3.
Une aventure
humaine

 4.2.
XVème et XVIème siècles
Colonies de pêche
européennes

 4.3.
1608-1763: domination
2. 1663-1763: colonie royale
D) Les français veulent
la Baie d'Hudson

 4.3.
1608-1763: domination
2. 1663-1763: colonie royale
F) Création de la
«Cie de la Baie du Nord»

 4.4.
1763-1867: domination
Domination de l'Empire
britannique

 

 

E) 1679-1682: découvertes de René-Robert Cavelier de La Salle

E.1) Première expédition : 1669-1670

Au mois de juillet 1669, René-Robert Cavelier de La Salle est prêt à partir à la recherche l’Océan Pacifique qu’il espère atteindre par la rivière Ohio. Dans son enthousiasme, celui qui ne veut «laisser à personne d’autre l’honneur de trouver le chemin de la mer du Sud et par elle celui de la Chine», a vendu sa terre pour acheter 5 canots de traite et embaucher 14 hommes. L’exploration intéressant aussi l’Église catholique – en vue d’évangéliser les populations rencontrées – le sulpicien François Dollier de Casson l’accompagne avec trois canots, sept engagés et un précieux compagnon, l’abbé René de Bréhan de Galinée chargé de dresser les cartes des découvertes.

Les compagnons de La Salle ne tardent pas à constater que leur chef est incompétent. Il ne parle ni l’algonquin ni l’iroquois et, selon Bréhan de Galinée, il «s’est engagé dans ce voyage presque sur un coup de tête, sans savoir quasi où il allait.»

Au mois de septembre 1669, le groupe atteint la rive nord du lac Érié. Le 1er novembre 1669, prétextant son mauvais état de santé, La Salle annonce qu’il retourne à Ville-Marie. Pourtant, en réalité, si plusieurs de ses hommes retournèrent à Ville-Marie, La Salle, lui, continua de voyager. En quelles régions ? Voilà la question qui a fait couler beaucoup d’encre et qui n’est pas la moins confuse de toute l’historiographie du Canada. On a prétendu qu’en 1669–1670, La Salle avait exploré l’Ohio (trajet rouge sur la carte). En tout cas, on sait très peu de choses certaines sur les déplacements de La Salle à l’époque qui nous occupe (octobre 1669 à août 1670. Quoi qu’il en soit, il est indubitable que La Salle réapparut à Québec le 18 août 1670. Il prétendra plus tard avoir découvert le Mississippi et devancé les Jolliet et Marquette…

E.2) Deuxième expédition : 1679-1682

Après un séjour d’un an en France, La Salle est de retour en Nouvelle-France le 15 septembre 1678, avec une trentaine d’hommes inexpérimentés, dont Louis Hennepin qui sera le premier à décrire et à dessiner les chutes du Niagara. À cet endroit, pendant que certains construisent les murs du fort Niagara, d’autres construisent un navire, le Griffon. Le 7 août 1679, le navire s’éloigne de Niagara en direction du Fort Michillimakinac où il s’arrête, 20 jours plus tard. Après avoir fait voile vers la baie des Puants (Green Bay), La Salle renvoie le Griffon à Fort Niagara et poursuit, en canot, l’exploration du lac Michigan.

Le 1er novembre 1679, La Salle fonde un fort à l’embouchure du Saint-Joseph, aujourd’hui fleuve Michigan, et attend le retour d’une équipe menée par Tonti, qui a traversé la péninsule à pied. Tonti arrive le 20 novembre, et le 3 décembre l’équipage entier remonte le Saint-Joseph, jusqu’à atteindre un port sur la rivière Kankakee. Ils suivent le Kankakee jusqu’au fleuve Illinois, où ils établissent, à partir du 15 janvier 1680, le fort Crèvecœur près de l’actuelle Peoria.

La Salle décide alors de se rendre à pied jusqu'au fort Niagara avec trois hommes. Lorsqu'il finit par y arriver, il découvre le fort brûlé et apprend la perte d'un navire qui pourrait être Le Griffon. Il repart et atteint finalement le fort Frontenac le 6 mai : « Après un voyage de près de cinq cents lieues et le plus pénible que jamais aucun Français ait entrepris dans l’Amérique. » Pendant ce temps, Louis Hennepin suit l’Illinois jusqu’à sa jonction avec le Mississippi, mais est capturé lors d’une guerre entre Sioux et transporté au Minnesota. Pendant l’absence de La Salle, les soldats du fort Crèvecœur se mutinent et bannissent Tonti, que La Salle avait laissé à la direction du fort. La Salle capturera les mutins sur le lac Ontario et retrouvera par la suite Tonti en mai 1681 à Michilimackinac, aujourd'hui appelée Mackinaw.

En décembre 1681, La Salle rassemble ensuite son équipage pour une nouvelle expédition. Laissant, en janvier 1682, le fort Crèvecœur avec vingt-trois Français et dix-huit Amérindiens, il atteint le confluent du Mississippi le 6 février 1682. Le 6 avril, le delta du Mississippi est en vue. Le 9 avril, l’explorateur revêt un manteau écarlate galonné d’or et fait dresser une croix sous laquelle est enterrée une plaque portant l’inscription suivante: «Au nom de Louis XIV, roi de France et de Navarre, le 9 avril 1682. » Le procès-verbal de la cérémonie témoigne des paroles prononcées par celui qui venait d’étendre la Nouvelle-France jusqu’aux confins de l’empire d’Espagne: il revendique toute la région au nom du Roi de France, Louis XIV. Il lui donne le nom de «Louisiane» en l’honneur du roi.

« Je, René-Robert Cavelier de La Salle, en vertu de la commission de Sa Majesté que je tiens en mains, prêt à la faire voir à qui il pourrait appartenir, ai pris et prends possession, au nom de Sa Majesté et de ses successeurs de sa couronne, de ce pays de la Louisiane, mers, havres, ports, baies, détroits adjacents et de toutes les nations, peuples, provinces, villes, bourgs, villages, mines, minières, pèches, fleuves, rivières compris dans l’étendue de ladite Louisiane. »

En 1683, sur son voyage de retour, il établit un nouveau fort (Saint-Louis) à la « roche affamée » sur le fleuve Illinois, pour remplacer le fort Crèvecœur. Tonti dirige le fort tandis que La Salle retourne une fois de plus en France afin de réunir des moyens pour une nouvelle expédition, dans le but d'installer un comptoir en Louisiane, à l'embouchure du Mississippi pour faciliter la conquête du Mexique.

E.2) Troisième expédition: 1684-1687

Image From René-Robert Cavelier de La Salle - Wikiwand

La Salle va donc vendre au roi son projet d’établissement en Louisiane en présentant l'établissement qu’il veut fonder comme la meilleure base pour l’invasion des colonies espagnoles. Pour ce faire, il ira même jusqu'à falsifier la géographie du Mississippi et à présenter à la cour un projet mensonger. Louis XIV, à qui l'Espagne vient de déclarer la guerre en octobre 1683, lui apporte finalement son soutien en avril 1684.

Si ce mandat royal est le moyen pour un La Salle couvert de dettes de faire financer son expédition, la motivation réelle de l'explorateur est sa soif de richesse et de grandeur. La Salle quitte donc le port de La Rochelle le 24 juillet 1684 avec le titre de gouverneur de la Louisiane et à la tête d’une expédition composée de quatre bateaux et près de 300 personnes parmi lesquels des soldats, des artisans, six missionnaires, huit commerçants, et plus d'une douzaine de femmes et d'enfants. Louis XIV lui a accordé le navire de guerre le Joly et une longue barque — sorte de corvette ou de petite frégate — La Belle. La Salle doit cependant louer, pour apporter les vivres et les fournitures de l’expédition deux autres navires : la frégate L'Aimable et le ketch Le Saint-François. Le navire principal, le Joly, est surchargé, par la faute de La Salle : « le Joly qui était conçu pour un équipage de 125 personnes en avait 240 à son bord, sans parler des marchandises de l’entrepont, qui « occupoient les postes des soldats et matelots », les obligeant à « passer tout le voyage sur le pont d’en haut, le jour au soleil et la nuit à la pluye. » »

Thumb image Expédition de Robert Cavelier de La Salle à la Louisiane en 1684, peint en 1844 par Théodore Gudin. La Belle est sur la gauche, Le Joly au centre et L'Aimable est échoué à droite.

Au fil de la traversée, les choses n'allèrent pas en s'améliorant : « l’encombrement extraordinaire du Joly, la chaleur, la lenteur de la navigation et le manque d’eau potable ne tardèrent pas à produire leur effet. Une cinquantaine de personnes, La Salle compris, tombèrent malades. On décida donc, le 18, de se hâter vers Saint-Domingue. Pourtant, au lieu de s’arrêter à Port-de-Paix comme convenu, Beaujeu [le commandant du Joly], croyant peut-être pouvoir profiter d’un bon vent, cingla vers le Petit-Goave (aujourd’hui en Haïti) qu’il n’atteignit, hélas ! que dix jours plus tard. Peu après avoir touché terre, le découvreur fut pris d’un violent accès de fièvre et délira durant sept jours. »

L’expédition sera malmenée par des attaques de pirates, et accumulera les erreurs de navigation. Le Saint-François tombe aux mains de corsaires espagnols aux Indes occidentales, au large d'Hispaniola. Le 25 novembre, les trois navires restants quittent le Petit-Goave (aujourd’hui en Haïti). Ils accostent finalement sur la côte du golfe du Mexique. Mais La Salle ne reconnaît pas l’endroit où il se trouve. La navigation de l'époque est imprécise et si la détermination de la latitude est à peu près correcte, celle de la longitude, en l'absence de chronomètres précis qui n'apparaîtront qu'au XVIIIe siècle, est très déficiente. L'explorateur, qui était à l'ouest de l'embouchure du Mississippi, croit qu'il avait dérivé vers l'est.

Mettant le cap à l'ouest, longeant la côte, la flottille arrive près de la baie de Matagorda au Texas. La Salle décide d'y faire relâche. « Puis on passa plusieurs jours à chasser et à explorer le littoral, sans pouvoir acquérir de certitude sur l’endroit exact où l’on avait abordé. Perplexe, La Salle tenta pourtant de se faire croire qu’il était parvenu à l’embouchure d’une des descharges du Mississipi. »

Lors de la manœuvre pour entrer dans cette baie L'Aimable s'échoue sur un banc de sable, et coule. La quasi-totalité de sa cargaison est perdue. Le commandant Tanguy Le Gallois de Beaujeu, capitaine de la marine royale commandant le Joly, dont la mésentente avec La Salle fut patente tout au long de l'expédition, décide de rentrer en France. Il fait débarquer le chargement du Joly et retourne en Europe en mars 1685 avec à son bord du personnel qui fait défection. À son arrivée en France, il prédit l’échec fatal et suicidaire de l’expédition de La Salle. Celle-ci ne compte alors plus qu’un navire, La Belle, et 180 personnes sur les 300 embarqués à La Rochelle quelques mois plus tôt.

Les membres restants de l'expédition sont finalement contraints d'établir un fort — le fort Saint-Louis — près de Victoria au Texas. De là, La Salle mène avec opiniâtreté des recherches vers l’est pour essayer de retrouver le Mississippi. Malheureusement pour lui, il est à plus de 600 km du fleuve. Et ses tentatives infructueuses se heurtent surtout à des Amérindiens hostiles, aux désertions, à la malnutrition, et aux morts accidentelles. En février 1686, son dernier navire, La Belle, s'échoue dans la baie de Matagorda, en raison de l'ivresse du pilote. Après deux années longues et difficiles qui voient la colonie de 180 âmes réduite à 40 personnes, dont 7 enfants, La Salle décide de tenter le destin. Il quitte le campement en direction des Illinois, accompagné de 16 hommes, parmi eux son frère aîné Jean Cavelier, prêtre de son état, Colin Crevel de Moranger, le neveu de La Salle, et Henri Joutel, son homme de confiance. Mais des hommes se mutinent et La Salle est assassiné le 19 mars 1687, près de Navasota.

Les derniers membres de la colonie survivent jusqu’en 1688, quand les Amérindiens de Karankawa massacrent les 20 adultes restants et prennent cinq enfants comme captifs. Henri Joutel, ayant survécu à la mutinerie qui coûta la vie à La Salle, poursuit la route accompagné de Jean Cavelier et de 5 autres hommes jusqu'au fort Michillimakinac, où ils sont accueillis par Lahontan le 6 mai 1688, puis jusqu'à Québec, où la majeure partie d'entre eux s’arrête. Quand il apprend le destin de l’expédition, Tonti envoie des missions de recherche en 1689, mais aucun survivant n'est retrouvé.