doute. il était impossible de ne pas constater que, parmi le million et demi de soldats allemands massés aux frontières, entre Aix-la-Chapelle et Mulhouse, la majorité - 800.000 ! - se trouvait le long des frontières belges.

À huit heures du matin, l’armée allemande pénètre sur le territoire belge au niveau de Gemmenich, persuadée qu’elle passera rapidement à travers le petit royaume; la rapidité de l’opération étant essentielle pour une attaque surprise de la France. Mais la Belgique va résister et retarder la progression de l’armée allemande. Dans les premières heures, les troupes allemandes doivent même reculer devant la résistance de l’armée belge. À midi, le roi Albert se rend en cheval au Palais de la Nation et prononce devant les Chambres réunies un discours historique: 

«Jamais depuis 1830, heure plus grave ne sonna pour la Belgique. […] Dès maintenant, la jeunesse est debout pour défendre la patrie en danger. Un seul devoir s’impose à nos volontés : une résistance opiniâtre. […] Le moment est aux actes. […] Personne ne faillira à son devoir. L’armée est à la hauteur de sa tâche. […] Si l’étranger viole notre territoire, il trouvera tous les Belges groupés autour de leur Souverain qui ne trahira jamais son serment constitutionnel. J’ai foi dans nos destinées. Un pays qui se défend s’impose au respect de tous et ne périt pas.»

Albert Ier


Tandis que la petite armée belge forte de 200.000 hommes tente de résister, les premières victimes tombent. À Clermont, Théodore Pauchenne est le premier civil tué par les Allemands. À Thimister, le lancier Antoine Fonck est tué par les Allemands. Il est le premier soldat belge victime de la guerre. À Berneau, des maisons sont incendiées et des civils sont abattus. À Visé, cinq gendarmes à vélo s'opposent au passage de troupes allemandes: deux ont été tués, les trois autres blessés. C'est le début des atrocités allemandes avec ses villes et villages martyrs. Ensuite, Liège est assiégée.

La France envahit l'Alsace - territoitre annexé par l'Allemagne en 1870 et que la France rêvait de récupérer depuis. Mais, alors que les forces allemandes foncent vers Paris, une partie non négligeable des forces françaises se préoccupent de récupérer l'Alsace!

Dans la nuit, le Royaume-Uni, après la violation de la neutralité belge par Guillaume II, déclare la guerre à l'Allemagne.

O) Août 1914: ce ne sera pas une guerre rapide

Lers troupes belges vont résister beaucoup plus que prévu. Les allemands ne réussiront à prendre Liège que le 16 août 1914. Même sie les armées allemandes avancent, cela se déroule beaucoup plus lentement que prévu. Et cela permet aux anglais de venir en renfort. La présence des anglais va déclencher la «course à la mer» puis à la «guerre des tranchées». De l'autre côté, les Russes, grâce à leur chemin de fer seront ausi beaucoup plus rapides pour démarrer le deuxième front allemand. La guerre va s'enliser pendant cinq longues années. Mais c'est une autre histoire.