4.
1866 - «The Black Crook», première création américaine

 5.14.
Cole Porter (I)

 5.15.2.
Rodgers & Hart
Premiers pas
dans le monde pro

 5.15.4.
Rodgers & Hart
Dernière chance
«The Garrick Gaieties»

 5.16.
Noël Coward

 6.
1927 - «Show Boat»

A) 1920-1925 9 spectacles amateurs

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You'll never know (1921)
Revue estudiantine
de l'Université de Columbia

Un peu dur pour deux jeunes qui débutent... N'oublions jamais que Rodgers et Hart ont participé à Poor Little Ritz Girl () alors qu'ils étaient respectivement âgés de 18 et 25 ans!!!

Ils ne seront pas rancuniers, car Lew Fields produira encore cinq musicals de Rodgers et Hart dans les années qui suivent. Il croyait vraiment en eux... Réaliste, Rodgers s'est inscrit à l'Institute of Musical Art (aujourd'hui la Juilliard School of Music), pour parfaire sa formation.

Quoi qu'il en soit, ils vont créer 9 musicals amateur:

  1. 02/1921: Say Mama! () - le spectacle de 1921 pour l’Akron Club.
  2. 04/1921:You ‘ll Never Know () - le Varsity Show de 1921
  3. 06/1921: Say It with Jazz () - le spectacle de fin d'année de l'Institute of Musical Art, à la fin de la première année d'étude de Rodgers
  4. 05/1922: The Chinese Lantern () - le spectacle de fin d'année de la Benjamin School for Girls
  5. 06/1922: Jazz à la Carte () - le spectacle de fin d'année de l'Institute of Musical Art, à la fin de la deuxième année d'étude de Rodgers
  6. 03/1923: If I Were King () - le spectacle de fin d'année de la Benjamin School for Girls
  7. 05/1923: A Danish Yankee at King Tut’s Court () - le spectacle de fin d'année de l'Institute of Musical Art, à la fin de la troisième année d'étude de Rodgers
  8. 03/1924: Temple Bells - un spectacle joué à la Park Avenue Synagogue
  9. 03/1924: The Prisoner of Zenda () - le spectacle de fin d'année de la Benjamin School for Girls
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B) Une vraie trahison...

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Herbert Fields, Richard Rodgers et Lorenz Hart
© Billy Rose Theatre Division, The New York Public Library.
https://digitalcollections.nypl.org/items/510d47dc-375f-a3d9-e040-e00a18064a99

Alors que la route vers le professionnalisme et Broadway semblait de plus en plus dans une impasse, Rodgers, Hart et Fields commençaient à perdre espoir. Depuis longtemps, par intermittence, ils avaient travaillé sur un spectacle portant le titre provisoire de Winkle Town, dans laquelle un homme invente un système électronique qui rend les fils électriques obsolètes et tente de vendre cette idée aux responsables de la ville. Ils avaient écrit une douzaine de chansons, ont tout mis ensemble, puis sont arrivés à la conclusion que le livret de Fields ne fonctionnait pas aussi bien qu’ils l’espéraient. Prenant leur courage à deux mains, ils ont décidé de demander de l’aide à leur vieil ami Oscar Hammerstein II.

Même s’il n’avait pas trente ans, Hammerstein avait déjà une certaine renommée. Ses plus récents musicals furent tous deux des succès: Wildflower () (7 fév 1923 > 29 mars 1924 – 477 représ.) et Mary Jane McKane () (25 déc. 1923 > 3 mai 1924 – 151 représ.). Il allait enchaîner avec deux pièces qui furent des flops: Gypsy Jim (14 janv. > fév. 1924 – 48 représ.) et New Toys (18 fév. > mars 1924 – 24 représ.). Et il travaillait déjà sur le musical suivant, Rose-Marie (), qui serait un triomphe (557 représentations).

Hammerstein a lu le scénario de Winkle Town et l’a tellement aimé qu’il a accepté de rejoindre l’équipe, comme simple «collaborateur». Mais vu son emploi du temps surchargé, il s’est avéré incapable de se consacrer sérieusement au projet, et donc de corriger toutes les lacunes du livret. Au même moment, Rodgers et Hart ont eu la chance de présenter leur projet à un jeune producteur, Laurence Schwab, dont la première production avait été le musical The Gingham Girl () (28 août 1922 > 2 juin 1923 – 322 représ.).

La réponse de Schwab fut directe: il aimait les chansons, mais détestait le livret. Ils décidèrent d’abandonner le projet. Mais Rodgers va avoir une idée… Schwab n’aimait pas le livret, mais bien les chansons. Pourquoi ne pas lui proposer d’utiliser les chansons de Winkle Town dans un futur musical, par exemple dans celui qu’il écrivait avec Frank Mandel et pour lequel il n’avait pas encore ni compositeur ni parolier…

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Max Dreyfus

Schwab a trouvé l’idée judicieuse, mais a tout de suite mis un bémol, car il ne se considérait pas comme un expert en musique. Il y a une différence à dire à des jeunes «J’aime tes chansons» et les utiliser dans un musical que l’on produit soi-même. Le niveau d’exigence est différent. Schwab a demandé à Rodgers s’il accepterait de jouer les chansons pour un de ses amis, Max Dreyfus, un des responsables de la maison de disque T.B. Harms. Rodgers accepta, ne disant pas à Schwab qu’il avait auditionné des années plus tôt pour le frère de Max Dreyfus, Louis Dreyfus, qui l’avait écouté poliment avant de lui conseiller de retourner au lycée et de se concentrer sur la fin de ses études!

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The Best of Vincent Youmans
montrant le jeune Vincent Youmans

Max Dreyfus, géant de l’industrie de la musique, était un petit homme réservé de cinquante ans. Né en Allemagne, Dreyfus avait été trompettiste sur un bateau du Mississippi, chanteur, pianiste de démonstration, arrangeur et compositeur. Il s’était associé à Harms en 1901 et sa première découverte importante a été Jerome Kern, 19 ans, en 1905. Rencontrer Max Dreyfus était donc une vraie opportunité.

Ayant obtenu un rendez-vous, Rodgers et Schwab se sont rendu dans les bureaux de T.B. Harms. Max Dreyfus a écouté les yeux à moitié fermés pendant que Rodgers jouait les douze chansons de la partition. À la fin, il s’adressa à Schwab: «Il n’y a rien de valable dans tout ça». Il parlait comme si Rodgers n’était pas dans la salle! «Je n’entends aucune musique et je pense que vous feriez une grosse erreur. Vous savez, nous avons ici un jeune homme sous contrat qui serait parfait pour remplir ce rôle. Il s’appelle Vincent Youmans

Rodgers fut anéanti par le dur jugement de Dreyfus. Il s’en souvient ainsi:

«J’étais tellement stupéfait que je ne pouvais pas dire un mot. Mon cœur a commencé à battre violemment et j’ai senti le sang couler sur mon visage. Rien de valeur? Il n’entendait pas de musique? Oscar Hammerstein avait tellement aimé à la musique qu’il s’était joint à nous pour écrire le spectacle. Avant que nous rencontrions Dreyfus, Schwab lui-même avait été impressionné. Maintenant, soudainement, avec deux phrases, le verdict était rendu que je n’avais aucun talent.
Je pouvais comprendre que Dreyfus aime certaines chansons mieux que d’autres; je pouvais même comprendre qu’il déteste certaines chansons. Mais il n’aimait rien — pas même la chanson qui avait toujours obtenu une réaction positive, peu importe sur qui nous l’avions essayée.»

Richard Rodgers

 

Et il a encore moins apprécié que Laurence Schwab suive le conseil de Max Dreyfus et engage Vincent Youmans. Le musical, avec une musique de George Gershwin, sera Sweet Little Devil () (21 janv. > 3 mai 1924 – 120 représ.).

Premier Enregistrement mondial réalisé en studio en 2012

C) 1924 Et si on se limitait au théâtre? Le flop «The Melody Man»...

Mais que faire? Rodgers et Hart n’avaient encore écrit que des spectacles amateurs, une chanson dans un musical à succès – A Lonely Romeo () – et un spectacle professionnel – Poor Little Ritz Girl () – qui fut un flop. Il était peut-être temps d’abandonner le rêve de devenir créateurs de musicals…

Avant de se résoudre à une telle extrémité, ils se dirent qu’il fallait peut-être essayer quelque chose de plus facile: écrire une pièce de théâtre plutôt qu’un musical. Écrire une pièce dans laquelle Herbert Fields jouerait, un rôle taillé sur mesure pour lui. Rodgers et Hart ont discuté de quelques idées avec lui et ils se sont souvenus d’une pièce de David Belasco de 1904, The Music Master (26 spt. 1904 > sept. 1906 – 627 représ.) qui avait tenu l’affiche 627 représentations à une époque où une centaine était considérée comme un succès.

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Betty Weston (Elsa Henkel), Lew Fields (Franz Henkel)
et Donald Gallaher (Al Tyler) dans «The Melody Man»
© Billy Rose Theatre Division, The New York Public Library.
https://digitalcollections.nypl.org/items/7f5cdb57-02ef-1aff-e040-e00a18063c30

Cette pièce a nourri le trio Rodgers/Hart/Fields et ils ont écrit une satire sur Tin Pan Alley – le quartier des maisons de disque de la fin du XIXème siècle jusqu'au milieu du XXème siècle – appelée The Jazz King (). Ils espéraient que le père de Herb, le célèbre Lew Fields, jouerait le rôle de Franz Henkel, le compositeur sérieux qui est perplexe et blessé lorsque son ambitieuse Sonate de Dresde est remaniée comme un succès pop; mais lorsque sa fille épouse un éditeur de jazz, le père est enfin libre de se consacrer au genre de musique qu’il aime.

Pour leur plus grand plaisir, Lew Fields a non seulement aimé la pièce, mais a décidé de la mettre en production. La paternité de la pièce — et les deux chansons parodiques de Tin Pan Alley — a été attribuée à «Herbert Richard Lorenz», un pseudonyme qui semble n’avoir réussi à tromper presque personne. Il s’agit donc bien d’une pièce avec des chansons et pas d’un musical.

La pièce a ouvert en Try-Out à Bethlehem en Pennsylvanie le 24 mars 1924. Puis à Harrisburg, Johnstown, Wheeling, Toledo, Detroit, Cleveland, Chicago et Brooklyn au cours des deux mois et demi qui suivirent.

Premier Try-Out le lundi 24 mars 1924? La semaine précédente n’avait pas été calme:

  • Le jeudi 20 mars 1924, le divertissement de Rodgers et Hart, Temple Bells, avait été présenté pour la fête de Pourim à la Synagogue de Park Avenue; il contenait quatre chansons, aucune d’entre elles nouvelle.
  • Le dimanche 23 mars 1924, Rodgers et Fields ont présenté leur adaptation en musical du roman d’Anthony Hope, The Prisoner of Zenda, avec Dorothy Fields dans le double rôle de Rudolf Rassendyll et du Roi Rudolph V de Ruritanie; Larry Hart n’a pas participé à la production; toutes les paroles ont été écrites par Fields.
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Programme de «The Melody Man» daté du 2 juin 1924
au 49th Street Theatre
© Billy Rose Theatre Division, The New York Public Library.
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Revenons aux Try-Out de The Jazz King (), maintenant connu sous le nom de Henky (), au La Salle Theatre de Chicago. À moins d’un mois de leur arrivée prévue à Broadway, Lew Fields a découvert qu’il n’avaient pas assez d’argent pour amener le spectacle à New York. Les trois garçons étaient incapables d’aider; pendant les réécritures, Hart était tellement serré financièrement qu’il a dû vendre son épingle de cravate pour 7$. Ils ont obtenu les 1.000$ nécessaires, car Rodgers a réussi à faire croire à Billy Rose – un jeune producteur de 25 ans ayant eu quelques succès – que le spectacle triomphait en Try-Out à Chicago!

À nouveau rebaptisé, le spectacle a ouvert le 13 mai au Ritz Theatre de New York sous le nom de The Melody Man () avec Lew Fields dans le rôle de Franz Henkel et Fred Bickel (plus tard appelé Fredric March) dans celui de Donald Clemens. Il ne comportait que deux chansons, Moonlight Mama et I’d Like To Poison Ivy (Because She Poisons Me), toutes deux volontairement horribles – le scénario le voulait ainsi.

Les critiques furent mitigées, vantant souvent le travail d’acteur de Lew Fields. Mais le langage au vitriol de George Jean Nathan mit fin à la carrière naissante du concept «Herbert Richard Lorenz»:

«L’intrigue ne suffit pas seulement à ruiner la pièce; elle suffirait — et je pense pouvoir le dire sans crainte de contradiction — à ruiner même Hamlet.»

George Jean Nathan

 

La pièce fut un flop et ferma après 80 représentations. Même le théâtre, cela ne marchait pas!

D) La traversée du vide

Après l’échec de leur pièce de théâtre The Melody Man (), ils vont passer d’une traversée du désert à une traversée du vide. Richard Rodgers a maintenant 23 ans et vit toujours chez ses parents, ce qui est une exception pour l’époque. Il est très clair quant à son état:

«L’hiver 1924-1925 a été la période la plus misérable de ma vie. Peu importe ce que j’ai fait ou où je me suis tourné, je n’allais nulle part. Chaque matin, je me levais, j’emmenais mes chansons chez un producteur ou un éditeur que je pensais intéressé, je les auditionnais — ou, plus probablement, on me disait de revenir un autre jour — et je rentrais chez moi. Cela s’est produit jour après jour.»

Richard Rodgers


Après les coups de matraque qu’il avait pris avec The Melody Man (), Lew Fields n'a plus voulu nous voir. Larry Schwab n’a jamais répondu à mon appel. Russell Janney était occupé avec sa production du Vagabond King (. Je ne pouvais pas aller au-delà des bureaux de réception des bureaux de Shubert et de Dillingham. Et je n’étais certainement pas sur le point d’approcher Max Dreyfus à nouveau.

Rodgers avait d’autant plus difficile à supporter cette situation que Broadway débordait d’activité. Cette saison-là, Rudolf Friml (46 ans) avait composé Rose-Marie () et Sigmund Romberg (38 ans), The Student Prince (). Il y avait aussi la quatrième Music Box Revue () d’Irving Berlin (37 ans), et une autre spectaculaire Ziegfeld Follies () (Ziegfeld avait 58 ans). Mais pire encore, les jeunes compositeur de sa tranche d’âge, George Gershwin (27 ans) et Vincent Youmans (27 ans) avaient accompli des choses encore plus grandes. Cet hiver-là, le 1er décembre 1924, Gershwin a créé l’un de ses plus grands succès, Lady, Be Good! (), mettant en vedette rien de moins que Fred et Adele Astaire. En Try-Out à Chicago, le No, No, Nanette () de Vincent Youmans a été acclamé pendant 49 semaines (!) avant même son ouverture à New York en septembre 1925.

Rodgers avait confiance en ses capacités mais ne comprenait pas pourquoi, dans une saison qui pouvait offrir plus de 40 productions musicales, tout le monde avait réussi à obtenir un spectacle sur les planches sauf Fields, Rodgers et Hart.

Rodgers a eu cet hiver-là de graves insomnies, torturé par le sentiment qu’il pouvait être à 23 ans à la fin de sa carrière. Tout semblait s’effondrer et il fallait songer à se réorienter. Que faire maintenant? Voici ses questionnements:

«Devenir directeur musical avait un certain attrait puisque j’aimais diriger un orchestre, mais l’idée de passer ma vie avec la musique des autres m’a rebuté. Je savais que je ne pourrais jamais jouer assez bien pour devenir pianiste professionnel. Qu’en est-il de l’enseignement? La plupart des étudiants que j’avais connus à l’Institute of Musical Art étaient maintenant professeurs de musique, et d’après ce que j’ai entendu, c’était une vie satisfaisante. Mais quelle catégorie de musique est-ce que j’enseignerais? En savais-je assez sur une catégorie de musique pour l’enseigner? Étais-je qualifié pour faire autre chose que m’asseoir au piano et composer des mélodies?»

Richard Rodgers

 

En plus Rodgers se sentait responsable de l’autre membre du duo, Lorenz Hart, même si ce dernier est toujours resté optimiste. Sans parler du regard inquiet, et donc culpabilisant, de ses parents. Mais ses parents l’ont toujours soutenu.

Rodgers a compris qu’il devait chercher un emploi. Un de ses amis lui a parlé d’un certain M. Marvin, grossiste dans le secteur des sous-vêtements pour bébés. Ce monsieur était anxieux de prendre sa retraite et cherchait autour de quelqu’un qu’il pourrait former pour reprendre l’entreprise quand il prendrait sa retraite. C’était une entreprise pour un seul homme, Marvin faisant tout: les achats, la vente et était représentant sur la route. Sans en parler à Hart ou à ses parents, Rodgers a rencontré Mr. Marvin. Ils se sont entendus immédiatement et Mr. Marvin proposa à Rodgers un salaire de départ de 50$ par semaine, une somme fantastique aux yeux de Rodgers. Il avait jusqu’au lendemain matin pour se décider.

Et c’est là que la chance va tourner, enfin! Il est clair que l’on aurait moins parlé de Richard Rodgers s’il était devenu représentant en sous-vêtements pour bébés.

Ce soir-là, celui où il doit valider ou non la proposition de Mr. Marvin, au dîner, Rodgers a reçu un appel téléphonique de Benjamin Kaye, l’avocat de théâtre qui, en plus d’avoir écrit quelques pièces, avait collaboré avec Rodgers sur une chanson pour Up Stage and Down (). Ne lui ayant pas parlé depuis un certain temps, il fut surpris de cet appel. Au téléphone, Kaye lui a dit:

«Dick, certains des enfants de la Theatre Guild organisent un spectacle de bienfaisance. Je leur ai dit que vous seriez le bon gars pour écrire les chansons.»

Benjamin Kaye

 

Dans la situation dans laquelle il se trouvait, la seule chose que Rodgers a entendu dans ce message était «spectacle de bienfaisance». Dans son autobiographie, Rodgers rappelle le reste de la conversation:

Rodgers: Merci, Ben. Mais je suis déjà passé par là. Je ne vais plus faire de spectacles amateurs. J’en ai assez de perdre mon temps. Je les fais depuis plus de sept ans, et tout ce qu’ils m’ont jamais amené à faire, c’est une impasse. Bref, j’ai décidé de quitter le domaine de la musique. En fait, on vient de m’offrir un poste important au sein d’une entreprise.
Kaye: Très bien, Dick, si c’est ce que tu penses. Mais Terry Helburn et Lawrence Langner seront terriblement déçus.
Rodgers (avec une voix un octave plus haut, ayant réalisé): Terry Helburn et Lawrence Langner?
Kaye: Oui, Terry Helburn et Lawrence Langner. J’ai bien dit la Theatre Guild.
Rodgers: Alors, ce ne sera pas un spectacle amateur?
Kaye: Eh bien, pas exactement. Les enfants qui participent au spectacle sont pour la plupart des petits joueurs dans les productions de la Guild. Il y a environ un an, ils se sont réunis et ont organisé quelque chose appelé les Theatre Guild Junior Players, principalement pour faire des pièces expérimentales et les mettre au profit de la direction de la Guild. Terry et Lawrence ont été très encourageants, et maintenant le groupe veut faire quelque chose pour montrer sa reconnaissance. Après avoir lancé quelques idées, quelqu’un a eu l’idée de mettre sur une revue musicale pour recueillir des fonds pour acheter des tapisseries pour le nouveau Guild Theatre sur la 52ème rue. Ce sera une excellente occasion pour beaucoup d’enfants talentueux d’être remarqués par le public. Tu ne gagnera pas d’argent, mais puisque Terry et Lawrence ont donné leur bénédiction, la Guild elle-même prévoit de la parrainer.

 

La Theatre Guild () était devenue, sous la direction de Theresa Helburn et de Lawrence Langner, l’organisation de production la plus prestigieuse du pays. Ils avaient des abonnés à qui ils proposaient entre 5 et 10 spectacles par saisons dont des créations de Strindberg, Shaw et Ibsen.

Rodgers comprit ce qu’on lui proposait: participer au premier musical de la Theatre Guild — même si ce serait un spectacle de bienfaisance semi-amateur. Cela signifierait non seulement des théâtres jouant à guichets fermés – car la Theatre Guild ne jouait pas qu’à New York et faisait de très larges tournées – mais aussi un public qui inclurait certainement d’importants acteurs du théâtre ainsi que des critiques des plus grands journaux. Rodgers décida que ce serait son test final. Le lendemain matin, une chose était sûre: le commerce de sous-vêtements pour bébés allait devoir attendre.

Ici encore, en guise de clin d’œil, n’oublions pas que ce sera la Theatre Guild qui sera à la base du premier spectacle de Rodgers et Rodgers, le révolutionnaire Oklahoma! (). Et de Carousel (). Et d’Allegro (). Mais n’allons pas trop vite…