3.
Une aventure
humaine

 4.2.
XVème et XVIème siècles
Colonies de pêche
européennes

 4.3.
1608-1763: domination
3. 4 guerres intercoloniales
C) 1744-1748: guerre de Succession d'Autriche
& Traité d'Aix-la-Chapelle

 4.3.
1608-1763: domination
3. 4 guerres intercoloniales
D) 1688-1697: guerre de la Ligue d'Augsbourg
& Traité de Ryswick

 4.4.
1763-1867: domination
Domination de l'Empire
britannique

 

 

D) 4ème guerre intercoloniale: Guerre de Sept Ans et Traité de Paris

D.1) La guerre: Guerre de Sept Ans (1754-1763)

La guerre de Sept Ans (1756-1763), que les Anglais dénomment « French and Indian War » (la guerre contre les Français et les Indiens), est la principale guerre du XVIIIe siècle. C'est aussi, d'une certaine manière, la première guerre mondiale!

  Les prémices de la guerre  Les hostilités ont débuté deux ans avant la déclaration de guerre officielle avec une échauffourée dans les forêts du Nouveau Monde: une poignée de Virginiens sous le commandement d'un certain... George Washington (22 ans), attaque une délégation française et tue son chef, Jumonville, dans le dessein de s'emparer de Fort-Duquesne, un fort qui tient la vallée de l'Ohio, la «Belle Rivière».

De riposte en réaction, Londres, qui n'arrive pas à l'emporter sur terre, ordonne la saisie de 300 navires de commerce français dans différents ports, partout dans le monde. La guerre générale devient dès lors inéluctable... En prévision de celle-ci, le gouvernement anglais ne néglige aucune précaution. C'est ainsi qu'il ordonne la déportation des Acadiens francophones susceptibles de trahir la couronne.

  Une guerre mondiale avant l'heure  Se déroulant sur le continent européen mais aussi en Amérique, en Afrique, aux Indes et sur les mers, en impliquant toutes les grandes puissances européennes, cette guerre sera a posteriori considérée par de nombreux historiens comme la première guerre mondiale!

Elle est provoquée d'une part par l'amertume des Français qui, dans la guerre de la Succession d'Autriche (1740-1748) ont «travaillé pour le roi de Prusse» et sont, outre-mer, de plus en plus en concurrence avec les Anglais ; d'autre part par la soif de revanche des Autrichiens qui se sont vus enlever la Silésie par le roi de Prusse Frédéric II pendant la guerre précédente.

Le 16 janvier 1756, le roi d'Angleterre Georges II (également Électeur de Hanovre) signe à Westminster un traité de «neutralité» avec le roi de Prusse. Du coup, l'impératrice Marie-Thérèse et le roi de France Louis XV enterrent officiellement une rivalité de 250 ans qui remontait à Charles Quint et François 1er et concluent le 1er mai 1756 un « renversement des alliances » qui prend à rebours leurs opinions publiques. Ils s'allient à la tsarine Élisabeth, fille de Pierre le Grand, ainsi qu'à la Suède, la Saxe et l'Espagne.

  Retournements en cascade  La guerre commence très mal pour les Français. Le prince de Soubise est défait par Frédéric II à Rossbach le 5 novembre 1757 malgré l'écrasante supériorité numérique de son armée. Habile stratège, Frédéric II vainc les Autrichiens à Leuthen, le 5 décembre de la même année et les Russes à Zorndorf le 25 août 1758. Cela lui vaut de porter désormais le qualificatif de Frédéric le Grand !

Mais la Prusse finit par être submergée sous le nombre des assaillants. Elle est un moment sur le point de disparaître après sa défaite à Kunersdorf, sur l'Oder, le 12 août 1759. Le roi Frédéric II est blessé et manque d'être capturé. Les troupes russes ont même le loisir de défiler à Berlin. Heureusement pour la Prusse, la Russie se retire inopinément du conflit à la mort de la tsarine Élisabeth le 5 janvier 1762. Son neveu le nouveau tsar Pierre III, fervent admirateur de Frédéric II, n'a rien de plus pressé que de se retirer de la coalition contre la Prusse, sauvant son héros d'une situation désespérée. Il lui restitue la Poméranie et la Prusse-orientale.

La France de Louis XV et l'Autriche de Marie-Thérèse négligent d'exploiter leurs victoires et permettent à Frédéric II de se ressaisir et même de reconquérir la Silésie. Dans le même temps, les Anglais, dont la situation n'était guère plus brillante que celle des Prussiens, portent à la tête de leur gouvernement un homme d'une grande énergie, William Pitt l'Ancien (Pitt The Elder), 49 ans. Les Français lui opposent un secrétaire d'État aux Affaires étrangères qui ne manque pas de talent, le duc de Choiseul.

  La guerre outre-mer  Outre-mer où s'activent les Anglais, les choses se gâtent pour les coalisés. Fort-Duquesne est pris en 1758 par les Anglais et rebaptisé Pittsburgh en l’honneur de leur Premier ministre (c'est aujourd'hui une grande métropole industrielle du Middle West). Plus grave, la France perd sa colonie de la Nouvelle-France malgré le sacrifice de Montcalm devant Québec.

La guerre sévit aussi aux Indes où les Anglais ne tiennent pour l'heure que Bombay, Madras et Calcutta, tandis que les Français, grâce à Dupleix, dominent la moitié du sous-continent.

Le 23 juin 1757, une armée anglo-indienne commandée par Robert Clive défait l'armée du nabab (souverain) du Bengale, alliée aux Français, à Plassey, près de Calcutta. Le 16 janvier 1761, Lally-Tollendal capitule à Pondichéry, l'un des derniers comptoirs qui restent aux Français.

La paix va venir des dissensions internes et de la lassitude, principalement en Angleterre. Bien qu'immensément populaire dans son pays, William Pitt doit démissionner à l'automne 1761, un an après que George III (22 ans) a succédé à son grand-père George II. Son successeur à la tête du gouvernement est le favori du nouveau roi, Lord Bute, qui reproche à Pitt de trop en faire sur le continent européen.

Il entame les pourparlers de paix, au scandale de l’opinion qui espérait cueillir plus d’avantages de ses efforts.

Ceux-ci sont suspendus du fait de l'entrée en guerre de l'Espagne aux côtés de la France et la guerre ne se terminera qu'en 1763 avec deux traités, à Paris et Hubertsbourg, qui dessineront pour un siècle et demi le nouveau visage de l'Europe.

Notons que l’Angleterre, lourdement endettée par l'effort de guerre, décide de taxer les colons américains qui en sont les principaux bénéficiaires. Quoi de plus normal, après tout ? Mais lesdits colons ne l’entendent pas de cette oreille. « No taxation without representation » (pas d’impôt sans représentants au Parlement), proclament-ils, ce qui ne manque pas non plus de logique… Il va s'ensuivre une nouvelle guerre, dix ans plus tard, et l'indépendance des États-Unis d'Amérique.

D.2) La paix: Traité de Paris

Le 10 février 1763, le traité de Paris met fin à la guerre de Sept Ans entre la France et l'Angleterre, la première étant alliée à l'Espagne et la seconde au Portugal. Ce traité sanctionne l'affaiblissement de la marine française au XVIIIe siècle et la fin du premier empire colonial français.

La monarchie française concède à sa rivale la domination des mers. Elle se résigne à la perte des Indes (sauf quelques comptoirs commerciaux) et de la Nouvelle-France, sa seule colonie de peuplement. Elle conserve toutefois ses colonies de plantation des Antilles, fondées sur la traite négrière, et en particulier Saint-Domingue. Cette pépite de sang et de larmes console les élites parisiennes de la perte des « arpents de neige » canadiens.

Cinq jours plus tard, le 15 février 1763, le traité de Hubertsbourg entre la Prusse et l'Autriche consacre la domination de la première sur l'Europe germanique...

  La France évincée de l'outre-mer  Le traité est négocié au nom du roi Louis XV par le Premier ministre, le duc Étienne de Choiseul. Il se solde par la quasi-disparition du premier empire colonial français.

Perte de la Nouvelle-France

La présence française en Amérique du Nord avait commencé de se racornir avec le traité d'Utrecht de 1713 et la cession de l'Acadie à l'Angleterre ; cette colonie nord-américaine allait plus tard donner naissance aux provinces de Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Lors du traité d'Utrecht, la France avait perdu aussi ses bases de pêche de Terre-Neuve et les territoires de la baie d'Hudson, très riches en fourrures, malgré les exploits réalisés par le Canadien Pierre Le Moyne d'Iberville et ses frères pour conserver ces territoires à la France.

Avec le traité de Paris de 1763, la France cède cette fois à son ennemie la Nouvelle-France, principale implantation française en Amérique du Nord. Le roi George III la débaptise par la Proclamation royale du 7 octobre 1763 et elle devient officiellement « The Province of Quebec ». La France ne conserve dans le golfe du Saint-Laurent que le petit archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, dédié à la pêche à la morue.

Par le traité de Paris (1763), la France est cependant autorisée à reprendre la pêche sur la côte de Terre-Neuve et se voit également accorder les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon. Lorsque les Français sont retournés dans le «Petit Nord», ils ont constaté qu’ils n’étaient plus seuls. Les colons et les pêcheurs britanniques sont maintenant présents en grand nombre, particulièrement au sud du cap Saint-Jean, et le gouvernement français commence à protester.

Les Français soutenaient que leur droit sur la côte du traité était exclusif, c’est-à-dire qu’ils avaient le droit exclusif d’y pêcher pendant la saison. Les Britanniques répliquèrent que le traité d’Utrecht ne disait rien sur l’exclusivité et que le droit était concurrent, les pêcheurs des deux pays pouvant utiliser le rivage qui était, après tout, un territoire britannique. La divergence d’opinion fondamentale n’a jamais été résolue.

Cependant, il y a eu une tentative de trouver une solution à la fin de la guerre d’indépendance américaine. Dans le traité de Versailles (1783) entre la Grande-Bretagne et la France, les limites du rivage du traité ont été modifiées pour devenir le Cap Saint-Jean et le Cap Ray. Cela laissa les baies de Bonavista et de Notre-Dame aux Britanniques, tout en offrant une compensation à la France sur la côte ouest. De plus, une déclaration annexée au traité prévoyait que le gouvernement britannique empêcherait les pêcheurs britanniques d'«interrompre» la pêche française «... par leur concurrence», et «ferait supprimer les établissements fixes qui s’y formeront».

Perte de la Louisiane

Un an avant le traité de Paris, la France avait secrètement cédé à l'Espagne la Louisiane occidentale, c'est-à-dire la rive droite du Mississippi (jusqu'aux Montagnes Rocheuses) ainsi que La Nouvelle-Orléans. Il s'agissait pour Paris d'offrir une compensation à son alliée malencontreusement entraînée dans la guerre de Sept Ans.

Par le traité de Paris, la France cède à l'Angleterre ce qui lui reste de la Louisiane, autrement dit la rive gauche du Mississippi. Elle ne conserve plus dès lors en Amérique du nord que le petit archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Notons que l'Espagne restituera la Louisiane occidentale à la France en 1800. Trois ans plus tard, ce vaste territoire fera l'objet du « Louisiana Purchase » entre Napoléon Bonaparte et Thomas Jefferson. Il est maintenant recouvert par treize États des États-Unis.

Les Indes orientales

Aux Indes, la France cède à l'Angleterre la quasi-totalité de ses possessions. Elle conserve tout juste cinq comptoirs qui feront rêver des générations d'écoliers : Pondichéry, Chandernagor, Yanaon, Karikal et Mahé. Triste épilogue de la brillante entreprise diplomatique de Dupleix.

Îles et comptoirs

La France récupère Belle-Île ainsi que la Martinique, la Guadeloupe et ses comptoirs d'Afrique (Saint-Louis du Sénégal, Fort-Dauphin de Madagascar...).

Elle conserve surtout Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti). C'est la seule colonie à laquelle tiennent les bourgeois de l'époque, y compris les « philosophes », en raison des riches plantations de sucre où travaillent les esclaves (l'île deviendra indépendante 40 ans plus tard).

  L’accès à la pêche à Terre-Neuve  L'accès à la pêche de Terre-Neuve s'est révélé l'un des points les plus litigieux des négociations de paix après la guerre de Sept Ans. Le Gouvernement français était résolu à poursuivre la pêche dans la région. Ses négociateurs ont donc demandé à la Grande-Bretagne de laisser les Français pêcher dans le golfe du Saint-Laurent, ainsi que sur le French Shore de Terre-Neuve telle que délimité par le traité d'Utrecht (1713). En outre, la France voulait un havre pour sa flotte de pêche sur les bancs et sa flotte hauturière, et demandait qu'on lui laisse le Cap-Breton à cette fin.

Le Gouvernement britannique était partagé entre ceux qui voulaient retirer aux Français tous leurs droits de pêche, et ceux qui étaient prêts au compromis. Ces derniers ont fini par l'emporter et la France a obtenu l'essentiel de ce qu'elle avait demandé.

Pourquoi? En quelque mots, le concept de guerre totale était inconnu au XVIIIe siècle : les guerres n'étaient pas tant livrées pour écraser l'ennemi que pour rétablir un certain équilibre dans le partage des pouvoirs. Par la guerre de Sept Ans, la Grande-Bretagne ne cherchait pas à détruire la France et son gouvernement a su reconnaître tout ce que représentait pour elle l'accès à la pêche de Terre-Neuve. Maintenant qu'elle contrôlait l'Amérique du Nord, la Grande-Bretagne était disposée à concéder une part de la pêche en vue de faciliter le processus de pacification.

Dans l'entente finale, la France était autorisée à continuer sa pêche sur le French Shore et dans le golfe du Saint-Laurent, et recevait les îles de Saint-Pierre et de Miquelon comme base de pêche. Mais la Grande-Bretagne avait insisté pour inclure une clause aux termes de laquelle la France s'engageait à ne pas fortifier les îles et à ne pas s'en servir comme base militaire. Malgré son insatisfaction face aux conditions associées au transfert de souveraineté de Saint-Pierre et Miquelon, qu'elle jugeait humiliantes, la France n'en avait pas moins conservé un élément essentiel au maintien de sa pêche migratoire.

« Article 5. Les sujets de la France auront la liberté de la pêche, & de la secherie, sur une partie des côtes de l'Isle de Terre-Neuve, telle qu'elle est spécifiée par l'article 13 du traité d'Utrecht, lequel article est renouvellé & confirmé par le présent traité (à l'exception de ce qui regarde l'Isle du Cap Breton, ainsi que les autres Isles et côtes dans l'embouchure et dans le Golphe St Laurent;) et Sa Majesté britannique consent de laisser aux sujets du Roy Très Chretien la liberté de pêcher dans le Golphe St Laurent (...)
Article 6. Le Roy de la Grande Bretagne cede les Isles de St Pierre & de Miquelon, en toute propriété, à Sa Majesté Très Chretienne, pour servir d'abri aux pêcheurs François; et Sa dite Majesté Très Chretienne s'oblige à ne point fortifier les dites Isles, à n'y établir que des batimens civils pour la commodité de la pêche, et à n'y entretenir qu'une garde de cinquante hommes pour la police. »

 

  Commentaires hasardeux  À propos du traité, Voltaire écrit au ministre Choiseul : « Je suis comme le public : j'aime mieux la paix que le Canada et je crois que la France peut être heureuse sans Québec ». Avec beaucoup de mépris et bien peu de clairvoyance, l'illustre « philosophe » évoquera plus tard dans Candide ces « quelques arpents de neige vers le Canada ».

Le ministre, qui devait s'illustrer par la suite en achetant la Corse, affiche une opinion similaire et pense « ...qu'une colonie ne vaut que pour le gain qu'elle procure à la métropole ».

Jean-Jacques Rousseau, quant à lui, écrit dans une lettre adressée à son ami Diderot : « Il est regrettable que nous n'ayons pu continuer de vivre en communauté avec ces sauvages, car sans doute nous eussent-ils enseigné ces vertus que j'ai vainement recherchées auprès de ceux que les conventions et l'usage me contraignent de nommer des hommes civilisés. »

  Le traité de Hubertsbourg  Le 15 février 1763, c'est au tour de la Prusse et de l'Autriche de signer la paix à Hubertsbourg, en Saxe. Le traité reconnaît au roi de Prusse Frédéric II la possession définitive de la Silésie (cela en violation de toutes les règles antérieures de la diplomatie européenne, le roi n'ayant aucun droit dynastique sur la province).

À l'issue de la guerre de Sept Ans, dont on peut dire qu'elle est la première guerre mondiale car elle s'est déroulée sur tous les continents, la Prusse devient ainsi le principal État allemand et l'Angleterre la première puissance coloniale. Les traités de 1763 dessinent pour un siècle et demi le paysage de l'Europe.