3.
Une aventure
humaine

 4.2.
XVème et XVIème siècles
Colonies de pêche
européennes

 4.3.
1608-1763: domination
3. 4 guerres intercoloniales
A) 1688-1697: guerre de la Ligue d'Augsbourg
& Traité de Ryswick

 4.3.
1608-1763: domination
3. 4 guerres intercoloniales
C) 1744-1748: guerre de Succession d'Autriche
& Traité d'Aix-la-Chapelle

 4.4.
1763-1867: domination
Domination de l'Empire
britannique

 

 

B) 2ème guerre intercoloniale: Guerre de succession d'Espagne et Traité d'Utrecht

B.1) La guerre: Guerre de Succession d'Espagne (1702-1713)

La guerre de la Succession d’Espagne, qui se déroule de 1701 à 1714 (aussi appelée Queen Anne’s War en anglais) est un conflit généralisé européen qui s’étend à l’échelle mondiale pour inclure les colonies des principales puissances, dont les colonies françaises et anglaises en Amérique du Nord.

  Problème de succession de Chales II  Charles II n'ayant pas de descendance, sa succession posait problème: la généalogie désignait en effet comme héritier le Dauphin, fils de sa défunte sœur aînée Marie-Thérèse, épouse du roi de France Louis XIV.

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Prévoyant l'inquiétude que ne manquerait pas de susciter un accroissement de la puissance française, dans le contexte d'une détérioration des relations franco-espagnoles au cours des années 1690, Charles II envisagea d'abord une solution qui ne favoriserait ni la France ni l'Autriche, probables candidates au trône, et désigna un héritier plus jeune à sa succession: il s'agissait du duc Joseph-Ferdinand de Bavière (1692-1699), dernier petit-fils de la plus jeune sœur de son défunt père, l'infante Marguerite ; il fut désigné héritier et élevé au rang de Prince des Asturies. Toutefois, Joseph-Ferdinand mourut avant son grand-oncle et sans descendance: la crise de succession devenait inévitable. Charles II s'était entre-temps rangé à l'avis que la Couronne devait être transmise en concordance avec les lois séculaires régissant la succession.

Charles II d'Espagne, dans son Testament du 2 octobre 1700, affirmait :

« Considérant, en accord avec les divers avis proférés par Nos Ministres d’État et Nos Magistrats jugeant que les Renonciations à leurs droits respectifs sur nos Royaumes, consenties par les Dames Anne et Marie-Thérèse, toutes deux Reines de France, Notre tante et Notre sœur, n’avaient d’autre motif que leur crainte des conséquences pour l’Espagne d’une réunion avec le Royaume de France; et considérant que bien que cette inquiétude n’ait plus de fondement, le droit du collatéral le plus proche à succéder au trône demeure en vigueur selon les lois de ces Royaumes; et considérant que ce droit peut être revendiqué à présent par le second fils du Dauphin; par la présente, et en concordance avec ces lois, Nous désignons comme Notre successeur (si Dieu devait Nous rappeler à Lui tel que Nous sommes, sans descendance) le duc d’Anjou, second fils du Dauphin, et Nous le nommons héritier de tous nos Royaumes et Domaines sans exception aucune (…). Soucieux de préserver la paix de la Chrétienté et de toute l’Europe, soucieux du bien-être de Nos Royaumes, Notre intention est que cette Couronne qui est Nôtre et celle de France demeurent à jamais séparées, et à cette fin Nous déclarons solennellement, en Nous référant aux stipulations susdites, que si le dit duc d’Anjou venait à mourir avant que Nous fussions Nous-mêmes rappelé à Dieu, ou s’il devait accéder au Trône de France et préférer cette Couronne à la Nôtre, lors ladite Couronne passerait au duc de Berry, Son frère, et troisième fils dudit Dauphin, et que dans cette éventualité les conditions susdites demeureraient en vigueur. Et que, si le duc de Berry venait à mourir avant que Nous fussions Nous-mêmes appelé, ou s’Il devait accéder au trône de France, Nous déclarons que Notre volonté est de voir passer la Couronne à l’Archiduc, second fils de Notre oncle l’Empereur, par préférence, pour les mêmes raisons que Nous avons données plus haut —et en vertu du même souci que Nous avons exprimé plus haut pour le bien commun— au premier-né de l’Empereur Notre oncle. Et si l’Archiduc venait à mourir avant que Nous fussions appelé à la Vie Éternelle, Nous déclarons que Notre volonté est de voir passer la Couronne au Duc de Savoie et à ses héritiers. »


Charles II d'Espagne meurt le 1er novembre 1700. Après l'ouverture de son testament, le conseil de régence d'Espagne notifie à l'ambassadeur de France la nomination du duc d'Anjou sur le trône d'Espagne.

Louis XIV est prévenu le 9 novembre 1700 par son secrétaire d'État à la Guerre, le marquis de Barbezieux. Dès le lendemain, il tient une réunion avec ses proches conseillers, le marquis de Torcy, le duc de Beauvilliers, le chancelier de Pontchartrain et madame de Maintenon, en vue d'accepter ou non ce testament.

Le 14 novembre 1700, Louis XIV annonce à la cour, en présence du marquis Castel dos Rios, ambassadeur espagnol, qu'il accepte le testament et proclame son petit-fils, le duc Philippe d'Anjou, roi d'Espagne:

« Messieurs, voici le roi d'Espagne. La naissance l'appelait à cette couronne, le feu roi aussi par son testament ; toute la nation l'a souhaité et me l'a demandé avec instance ; c'était l'ordre du ciel, je l'ai accordé avec plaisir… »
« Soyez bon Espagnol, c'est maintenant votre premier devoir, mais souvenez-vous que vous êtes né Français, pour entretenir l'union des deux nations; c'est le moyen de les rendre heureuses et de conserver la paix de l'Europe. »

Louis XIV


Torcy, ministre des Affaires étrangères, fait immédiatement parvenir aux ambassadeurs des Pays-Bas et d'Angleterre une note stipulant que, si le roi approuvait le testament, les monarchies de France et d'Espagne demeureront distinctes.

Le 18 novembre 1700, l'empereur Léopold Ier de Habsbourg apprend la mort de son beau-frère, le roi Charles II, par un courrier du Comte de Sinzendorff. Dès le lendemain, il réunit son conseil, le président de guerre, ses feld-maréchaux, le comte Caprara et les princes Eugène de Savoie et de Commercy pour préparer la succession. Mais, le 20 novembre, il apprend le nom du successeur: le duc Philippe d'Anjou. L'Empereur n'accepte pas de perdre l'empire espagnol des Habsbourg et celui-ci doit revenir à son fils, l'archiduc Charles d'Autriche. C'est pourquoi il refuse de reconnaître le nouveau roi d'Espagne et décide l'envoi immédiat de troupes en Italie et sur le Rhin.

Dans un premier temps, la plupart des chefs d'État (Guillaume III d'Angleterre et les états-généraux des Provinces-Unies ainsi que le prince de Vaudemont, gouverneur du Milanais, les vice-rois de Naples, de Sicile et de Sardaigne, Maximilien-Emmanuel de Bavière, gouverneur des Pays-Bas, l'électeur de Cologne) acceptent le testament du roi d'Espagne.

Mais

Cette guerre de dix ans est la plus pénible de toutes celles qu'a soutenues le roi Louis XIV. On peut y voir une préfiguration des guerres générales qui ensanglanteront le continent un et deux siècles plus tard.

  La guerre de trop  Mais Louis XIV prend plaisir à multiplier les provocations....

Le 1er février 1701, le Parlement de Paris conserve les droits à la couronne de France de Philippe V, ce qui inquiète les Anglais et les Autrichiens, car la France et l'Espagne pourraient fusionner. Il recommence à soutenir les prétentions de l'ancien roi d'Angleterre Jacques II Stuart, renversé par la «Glorieuse Révolution». Début février, Louis XIV fait occuper par l'armée française des places fortes des provinces catholiques des Pays-Bas ce qui rend furieux les Hollandais.

L'irruption de la flotte française dans le domaine colonial espagnol achève de convaincre l'Angleterre et les Provinces-Unies de la nécessité de contrecarrer les ambitions françaises. Le roi d'Angleterre, Guillaume III de Nassau-Orange, également stathouder (gouverneur) des Provinces-Unies (les Pays-Bas actuels), suscite à La Haye une Grande Alliance contre Louis XIV.

La coalition réunit l'Angleterre, les Provinces-Unies, la Prusse et l'Autriche. Plus tard s'y associeront le Danemark puis le Portugal et la Savoie. Au total, plus de 250.000 hommes et 300 vaisseaux. Pour lui faire face, la France, qui reste de loin le plus puissant pays d'Europe, conserve le soutien de l'Espagne, bien sûr, ainsi que des souverains de Bavière et de Cologne. Au total 200.000 hommes et seulement une centaine de vaisseaux.

  Revers militaires  À peine la coalition est-elle constituée que l'énergique Guillaume III meurt d'une chute de cheval le 8 mars 1702. Lui succède Anne Stuart (37 ans), sa belle-sœur, seconde fille du roi Jacques II – le Roi chassé d’Angleterre et soutenu par Louis XIV!!!. Cette protestante austère a mis au monde 17 enfants, tous morts en bas âge! Mais elle poursuit la politique anti-française du défunt Guillaume III.

Après quelques succès initiaux en Italie, dans les Flandres et en Allemagne, les armées françaises, sous la conduite du maréchal Nicolas Catinat, se voient paralysées par le manque d'argent et de subsistances. Elles ne tardent pas à être débordées.

Battu par le prince Eugène à Carpi en 1701, Catinat est disgracié l'année suivante et remplacé par le maréchal François de Villeroy, un courtisan superficiel et sans talent, dont le principal mérite est d'avoir été élevé avec Louis XIV. Capturé à Crémone en février 1702, Villeroy est échangé contre le comte Wallenstein et se voit confier l'armée des Flandres.

Pour ne rien arranger, les protestants des Cévennes, au centre de la France, se soulèvent sous la conduite d'un valet de bergerie du nom de Jean Cavalier. C'est la révolte des Camisards (1702-1704). Le maréchal Claude de Villars mène la répression.

En Bavière, les maréchaux Ferdinand de Marsin et Camille d'Hostun, comte de Tallard, commandent les armées françaises. Ils sont défaits à Blenheim, le 13 août 1704 par le Prince Eugène, un Français à la tête des troupes autrichiennes, et le duc de Marlborough. Les Anglais, la même année, mettent la main sur Gibraltar et conserveront le rocher jusqu'à nos jours.

Enfin, last but not least, l'ineffable Villeroy est complètement battu par le duc de Marlborough à la bataille de Ramillies (actuelle Belgique) le 23 mai 1706. Cette défaite entraîne la perte des Pays-Bas espagnols par l'alliance franco-espagnole. Louis XIV doit se résigner à destituer son ami et le console par ces mots : « À notre âge, on n'est plus heureux ».

À Madrid, le roi Philippe V est chassé de son trône. Son concurrent l'archiduc Charles est proclamé roi le 1er septembre 1706. Lille, bien que puissamment fortifiée par Vauban, tombe en 1708.

Les frontières sont menacées en tous points. La France est épuisée. Les éléments se mettent de la partie avec, le 5 janvier 1709, une chute exceptionnelle des températures. Ce Grand Hiver entraîne gel des semis et famines. Louis XIV s'humilie et sollicite la paix, mais sa demande est repoussée avec hauteur.

Le roi en appelle alors à la nation et lance une souscription : « J'aime mieux faire la guerre à mes ennemis qu'à mes enfants ». Lui-même donne l'exemple en vendant sa vaisselle d'or.

Il forme une nouvelle armée et la confie au maréchal de Villars.

Retardé dans son avancement par des officiers plus courtisans que lui, le maréchal de Villars a néanmoins vaincu le margrave de Bade à Friedlingen en 1702 et ses soldats l'ont illico proclamé maréchal de France sur le champ de bataille avant que le roi ne ratifie leur choix!

L'année suivante, le 20 septembre 1703, le maréchal de Villars a encore battu les impériaux à Höchstädt, en Bavière, mais furieux de n'être pas suivi par son allié l'Électeur de Bavière, il a demandé et obtenu son rappel. Il s'est alors vu confier la répression des Camisards cévenols...

  Vers le sursaut  Le maréchal mène campagne dans le Piémont italien. Puis il livre bataille au prince Eugène et au duc Marlborough à Malplaquet, dans les Flandres, le 11 septembre 1709. L'issue de la bataille reste indécise, mais les coalisés austro-anglais ont subi de si lourdes pertes qu'il n'est plus question pour eux d'envahir la France.

Grièvement blessé, le maréchal de Villars se retire à Versailles. Pendant ce temps, le duc de Vendôme se porte au-delà des Pyrénées et par la victoire de Villaviciosa, en décembre 1710, restaure le roi Philippe V sur le trône d'Espagne. La chance commence à sourire à Louis XIV.

À Londres, Sarah Jennings, duchesse de Marlborough, tombe en disgrâce et entraîne son mari dans celle-ci. La reine Anne retire sa confiance au duc et à ses alliés whigs. Elle appelle les tories au pouvoir.

Coup de tonnerre. Voilà que l'empereur d'Allemagne Joseph Ier meurt le 17 avril 1711 à 33 ans d'une variole et c'est son frère l'archiduc Charles qui lui succède sous le nom de Charles VI.

Pour les tories anglais, il n'est pas question que le nouvel empereur acquière aussi la couronne d'Espagne et reconstitue l'empire de Charles Quint. Soucieux de préserver l'équilibre européen, ils proposent la paix au roi Louis XIV.

C'est ainsi que des préliminaires de paix sont conclus à Londres le 8 octobre 1711 entre la France et l'Angleterre. Les Hollandais, craignant d'être écartés de la paix, acceptent l'ouverture de négociations le 29 janvier 1712 à Utrecht. Mais celles-ci sont interrompues dès le mois de mars et les opérations militaires reprennent aussitôt. La situation de la France est alors des plus précaires.

C'est Villars qui, remis de sa blessure, va une nouvelle fois redresser la situation en remportant la victoire de Denain sur le prince Eugène, le 1er septembre 1712. Préservée in extremis de l'invasion, la France peut négocier la paix de façon honorable.

B.2) La paix: Traité d’Utrecht (1713)

Le 11 avril 1713, après quatorze mois de négociations pénibles entrecoupées de rebondissements militaires, les diplomates européens signent à Utrecht (Pays-Bas) le traité qui met fin à la guerre de la Succession d'Espagne. Grâce aux derniers sursauts, Louis XIV peut négocier la paix dans des conditions à peu près honorables.

À Utrecht, ses diplomates et ceux de l'Espagne font face aux représentants de l'Angleterre, de la Hollande, du Portugal, de la Savoie et de la Prusse. La signature du traité donne lieu à une vaste redistribution des cartes en Europe... Elle nous fait penser a posteriori à une avant-première des traités de Vienne (1815) et de Versailles (1919).

La France doit céder l'île de Terre-Neuve à l'Angleterre, le territoire de la baie d'Hudson et l'Acadie au Canada, ainsi que l'île Saint-Christophe aux Antilles. Elle lâche aussi plusieurs villes allemandes: Brisach, Fribourg, Kehl, sur la rive droite du Rhin, et s'engage à détruire ses fortifications du bord du Rhin.

À la frontière du nord de la France, la Hollande obtient d'installer des garnisons dans huit forteresses : Furnes, Ypres, Menin, Tournai, Mons, Charleroi, Namur et Gand. Humiliante pour la France, cette « barrière » vise à prévenir toute nouvelle agression contre la Hollande.

La France reconnaît par ailleurs les droits de la dynastie de Hanovre sur le trône anglais et renonce à soutenir les droits des Stuart. Elle s'engage à détruire les fortifications érigées à Dunkerque par Vauban.

En contrepartie, le petit-fils de Louis XIV est confirmé comme roi d'Espagne sous le nom de Philippe V, tout en renonçant à ses droits sur le trône de France.

La Savoie se voit confirmer la possession d'une partie du Milanais. Elle recouvre la possession de la... Savoie, occupée par les troupes françaises. Le duc de Savoie cède à la France la vallée alpine de Barcelonnette en échange de Fenestrelle et d'Exiles. Il reçoit également le titre de roi ainsi que la Sicile (mais échange peu après cette dernière contre la Sardaigne).

L'Électeur de Brandebourg, Frédéric Ier de Hohenzollern, se voit reconnaître le titre de roi en Prusse (sans arriver à convaincre l'empereur d'Allemagne de lui reconnaître le titre plus honorable de roi de Prusse). Il reçoit la haute Gueldre, près de la Hollande, ainsi que la principauté de Neuchâtel. Il cède d'autre part à la France la principauté d'Orange (en Provence).

L'empereur Charles VI de Habsbourg reçoit la plupart des possessions espagnoles en Europe : Milan, Mantoue, Naples, la Sardaigne (qu'il échangera ensuite contre la Sicile), ainsi que les Pays-Bas du Sud (l'actuelle Belgique).

B.3) L’accès à la pêche à Terre-Neuve après le Traité d’Utrecht

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En signant le traité d'Utrecht en 1713, les Français abandonnèrent leurs colonies à Terre-Neuve, y compris Plaisance et les îles de Saint-Pierre et de Miquelon. Ils conservaient toutefois le droit de pêcher le long d'un secteur de la côte allant du cap Bonavista vers le nord jusqu'à la péninsule Northern, puis jusqu'à la pointe Riche sur la côte ouest. S'il ne leur est pas permis de s'établir sur ce «French Shore», ils peuvent quand même sauvegarder les avantages économiques de la pêche à Terre-Neuve, soit l'emploi et le commerce, ainsi que son rôle stratégique de formation de marins chevronnés, fondement de la puissance navale de la France.

Jusqu’à ce que la guerre éclate de nouveau entre les deux pays en Europe, en 1756 (guerre de Sept Ans (1756-1763)), il semble qu’il y ait eu relativement peu de frictions entre les pêcheurs français et britanniques à Terre-Neuve. Cela s’explique principalement par le fait que les Français concentraient leurs efforts de pêche au nord et que les Britanniques se trouvaient au sud. Cependant, l’avancée de la colonisation et de la pêche britanniques dans les baies de Bonavista suscite une certaine inquiétude, un processus qui s’accélère lorsque les Français cessent temporairement de venir à Terre-Neuve pendant la guerre de Sept Ans.

B.4) Conclusions

LE TRAITÉ D'UTRECHT CONSACRE L'EFFACEMENT DE L'ESPAGNE DE L'AVANT-SCÈNE EUROPÉENNE ET INAUGURE L'EXTRAORDINAIRE ASCENSION DE L'ANGLETERRE.

  • Les Anglais acquièrent les colonies françaises du Canada ainsi que l'île de Minorque, dans l'archipel des Baléares, et la presqu'île de Gibraltar, enlevée à l'Espagne en 1704. Ils obtiennent aussi pour 30 ans le monopole de la traite des Noirs (l'asiento) dans l'Amérique espagnole.
  • Les Provinces-Unies, bien que victorieuses, cèdent à leurs rivaux anglais la primauté maritime et commerciale.
  • L'Allemagne et l'Italie restent divisées, malgré la montée en puissance de la Prusse et de la Savoie.
  • La France conserve de « beaux restes ». Ses frontières, puissamment fortifiées par Vauban, la tiendront à l'abri de l'invasion pendant près d'un siècle, jusqu'en 1792.

Au terme du long règne de Louis XIV, la France garde un immense prestige en Europe, malgré ses difficultés dans la Guerre de Succession d'Espagne. Cela lui vaudra de rester pendant un siècle encore à l'avant-garde de la civilisation européenne. D'ailleurs, c'est en français qu'est rédigé le traité d'Utrecht. C'est une première, car tous les actes diplomatiques étaient précédemment rédigés en latin. Le français devient pour deux siècles, jusqu'au traité de Versailles, la langue de la diplomatie.

 



B.X) Extrait du Traité d'Utrecht

  Article 10 [Baie d'Hudson]  Le Roy très-chrétien restituera au royaume et à la Reine de la G.B. pour les posséder en plein droit et à perpétuité, la baye et le détroit d'Hudson, avec toutes les terres, mers, rivages, fleuves et lieux qui en dépendent, et qui y sont situés, sans rien excepter de l'étendue desdites terres et mers possédées présentement par les François, le tout aussi bien que tous les édifices et forts construits, tant avant que depuis que les François s'en sont rendus maîtres, seront délivrés de bonne foy en leur entier, et en l'état où ils sont présentement sans en rien démolir, avec toute l'artillerie, boulets, la quantité de poudre, proportionnée à celle des boulets (si elle s'y trouve), et autres choses servant à l'artillerie, à ceux des sujets de la Reine de la G.B., munis de ses commissions pour les demander et recevoir, dans l'espace de six mois, à compter du jour de la ratification de présent Traité, ou plus tôt si faire se peut, à condition toutefois qu'il sera permis à la compagnie de Québec et à tous autres sujets quelconques du Roy T.C. de se retirer desdites terres et détroits, par terre ou par mer, avec tous leurs biens, marchandises, armes, meubles et effets de quelque nature ou espèce qu'ils soient, à la réserve de ce qui a été excepté cy dessus. Quant aux limites entre la baye d'Hudson et les lieux appartenant à la France, on est convenu réciproquement qu'il sera nommé incessamment des commissaires de part et d'autre, qui les détermineront dans le terme d'un an, et il ne sera pas permis aux sujets des deux nations de passer lesdites limites pour aller les uns aux autres, ni par mer, ni par terre. Les mêmes commissaires auront le pouvoir de régler pareillement les limites entre les autres colonies françaises et britanniques dans ces païs là.
  Article 11 [Baie d'Hudson]  Le Roy très-chrétien fera donner une juste et équitable satisfaction aux intéressez de la compagnie anglaise de la baye d'Hudson, des pertes et dommages qu'ils peuvent avoir soufferts pendant la paix, de la part de la nation française par des courses ou déprédations tant en leurs personnes que dans leurs colonies, vaisseaux et autres biens, dont l'estimation sera faite par des commissaires qui seront nommés à la réquisition de l'une ou l'autre des parties, les mêmes commissaires prendront connaissance des plaintes qui pourront être faites, tant de la part des sujets de la G.B. touchant les vaisseaux pris par les François durant la paix, et des dommages qu'ils pourront avoir soufferts l'année dernière dans l'Isle de Monserrat ou autre, que de la part des sujets de la France touchant les capitulations faites dans l'isle de Névis et au fort de Gambie, et des vaisseaux françois qui pourraient avoir été pris par les sujets de la G.B. en temps de paix et toutes autres contestations de cette nature meues entre les deux nations, et qui n'ont point encore été réglées ; et il en sera fait de part et d'autre bonne et prompte justice.
  Article 12 [Acadie et île de Saint-Christophe]  Le Roy T.C. fera remettre à la Reine de la G.B. le jour de l'échange des ratifications du présent traité de paix, des lettres et actes authentiques qui feront foi de la cession faite à perpétuité à la Reine et à la couronne de la G.B. de l'isle de Saint-Christophe que les sujets de Sa Majesté B. désormais posséderont seuls, de la nouvelle Ecosse autrement dite Acadie, en son entier conformément à ses anciennes limites, comme aussi de la ville de Port-Royal, maintenant appelée Annapolis-Royale, et généralement de tout ce qui dépend desdites terres et isles de ce païs là, avec la souveraineté, propriété, possession et tous droits acquis par traitez ou autrement que le Roi T.C., la couronne de France ou ses sujets quelconques ont eus jusqu'à présent sur lesdits isles, terres, lieux et leurs habitants, ainsi que le Roi T.C. cède et transporte le tout à ladite Reine et à la couronne de la G.B., et cela d'une manière et d'une forme si ample qu'il ne sera pas permis à l'avenir aux sujets du Roy T.C. d'exercer la pêche dans lesdites mers, bayes, et autres endroits à trente lieues près des costes de la nouvelle Ecosse, au Sud-Est en commençant par l'isle appelée vulgairement de Sable inclusivement et en tirant au Sud-Ouest.
  Article 13 [Terre-Neuve]  L'isle de Terreneuve, avec les isles adjacentes, appartiendront désormais et absolument à la G.B., et à cette fin le Roy T.C. fera remettre à ceux qui se trouveront à ce commis en ce païs là, dans l'espace de sept mois à compter du jour de l'échange des ratifications de ce Traité, ou plus tôt si faire se peut, la ville et le fort de Plaisance, et autres lieux que les François pourraient encore posséder dans ladite isle sans que ledit Roy T.C., ses héritiers et successeurs, ou quelques-uns de ses sujets, puissent désormais prétendre quoi que ce soit, et en quelque temps que ce soit, sur ladite isle et les isles adjacentes, en tout ou en partie. Il ne leur sera pas permis non plus d'y fortifier aucun lieu, ni d'y établir aucune habitation en façon quelconque, si ce n'est des échafauts et cabanes nécessaires et usités pour sécher le poisson, ni aborder dans ladite isle dans d'autres temps que celui qui est propre pour pêcher et nécessaire pour sécher le poisson. Dans ladite isle, il ne sera pas permis auxdits sujets de la France de pêcher et de sécher le poisson en aucune autre partie que depuis le lieu appelé Cap-de-Bona-Vista, jusqu'à l'extrémité septentrionale de ladite isle, et de là en suivant la partie occidentale jusqu'au lieu appelé Pointe-Riche. Mais l'isle dite Cap-Breton, et toutes les autres quelconques, situées dans l'embouchure et dans le golphe de Saint-Laurent, demeureront à l'avenir à la France, avec l'entière faculté au Roy T.C. d'y fortifier une ou plusieurs places.
  Article 14 [Liberté de quitter les colonies]  Il a esté expressément convenu que dans tous les lieux et colonies qui doivent être cédées ou restituées en vertu de ce Traité par le Roy T.C., les sujets dudit Roy auront la liberté de se retirer ailleurs dans l'espace d'un an avec tous leurs effets mobiliaires, qu'ils pourront transporter où il leur plaira. Ceux néanmoins qui voudront y demeurer et rester sous la domination de la G.B. doivent jouir de l'exercice de la religion catholique romaine, en tant que le permettent les loix de la G.B.
  Article 15 [Les Indiens]  Les habitants du Canada et autres sujets de la France, ne molesteront point à l'avenir les cinq nations ou cantons des Indiens soumis à la G.B., ni les autres nations de l'Amérique amies de cette couronne. Pareillement, les sujets de la Grande-Bretagne se comporteront pacifiquement envers les Américains amis ou sujets de la France, et les uns et les autres jouiront d'une pleine liberté de se fréquenter pour le bien du commerce, et avec la même liberté les habitants de ces régions pourront visiter les colonies françoises et britanniques pour l'avantage réciproque du commerce sans aucune molestation, ni empêchement de part ni d'autre. Au surplus, les commissaires règleront exactement et distinctement, quels seront ceux qui seront ou devront être conservés sujets et amis de la France et de la Grande-Bretagne.

A Utrecht le 11e jour d'avril 1713.