3.
Une aventure
humaine

 4.1.
Premiers habitants

 4.2.
XVème et XVIème siècles:
Colonies de pêche:
3.   tentatives françaises:
A. Verrazzano (1524)

 4.2.
XVème et XVIème siècles:
Colonies de pêche:
3.   tentatives françaises:
C. Fin exploration française

 4.3.
1608-1763: domination
La «Nouvelle-France»

 

 

B) Les voyages de Jacques Cartier (1534-1542)

La France, qui s’était laissé distancer par d’autres pays européens dans la course aux découvertes et jalouse des richesses retirées de leurs colonies par l'Espagne (îles Canaries, de nombreux territoires en Algérie, au Maroc et en Lybie) et le Portugal (Madère, archipel des Açores, îles du Cap-Vert, côtes du Sénégal et de la Guinée …). Les guerres d’Italie étant momentanément à l’arrêt, François Ier entend bien combler son retard et relance un mouvement de découverte-colonisation. Les noms de «Mer de France», située au large du Golfe du Saint-Laurent, de Cap Breton et de Terre des Bretons, au sud du fleuve, vont bientôt apparaître sur les cartes de l’époque.

En 1534, François Ier lance une nouvelle expédition et nomme Jacques Cartier à la tête de celle-ci afin de trouver «certaines îles et pays où l'on dit qu'il doit se trouver de grandes quantités d'or, d'épices ainsi que de soies», car, à cette époque, l’or, qui est la principale unité monétaire, se fait de plus en plus rare en Europe depuis que Constantinople est tombée aux mains des Ottomans. On dit que Jacques Cartier est le découvreur du Canada parce qu’il est le premier à explorer le territoire en vue de son exploitation systématique. Il effectua trois voyages en Amérique.

B.1) Le premier voyage (1534)

Lors de son premier voyage en 1534, et après seulement vingt jours de traversée (du 20 avril au 10 mai), Cartier atteint Terre-Neuve, avec ses deux navires et un équipage de 61 hommes.

Il explore minutieusement le golfe du Saint-Laurent à partir du 10 juin.

  • Le lundi 6 juillet, Jacques Cartier et son équipage entrent en contact avec les premiers Amérindiens de la Nation Mi’kmaq, au large de la baie des Chaleurs. Les jours suivants, la confiance s'installe entre les marins et les autochtones, avec échanges de colifichets, couteaux, tissus… contre des peaux d'animaux.
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    Jacques Cartier plante une croix dans le sol
    de la péninsule de Gaspé et prend possession du territoire
    au nom du Roi de France, François Ier.

    © Fondation Historica
  • Le vendredi 24 juillet, il met pied à terre à Gaspé (habitée depuis des millénaires par les Amérindiens), où il plante une gigantesque croix, mesurant neuf mètres de haut, ornée de trois fleurs de lys et d'un écriteau portant l'inscription: «Vive le roi de France», revendiquant ainsi la région pour le Roi de France. «Après qu'elle fut élevée en l'air [lit-on dans le récit du premier voyage de Cartier], nous nous mîmes tous à genoux, les mains jointes, en adorant celle-ci. Les autochtones ne se rendent pas compte qu'ils viennent d'assister à une prise officielle de leur territoire au nom du roi de France. Ils ignorent que, pour les Européens, toute portion de terre qui n'appartient pas à un souverain chrétien peut devenir leur possession par ce simple geste.»
  • A Gaspé, la troupe des Français rencontre des Iroquoiens du Saint-Laurent, venus pour la pêche, qui les accueillent sans grand plaisir. Le chef amérindien, Donnacona, après protestations, finit par permettre à Cartier d'amener deux de ses «fils» en France.
  • Cartier fait ensuite une lourde erreur d’observation en quittant Gaspé. En repartant de Gaspé, il croit que le détroit qui sépare la péninsule de Gaspésie de l'île d'Anticosti de est une baie. Il ne l’explore pas et rate donc la découverte du fleuve Saint-Laurent.
  • La rentrée à Saint-Malo se fait le 15 septembre après une autre courte traversée de l’Atlantique de 21 jours.
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Le premier voyage de Jacques Cartier (1534)

B.2) Le deuxième voyage (1535-1536)

Le deuxième voyage a lieu en 1535–1536 et débute le 19 mai 1535. Cette expédition, pour laquelle quinze mois de vivre ont été prévus, compte trois navires. Une fois sur place, Cartier utilise les connaissances des deux «fils» du chef Donnacona, Taignoagny et Domagaya, qui parlent maintenant français, pour explorer la zone qu’il avait ratée l’année précédente. L’eau devenant douce, il se rend compte qu’il est dans l’embouchure d’un fleuve. Il va le baptiser «Saint-Laurent» (le nom est celui du saint fêté le 10 août, jour où Cartier fait relâche dans une petite baie).

Il remonte le fleuve et atteint l'île d'Orléans, le 7 septembre, située près de Stadacona, où il retrouve le chef Donnacona qui essaie de les dissuader de remonter le fleuve, car il veut s'assurer du monopole du commerce. Il continue à remonter le fleuve avec une partie des hommes, tandis que l’autre partie reste sur place pour construire un fortin, et préparer le premier hivernage connu de Français au Canada.

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Le deuxième voyage de Jacques Cartier (1535-1536)
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Cartier visitant le village de Hochelaga le 3 octobre 1535
© Aquarelle de Lawrence R. Batchelor (vers 1933)

Le 2 octobre 1535, Jacques Cartier et ses compagnons arrivent – en barques, le bateau étant trop large - dans la région du village iroquoien nommé Hochelaga. Après une marche d’environ 8 km sur un chemin aménagé, ils aperçoivent une bourgade «palissadée de troncs d'arbres, sur une colline et entourée de terres cultivées, pleines de maïs». Ils baptisent ce lieu «Mont Royal». Il s’agit de la ville qui est aujourd'hui nommée Montréal. Le chef du village affirme que l'on peut continuer à remonter le fleuve puis pénétrer dans un pays où l'on trouve de l'or…

Après cette visite d'un jour, les Français rebroussent chemin et retournent à Stadacona afin d'hiverner. Cet hiver fut désastreux, car le scorbut (une maladie causée par une alimentation déficiente en vitamine C) frappe, et beaucoup de membres de l'équipage en meurent avant que Cartier ne se résolve à accepter le secours des Amérindiens qui se soignent de cette maladie grâce à des infusions riches en vitamine C, à base d'écorce de cèdre blanc. Les rapports avec les Iroquoiens du Saint-Laurent sont bons, malgré quelques disputes sans gravité, qui ne dégénèrent jamais en violence.

En avril 1536, profitant du dégel, Cartier met le cap sur la France, abandonnant un des trois bateaux «faute d’un équipage assez nombreux». Donnacona (qui mourra trois ans plus tard sans avoir revu son pays) est emmené de force avec ses deux « fils » et sept autres Iroquoiens, pour les présenter à François Ier. Au cours de son voyage de retour, Jacques Cartier contourne Terre-Neuve, prouvant ainsi qu’il s’agit d’une île et, après un passage par Saint-Pierre-et-Miquelon, il arrive à Saint-Malo en juillet, en croyant toujours avoir exploré une partie de la côte orientale de l'Asie.

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Rencontre entre le chef Donnacona et l’explorateur français Jacques Cartier à Hichelaga (1534).

Le roi de France, alléché par les récits du chef indien Donnacona qui, comprenant bien ce que cherchent les Français, leur fait la description de ce qu’ils veulent entendre en leur parlant des richesses du royaume de Saguenay, engage Jacques Cartier à entreprendre un troisième voyage, dans le but de rapporter de l’or, des pierres précieuses et des épices, mais aussi pour implanter une colonie, et propager le catholicisme.

B.3) Le troisième voyage (1541-1542)

L'organisation de l'expédition est confiée à un seigneur de la cour, Jean-François de La Rocque de Roberval qui est nommé lieutenant-général de la «Nouvelle-France», la future nouvelle colonie… Jacques Cartier, qui n’appartient pas à la cour, ne sera, cette fois, que le second de Roberval. L'expédition comprend cette fois cinq navires, embarque du bétail, libère des prisonniers, mais pour en faire des colons. Roberval prend du retard dans l'organisation et Cartier, qui ne goûte probablement pas le rôle de second qu’on lui impose, s'impatiente puis décide de prendre la mer sans l'attendre. Après une traversée difficile, il arrive à Stadacona en août 1541. Après trois ans d’absence, les retrouvailles sont plutôt chaleureuses avec les autochtones, malgré l'annonce du décès de Donnacona, mais, les rapports se dégradent rapidement. Par conséquent, Cartier décide d’aller s'installer ailleurs. Il fait édifier, au confluent du Saint-Laurent et de la rivière du Cap-Rouge, le premier établissement français en sol américain qu'il nomme Charlesbourg-Royal. Bientôt, l'hiver arrive et Roberval, avec le reste de l'expédition, est toujours invisible. En attendant, Cartier négocie avec les Iroquoiens du Saint-Laurent «l'or et les diamants», qu'ils disent avoir ramassés près du camp. En 1542, alors qu’il est toujours sans nouvelles de Roberval, Cartier décide de lever le camp. En chemin, il croise Roberval à Terre-Neuve, qui arrive enfin pour prendre le commandement de la colonie et qui lui ordonne de retourner dans le Saint-Laurent, mais Cartier refuse et met le cap vers la France. Arrivé en France, une amère déception l'attend, car son or n'est que de la pyrite de fer, communément appelé l'or des fous, tandis que ses diamants se révèlent être des cristaux de quartz.

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Le troisième voyage de Jacques Cartier (1541-1542)

Le Canada devient, en France, synonyme de sottise et une maxime se met bien vite à circuler: «faux comme un diamant du Canada». Quant à Roberval, il arrive à Charlesbourg-Royal l’année suivante, qu'il renomme France-Roy. Il part à la recherche du merveilleux royaume décrit par Donnacona et ses «fils» à François Ier. Il espère également découvrir un passage vers le nord-ouest jusqu’à la mer pour rejoindre les Indes, mais cette exploration demeure vaine. Après avoir passé, lui aussi, un hiver bien pénible, puisque les nouveaux colons sont décimés par le scorbut, il rentre en France ruiné et la colonisation est temporairement abandonnée. Cette expérience est donc la première tentative d'implantation française dans la vallée du Saint-Laurent.

Par ailleurs, si Jacques Cartier n’est pas, au sens strict du terme, le découvreur du Canada actuel puisqu'il n'a pas parcouru le Nouveau-Brunswick, ni la Nouvelle-Écosse, ni l'île du Prince-Édouard, il est le découvreur de la vallée du Saint-Laurent. C’est également lui qui donne le nom de Canada, car, en entendant le mot iroquois kana-ta que les deux autochtones énoncent en revoyant leur village, Cartier croit que le terme désigne le pays tout entier.