1.
946-1848
Avant le règne
de François-Joseph Ier

 

 2.1.10.
Acte I Scène 10
1856-1858
La joyeuse apocalypse

 2.1.12.
Acte I Scène 12
24 août 1865
Elisabeth, ouvre!

 2.2.
Acte II
Musical
Elisabeth

 3.
1898-1918
Fin du règne
de François-Joseph Ier

Lieu et date

Personnages

Château de Schönbrunn, Vienne
1861
Sophie, Rudolf, Élisabeth, Lucheni, dames d’honneur

Cette scène montre très clairement que comme pour ses deux filles, l’éducation de Rudolf a été retirée à Élisabeth. Mais elle passe sous silence un épisode important qui permet d’éclairer de manière plus nuancée une injustice criante, même si l’injustice reste criante. Nous essayons toujours de COMPRENDRE!

image
Rudolf d'Autriche-Hongrie (1858 – 1889)
Enfant (5 ans)

© Photographie de Ludwig Angerer (1827–1879)
Creative Commons

 Acte I – Scène 11  
L’ARCHIDUCHESSE SOPHIE
Arrêtez! Où allez-vous?
LA DAME D’HONNEUR
L’IMPÉRATRICE DÉSIRERAIT ALLER SE PROMENER AVEC SON FILS
ELLE DIT QU’ELLE N’A PAS VU RUDOLF DEPUIS TROIS SEMAINES
L’archiduchesse Sophie invite d’un geste la dame d’honneur à ramener Rudolf dans sa chambre.
L’ARCHIDUCHESSE SOPHIE
LE PRINCE HÉRITIER RESTE LÀ!
CES VISITES NE SONT PAS BONNES POUR LUI ;
IL EST DÉJÀ TOUT RAMOLLI.
CET ENFANT N’A PAS ASSEZ DE DISCIPLINE
AFIN QU’IL DEVIENNE UN HOMME,
C’EST LE COMTE GONDRECOURT QUI L’ÉLÈVE MAINTENANT
AVEC DES ENTRAINEMENTS ET DES PISTOLETS,
AVEC DES POMPES ET UNE CURE D’EAU.
(...)
TU DEVIENDRAS UN SOLDAT
CELUI QUI EST DESTINÉ À DIRIGER
NE PEUT PAS ÊTRE UN « ENFANT À SA MAMAN »
(...)
Les désirs de l’impératrice ne comptent pas. Et vous continuez à suivre mes instructions

A) L’après Solferino, le couple affronte une crise conjugale

Après le désastre italien de 1859, qui lui est imputable personnellement, l’empereur constate qu’il est dangereusement impopulaire. A la première parade militaire qu’il dirige le 12 septembre 1859, on entend des « Abdication !». A l’opéra, les spectateurs l’ignorent quand il rentre dans sa loge mais ovationnent Élisabeth.

En fait François-Joseph n’a pas le courage de reconnaître que la défaite militaire est due à sa piètre stratégie. Il congédie trois ministres – dont l’un se tranchera la gorge –, révoque des généraux, exige une enquête pour établir les responsabilités de l’état-major.

A cause du mutisme de François-Joseph, Élisabeth se sent exclue de la vie politique. Alors qu’elle a fait ses preuve lors des voyage dans les territoires italiens et hongrois de l’Autriche en 1856 et 1857. De plus, il ne reconnaît plus sa femme et s'en éloigne. Il part retrouver les comtesses qu'il voyait avant son mariage, et on ne se gêne pas pour en parler à la cour, en espérant que cela arrive aux oreilles d'Élisabeth.

Elle va réagir très … bizarrement!

François-Joseph lui manque d’autant plus qu’elle doit sans cesse batailler contre sa belle-mère. Alors, Élisabeth se venge et forge son image pour exister: elle fume des cigarettes, organise des soirées dans ses appartements pour des couples de jeunes gens de la haute société et n’y convie pas l’archiduchesse. Elle assiste aussi à des bals privés dans Vienne (une révolution !) et il lui arrive de ne regagner la Hofburg qu’à l’aube, alors que François-Joseph est déjà parti à la chasse. Elle fait installer une salle de bains complète chez elle et des anneaux suspendus à des cordes près de sa coiffeuse, afin de pratiquer des agrès après l’équitation. On en parle clairement à l’acte II, mais leur installation est bien antérieure. Et comme tout son cinéma ne suffit pas à lui ramener l’Empereur, elle va encore faire monter la pression.

C’est un véritable coup de tonnerre qui ébranle la Cour en octobre 1860! On apprend que l’impératrice va partir en voyage, seule, sans l’empereur, sans leurs enfants et avec une suite réduite. Où va-t-elle? On ne le sait pas encore. Pourquoi veut-elle partir? Une raison familiale? De peur de tomber une quatrième fois enceinte, elle a souvent «des migraines». On dit que son vigoureux mari a des aventures. L’impératrice est épuisée, mais ne renonce surtout pas à ses sorties équestres, allant au-delà de ses forces. Elle s’alimente peu (aucune viande, uniquement du lait, des œufs et des fruits). Ne pesant pas plus de 50 kilos, elle est fragile. Elle fume beaucoup, y compris dans sa voiture et à table.

En fait cette crise lui permet qu’elle ne supporte plus Vienne, ses préjugés et ses convenances.

Le 17 novembre 1860, elle va partir à Madère…

Une île dans l’Atlantique ne permettra à personne de venir troubler le repos impérial. Et certainement pas François-Joseph.

«Les petits étaient sans mère, l’empereur sans épouse, l’Empire sans impératrice.»

Elle reviendra auprès de son mari et de ses enfants que le 18 mai 1861. Une chaloupe du yacht royal britannique, prêté par la reine Victoria à Élisabeth, accoste à Miramar, près de Trieste. L’impératrice a séjourné à Madère pendant six mois. Dans la chaloupe, François-Joseph et son frère Maximilien. Sur le quai, Élisabeth, en sombre, est accueillie par sa belle-sœur Charlotte.

L’empereur et l’impératrice se sont retrouvés et Élisabeth est particulièrement heureuse de prendre ses enfants dans ses bras; ils lui ont tant manqué… Mais leur mère leur a-t-elle manqué?

Oui, bien sûr, les premières semaines; mais après plusieurs mois d’éclipse, ils l’ont oubliée et elle a l’impression d’être une étrangère. Comme avant son départ.

Pire: une étrangère dans un monde où l’on persiste à décider pour elle, jugée incapable et inconsciente. Un monde où elle gêne, comme une intruse. Évidemment, en son absence, il fallait bien que Gisèle et Rudolf soient entre les meilleures mains, c’est-à-dire sous l’autorité indiscutable de l’archiduchesse Sophie.

La mère de François-Joseph ne se prive pas de faire remarquer combien elle s’est dévouée. Encore pire: le personnel est presque hostile envers l’impératrice, accusée d’avoir sacrifié son devoir d’épouse et de mère à un caprice.

La femme de François-Joseph a eu tort de partir, elle a tort de revenir! Élisabeth pensait vivre, au minimum, un armistice; il dure à peine quatre jours! Le cinquième jour (!!!), l’impératrice ne supportant toujours pas l’autoritarisme de sa belle-mère, annonce à François-Joseph qu’elle va s’installer à Laxenbourg, n’importe où mais loin des critiques, des ragots et des regards méprisants. Cette décision du 29 mai 1861 est approuvée avec résignation par l’empereur qui a bien d’autres soucis en tête.

C’est à cette période que la scène 11 se situe.

Depuis son retour, la santé d’Élisabeth se détériore à nouveau: elle tousse de nouveau, elle est fiévreuse, sans appétit. La malade a besoin de soleil et d’un climat sec. Le 21 juin, elle part à Corfou! Cela fait à peine un mois qu’elle est revenue de Madère.

Le 17 mars 1861, Victor Emmanuel II, roi de Piémont-Sardaigne devient roi d’Italie après que la quasi-totalité des états de la péninsule italienne s’unissent au Royaume de Piémont-Sardaigne.

Elisabeth vit dans la crainte d’une nouvelle grossesse. Cette inhibition sexuelle va briser l’équilibre de son couple. François-Joseph est un homme vigoureux qui dans sa jeunesse profitait des «comtesses hygiéniques» choisies par sa mère. Après quelques années de mariage, il faute. Quand Sissi l’apprend, elle est plus vexée que jalouse. Plus tard, pragmatique, elle accepte un ménage à trois. Katharina Schratt, une actrice viennoise, fait vibrer François-Joseph, qui demande « la permission de l’impératrice » de la fréquenter, ce qu’elle lui accorde sans peine.

Et François-Joseph? Déjà accablé par le triomphe «italien» de Victor-Emmanuel II, le pauvre empereur est affligé que son épouse veuille repartir. Déjà! Et le laisser seul, comme les enfants. Il essaie de comprendre: Élisabeth part se reposer et se dit fatiguée par le voyage, mais elle veut repartir. C’est un cercle infernal! La tristesse s’abat sur le souverain, amoureux et malheureux.

Élisabeth ne serait-elle donc épanouie et en bonne santé que loin de son mari? Quel est donc ce mal mystérieux qui empêche le couple de vivre uni? L’aime-t-elle encore? A-t-elle étouffé tout désir physique?

A-t-il conscience que l’absence de concessions entre sa mère et sa femme entretient leur animosité permanente? Non, sans doute. Et, ne voulant ni trancher en faveur de l’une ou de l’autre ni prendre le moindre risque avec la santé d’Élisabeth, il s’en remet aux médecins. Le Dr Skoda fera partie de cette nouvelle transhumance.

La situation politique est très difficile pour François-Joseph. Par exemple, en Autriche, nombreux sont ceux qui exigent une responsabilité parlementaire des ministres. Humainement mais aussi politiquement, Élisabeth lui manque. Il décide d’envoyer Grünne (l’ancien conseiller militaire incompétent) à Corfou pour voir comment va sa femme. Elle va très mal l’accueillir car elle le considère comme un espion de Sophie. François-Joseph supplie Hélène, la sœur d’Élisabeth de se rendre à Corfou, ce qu’elle fait. Les deux femmes vont beaucoup parler et Hélène va revenir à Vienne avec un diagnostic très clair:

  • Terrible problème relationnel avec Sophie ET la première dame d’honneur Esterházy-Liechtenstein
  • Elle ne supporte plus les protocoles et vexations . Elle veut vivre sans contraintes.

Hélène conseille avec insistance que François-Joseph se rende Corfou. Il y arrive le 13 octobre 1861.

Il est immédiatement séduit par le charme de l’île. N’oublions jamais que, tout Empereur qu’il est, l’Autriche a volé la jeunesse de cet être humain. Dès sa naissance, vu l’état de santé mental de son oncle et de son père, on a su qu’il serait sacré Empereur très jeune. Ce que le musical décrit pour le jeune Rudolf, François-Joseph l’a vécu quelques années auparavant.

Mais quel est l’état de ses relations intimes avec Élisabeth? En 10 mois, il n’a vécu avec elle que 10 semaines. Il va s’habiller en civil – c’est totalement révolutionnaire et cela montre qu’à Corfou il se sent libre du fardeau du pouvoir – et il monte à cheval. Mais il reste Empereur et l’exil de son impératrice de femme ne peut durer. Soudain grave, François-Joseph décide de mettre «les pieds dans le plat» et de parler franchement à sa fuyante épouse: ils doivent réorganiser leur vie. Leur nouvel éloignement l’un de l’autre a nourri les rumeurs et lézardé l’image de la monarchie. C’est d’autant plus terrible qu’Élisabeth a choisi de se reposer à l’étranger, hors des pays de l’Empire. Madère, cela avait été, mais Corfou, non! C’est une faute géopolitique.

Attention, c’est une grande première. C’est la première fois que François-Joseph doit réagir pour protéger Élisabeth.

Très conscient des ravages de cette erreur, François-Joseph fixe donc les nouvelles règles officielles pour Élisabeth:

  • elle reprend son rôle et sa vie auprès de l’empereur
  • elle pourra séjourner à Venise (pas top pour une malade), avec ses enfants (enfin!) et … sans leur grand-mère Sophie

C’est la première fois que le souverain réagit à une pression populaire impliquant le comportement de sa femme. Mais pour François-Joseph, Venise est aussi une tentative de conjurer la progression de l’unité italienne: il espère naïvement que la cité des Doges résistera à la vague patriotique et Élisabeth y avait laissé un très beau souvenir en décembre 1856. Rappelons que, par ailleurs, en 1859, l’Empire Allemand avait déjà perdu la Lombardie et la Vénétie s’agite.

Élisabeth arrive à Venise le 26 octobre 1861. L’accueil n’est pas hostile, mais beaucoup plus froid que cinq ans auparavant. Ses enffants la rejoignent le 3 novembre, sans Sophie mais ave la comtesse Esterházy-Liechtenstein, ce qui revient au même. Une fois de plus, Élisabeth est mise sous tutelle.

Après le couac Esterházy-Liechtenstein, il y en a un second: François-Joseph ne vient pas à Venise. Pourquoi? Parce que son frère, Maximilien, qui avait été Vice-Roi de Lombardie-Vénétie avant qu’il doive démissionner lors des troubles de 1859, a une proposition qui est pour le moins bizarre. Napoléon III – qui avait combattu avec succès l’Autriche dans les troubles italiens, dont le départ de Maximilien, jusqu’à l’arrivée de la Prusse – propose une compensation pour la perte de la Lombardi (!!!) et propose à Maximilien que la France le « soutienne » pour devenir Empereur du Mexique. Nous y reviendrons plus tard (A2 Ch16).

Dès que François-Joseph peut la rejoindre à Venise le 30 novembre. Dès son arrivée, il vire Esterházy-Liechtenstein, et la remplace par une Dame d’honneur. Élisabeth est enchantée et Sophie, à Vienne, enrage. Élisabeth commence sa collection de photos de femmes. Dès qu’il le peut, François-Joseph revient: à la fin de l’année 1861 puis au printemps 1862. Comment vit-il sa solitude d’époux sans épouse? En travaillant. S’il a des aventures, elles sont discrètes. En mai 1862, le couple est d’accord: ce séjour vénitien n’a que trop duré et l’impératrice ne souffre pas d’une maladie pulmonaire. En revanche, les épanchements qui alourdissent son corps et tordent son élégante silhouette doivent être soignés. Pour cela, elle passe l’été 1862 à Bad Kissingen en Bavière.

Miracle: tout à coup, elle souhaite rentrer à Vienne! Elle y arrive le 14 août 1862. Après 14 mois d’absence, elle revient à Schönbrunn.