6.
1927 - Show Boat

 7.2.
Les Revues de
l'après Ziegfeld

 7.3.C.
Cole Porter
(3/6)

 7.3.C.
Cole Porter
(5/6)

 7.4.
Le Royaume-Uni
Années '20 et '30

 8.
1943 Oklahoma!

C) Cole Porter (4/6) (suite)

C.6) Rosalie (1937) - Film

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«Rosalie» - Film - MGM - 1937

En 1937, la MGM a produit un film Rosalie (), tiré du musical Rosalie () de 1928. Le film sort en décembre 1937. Le film suit l’histoire du musical sur scène, mais la plupart de la partition de Broadway a été remplacée par de nouvelles chansons de Cole Porter.

La meilleure danseuse de claquettes de la MGM à l’époque, Eleanor Powell, a été choisie pour le rôle de la princesse face à Nelson Eddy qui incarnait le cadet Dick Thorpe (le lieutenant Richard Fay dans le musical original à la scène). Frank Morgan a repris son rôle de Broadway en tant que King Fredrick (King Cyril dans la version scénique). Ray Bolger (Bill Delroy), Edna May Oliver (la Reine), Ilona Massey (Brenda), Tom Rutherford (Prince Paul) et Reginald Owen (Chancelier) ont également joué dans le film. William Anthony McGuire en était le producteur. Signalons quand même que Marjorie Lane a doublé pour les chansons la voix chantante d’Eleanor Powell.

Mais ce n’est pas tout… Pour tirer profit de la renommée de Powell en tant que danseuse, le film a été retouché pour lui permettre de présenter plusieurs numéros musicaux, dont l’un est la chanson-titre où Powell dansait sur un tambour géant, l’une des plus grandes séquences musicales jamais filmées à l’époque. Un extrait de cette scène est inclus dans le film «encyclopédique» That's Entertainment! () (1974).

Selon William et Nancy Young dans «Music of the Great Depression», le film «ressemble aux opérettes écumeuses si en vogue à l’époque, ce qui signifie que Rosalie () manque terriblement d’une intrigue... Il [Cole Porter] a réussi à composer le mémorable In the Still of the Night et Who Knows?»

C.7) You Never Know (1938)

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«You Never Know» - 1938

L’historique de la création de You Never Know () de Cole Porter est … complexe. Le musical est basé sur la pièce allemande Kleine Komodie de Siegfried Geyer. Cette pièce, adaptée en anglais par P.G. Wodehouse sous le nom de Candle Light, a ouvert le 30 septembre 1929 pour 128 représentations à l’Empire Theatre avec en vedette Gertrude Lawrence et Leslie Howard. La pièce a été transformée en film, By Candlelight, par Universal Pictures en 1933 avec Paul Lukas et Elissa Landi. En Autriche, le Deutsche Volkstheatre de Vienne a présenté le 30 avril 1937 Bei Kerzenlicht, une version musicale de la pièce de Geyer, avec des textes et des paroles de Karl Farkas et de la musique de Robert Katscher.

Le livret de la version de Broadway a été écrit par Rowland Leigh, qui a également mis en scène le spectacle et écrit les paroles de quelques chansons. Le musical comprend trois chansons du parolier Edwin Gilbert et du compositeur Alex Fogerty (Ladies’ Room, Let’s Put It to Music et Take Yourself a Trip), une de Dana Suesse (No) et deux chansons de Katscher qui ont été retenues de sa partition originale de Bei Kerzenlicht (By Candlelight et Gendarme). Par contre, le programme de la création à Broadway ne mentionne que Geyer (l’auteur original de Kleine Komodie), Farkas et Katscher (les paroliers et compositeurs de Bei Kerzenlicht) pour le matériel source.

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«You Never Know» - Playbille - Chicago Try-out - 1938

Le musical était l’une de ces farces se déroulant dans la vieille Europe, si appréciées à l’époque, même si le genre commençait tout doucement à perdre de sa popularité. Mais You Never Know () a été l’un des spectacles de Cole Porter dont la série de représentations fut la plus courte: dix petites semaines à Broadway. L’action se déroule à Paris pendant une période de vingt-quatre heures, et dépeint les joyeuses manigances du serviteur Gaston (Clifton Webb) et de son maître le Baron Ferdinand de Romer (Rex O’Malley) qui décident d’échanger leurs identités. En se faisant passer pour le baron, Gaston espère impressionner l’élégante Maria (Lupe Velez). Mais cette dernière est-elle aussi est une usurpatrice d’identité, car elle est en réalité la femme de chambre de Mme Baltin (Libby Holman), qui est l’objet de l’amour du vrai baron.

Le musical a enduré des try-out prolongés et angoissants, durant lesquels le scénario a été profondément remanié, des chansons ont été en permanence supprimées et d’autres rajoutées. Ce n’est sans doute pas étranger au fait que plusieurs membres de la distribution ont quitté le spectacle à ce stade. Quelques mois avant le premier try-out, Porter a été grièvement blessé lors d’un accident d’équitation: en vacances chez un ami à Long Island – endroit où la jet set New-Yorkaise passe l’été – Cole Porter chute lors d’une balade à cheval, mais sa monture s’effondre sur lui et lui brise les jambes. Il ne récupérera jamais complètement, subissant une trentaine d’opérations dans les vingt années qui suivirent, avant d’être amputé de la jambe droite en 1958. Cet accident l’a empêché de consacrer le temps nécessaire pour travailler correctement sur la partition de You Never Know (). C’est pour cette raison que le spectacle comprenait, comme nous l’avons vu, six chansons d’autres paroliers et compositeurs. Au moment où You Never Know (), après une longue errance de try-out, sera jugé prêt à enfin débarquer à Broadway, Porter était apparemment excédé de continuer à travailler à la création de ce spectacle alors que Leave It to Me! (), dont il était aussi compositeur, allait vivre son try-out à New Haven le 13 octobre de la même année.

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«You Never Know» - Souvenir Programme - Try-out - 1938

En fait, il y a eu deux périodes de try-out pour You Never Know (). Environ six mois avant l’ouverture à Broadway, le musical a été créé le 3 mars 1938 au Shubert Theatre de New Haven. Durant les trois mois qui suivirent, des try-out ont été programmés dans onze villes (!!!), une errance qui s’est terminée à l'Erlanger Theatre de Buffalo à la fin du mois de mai 1938. Après une pause estivale, un nouveau try-out s’est déroulé au Bushnell Auditorium à Hartford, Connecticut, où il a ouvert le 16 septembre, quelques jours avant Broadway.

De très nombreuses chansons furent supprimées durant ces try-out: I’ll Black His Eyes, I’m Yours, The Waiters (aka What a Priceless Pleasure), (Just) One Step Ahead of Love, et Ha, Ha, Ha, It’s No Laughing Matter, I’m Back in Circulation et I’m Going in for Love. Notons encore que «By Candlelight de Porter n’a pas été utilisée dans le musical, mais que la chanson de Robert Katscher portant le même titre faisait bien partie de la partition. Porter a aussi écrit deux versions différentes de I’m Yours et de la chanson-titre. Une version de la première a été entendue pendant les try-out mais a été abandonnée avant Broadway, et une version de la chanson-titre a été entendue dans la production de New York.

De nombreux personnages ont été éliminés pendant les try-out, avec pour conséquence immédiate qu’un certain nombre de membres de la distribution n’ont pas atteint Broadway, disparaissant avec leur personnage: Catherine Crawford, George Dobbs, Kay Duncan, Helena Glenn, Peter Garey, Delma Byron, Lloyd Staples et Sunny Simpson. En outre, la comédienne April avait signé pour Leave It to Me! () – le spectacle suivant de Cole Porter – et vu le retard pris par la création de You Never Know () suite au grand nombre de try-out nécessaire, elle a été remplacée par June Preisser (lorsque Preisser a quitté le spectacle peu après la première à Broadway, elle a à son tour été remplacée par Jean Moorhead).

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«You Never Know»
© Al Hirschfeld Foundation

Les critiques n’ont pas du tout été impressionnés et le public est resté apathique. Le musical a fermé après 78 représentations seulement. Cependant, la partition de Porter comprenait un certain nombre de joyaux, dont la chanson la plus connue de la comédie musicale, At Long Last Love. Cette chanson servira de titre à l’ambitieux, mais imparfait musical cinématographique de 1975 de Peter Bogdanovich, At Long Last Love (), qui reprenait 18 chansons de Cole Porter et se voulant un hommage aux films musicaux des années ’30. Les autres chansons mémorables du spectacle sont (From) Alpha to Omega et For No Rhyme or Reason.

Dans le New York Times, Brooks Atkinson a dit que seuls Clifton Webb et les danseurs Paul et Grace Hartman ont donné à You Never Know () «the look and sound of stage entertainment». Pour lui, le titre était «drôlement prophétique» parce que «you never know how these rummage sales are going to turn out in the theatre». Wolcott Gibbs, dans le New Yorker, a dit qu’il était «triste de voir tant de gens talentueux errer impuissants sur une scène», et il a noté que la partition de Porter suggérait «seulement occasionnellement» son « talent complexe et fascinant».

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«You Never Know» - Revival
Eastside Playhouse - Off-Broadway - 1973

Mais, étonnement, ce spectacle n’est pas un ‘lost show’ comme on dit de ces flops qui n’ont plus jamais été joués. En 1973, il a été repris à l’Eastside Playhouse (Off-Broadway) du 12 au 18 mars, pour seulement 8 représentations. Le spectacle a été mis en scène par Robert Troie et musicalement dirigé par Walter Geismar. La série mettait en vedette Esteban Chalbaud, Lynn Fitzpatrick, Dan Held, Rod Loomis, Grace Theveny et Jamie Thomas. Il comprenait six chansons de la production originale (Maria, [From] Alpha to Omega, What Shall I Do?, For No Rhyme or Reason, At Long Last Love et la chanson titre You Never Know); deux chansons coupées avant l’ouverture originale de Broadway (I’m Going in for Love et I’m Back in Circulation); la chanson-titre de Porter (et non celle de Katscher); et quatre chansons tirées d’autres musicals de Cole Porter. Un disque existe de cette courte production. Une reprise de cette version a été produite en 1991 au Pasadena Playhouse, et elle est devenue aujourd’hui la version officielle du musical.

Comme nous l’avons mentionné, les retards pris pour la création de You Never Know () on excédé Cole Porter car il travaillait également sur Leave It to Me! ().