6.
1927 - Show Boat

 7.2.
Les Revues de
l'après Ziegfeld

 7.3.B.
Jerome Kern
(3/3)

 7.3.C.
Cole Porter
(2/6)

 7.4.
Le Royaume-Uni
Années '20 et '30

 8.
1943 Oklahoma!

C) Cole Porter (1/6)

Nous avions abandonné Cole Porter () avec son dernier musical des années ’20, Fifty Million Frenchmen (), un grand succès, même s’il avait ouvert quelques jours après le crash boursier.

Ses spectacles ont été des réussites pour les mêmes raisons que les films de Busby Berkeley ou Fred Astaire et Ginger Rogers; ils permettait aux gens d’échapper à leurs soucis et de s’évader pour quelques heures dans un endroit frivole. Cole Porter sera l’auteur-compositeur de Broadway le plus populaire des années ‘30, avec plus de succès que quiconque. Il a pu continuer à vivre dans un mode de vie somptueux, ce qui lui a permis d’aisément dépeindre sur scène un monde qui faisait rêver les spectateurs qui pour beaucoup luttaient dans les affres de la Dépression.

Porter passa les années ‘30 à faire la navette entre Hollywood, qui lui permettait un style de vie homosexuel décontracté et ouvert, et New York. Il a créé neuf spectacles à Broadway entre le krach de ’29 et la fin des années 1930, tous sauf un ont fait des profits. Presque tous ces spectacles ont aussi été produits à Londres, où Porter était immensément populaire.

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«The New Yorkers»
Broadway Theatre - 1930

C.1) The New Yorkers (1930)

Bizarrement, l’époque a proposé deux musicals intitulés The New Yorkers. Le premier était plutôt une revue qui a ouvert le 10 mars 1927 au Edyth Totten Theatre pour 52 représentations (et comprenait des chansons d’Arthur Schwartz), et la deuxième est le spectacle de Cole Porter, The New Yorkers (), qui est lui parfois considéré à tort comme une revue, alors que comme l’indique l’auteur, il s’agit de «A Sociological Musical Satire». Le livret – qui reste léger – se concentre sur Alice Wentworth (Hope Williams), une jeune fille de la société new-yorkaise, qui est fatiguée de sa vie sur Park Avenue, «où de mauvaises femmes promènent de bons chiens». Son médecin lui prescrit des pilules pour l’aider à dormir et, comme Best Plays l’a noté, «elle rêve durant deux actes à des folies» durant lesquelles elle vit une série d’aventures, très vaguement liées les unes aux autres – ce qui a fait penser à certains qu’il s’agissait d’une revue – à Manhattan et à Miami.

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«Sing, Sing for Sing Sing» - «The New Yorkers» - Broadway Theatre - 1930

Le spectacle était rempli de scène impromptues – des incidents qui arrivaient au personnage principal – et de performers (artistes qui viennent faire un numéro). Quelques critiques ont d’ailleurs estimé que cela a court-circuité certains personnages principaux, réduisant leur présence à une ou deux brèves apparitions au cours de la soirée. Mais tout le monde était content que Jimmy Durante – célèbre humoriste – soit présent tout au long de la soirée avec ses bouffonneries. Cinq de ses chansons ont été intégrées dans la partition: The Hot Patata, Money!, Wood!, Data et Sheiken Fool.

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La composition de Porter a produit un standard – repris plus tard par Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Miles Davis, Tony Bennett, Elvis Costello, Boney M., … – le controversé Love for Sale. Sinon, la partition offrait des numéros de premier ordre, mais généralement peu connus, en dehors des spécialistes de musicals. L’audacieux Love for Sale, où une prostituée fait la promotion de ses services, a été interdite à la radio. Elle était au départ chantée par Kathryn Crawford (une actrice blanche) et ses «trois amies» debout devant le Reuben’s Restaurant – un célèbre restaurant de sandwich new-yorkais dont chaque sandwich portait le nom d’une célébrité. Mais, vu la controverse, pendant la série de représentations, Kathryn Crawford a été remplacée par Elizabeth Welch (une afro-américaine) debout sur le trottoir devant le Cotton Club de Harlem.

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«Sing, Sing for Sing Sing» - «The New Yorkers» - Broadway Theatre - 1930

C.2) Gay Divorce (1932)

Le Gay Divorce () de Cole Porter a été présenté comme une «comédie musicale intime», mais c’était essentiellement une farce se déroulant dans un hôtel du bord de mer en Angleterre. Il n’y avait pas de grands numéros spectaculaires, la distribution ne comptait que 25 artistes (ce qui est peu à l’époque), la «courte» partition de Porter se limitait à dix chansons… Le spectacle mettait en vedette Fred Astaire dans son premier musical sans sa sœur Adele Astaire, qui s’était retirée de la scène après son mariage avec le fortuné Lord Charles Cavendish. En outre, Gay Divorce () sera le dernier musical de Broadway de Fred Astaire, parce qu’une fois que sa carrière hollywoodienne aura pris son envol, il ne reviendra jamais sur la scène de New York. Il faut aussi mentionner la présence de Luella Gear, Eric Blore et Erik Rhodes. La partition de Porter offrait l’un de ses standards les plus durables, la ballade éthérée Night and Day et d’autres chansons, dont celle d’Astaire et de Claire Luce, I’ve Got You on My Mind.

Avec 248 représentations, le spectacle est devenu le deuxième musical de la saison, avant d’être adapté au cinéma en un film à succès qui a mis en vedette Fred Astaire et Ginger Rogers dans leur deuxième film, avec Eric Blore et Erik Rhodes re-créant les rôles qu’ils avaient joués à Broadway.

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Fred Astaire et Claire Luce - «Gay Divorce»

Guy Holden (Fred Astaire), un écrivain américain en voyage en Angleterre, tombe follement amoureux d’une femme nommée Mimi (Claire Luce), qui disparaît après leur première rencontre. Pour lui permettre d’oublier cet amour manqué, son ami Teddy Egbert, un avocat britannique, l’emmène à Brighton, où Egbert s’est arrangé pour aider une de ses clientes à obtenir le divorce de son ennuyeux et vieillissant mari, le géologue Robert. Comment? En faisant qu’il la surprenne avec un amant… Egbert a donc payé un homme, Rudolfo Tonetti (Erik Rhodes), pour qu’il se fasse passer pour son amant. On va assister à un énorme quiproquo: le soir où tout doit se passer Mimi croit que Holden, qui accompagne son avocat Egbert, est la personne qui doit jouer le rôle de son amant. Holden n’ose la démentir car il a honte de sa propre activité, auteur de romans d’amour à bas prix… Lorsque le mari apparaît, il n’est pas convaincu par ce faux adultère mais le serveur (Eric Blore), involontairement, révèle que le mari n’est pas fidèle à sa femme, un vrai adultère cette fois... Mimi peut donc épouser Guy Holden!

Vu le succès à Broadway qui s’est prolongé jusqu’au 1er juillet 1933, le spectacle a ouvert dans le West End londonien au Palace Theatre le 2 novembre 1933 et a été présenté pour 180 représentations. Il a été mis en scène par Felix Edwardes mais toujours avec Fred Astaire, Claire Luce, Erik Rhodes et Eric Blore reprenant leurs rôles. Ils ont été rejoints par Olive Blakeney (Gertrude Howard), Claud Allister (Teddy Egbert), Joan Gardner (Barbara Wray) et Fred Hearne (Octavius Mann).