4.
1866 - «The Black Crook», première création américaine

 5.10.
La première guerre mondiale

 5.11.E.
Une personnalité
hors du commun

 5.11.G.
La seconde
guerre mondiale

 5.12.
Irving Berlin (II)

 6.
1927 - «Show Boat»

F) Déclin et redécouverte

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«The Singing Boy»
(1928) 2ème long-métrage

Dans son second long-métrage, The Singing Fool () (1928), Jolson jouait un chanteur de show-biz dont la femme s'enfuit, emmenant leur fils bien-aimé. Lorsque le garçon tombe dangereusement malade, le chanteur arrive juste à temps pour voir son enfant mourir. La partition comprenait I'm Sitting on Top of the World et There's a Rainbow 'Round My Shoulder, mais le vrai succès du film a été l'interprétation déchirante de Jolson de Sonny Boy qui est le premier disque à s’être vendu à plus d’un million d’exemplaires et le film a battu tous les records au box-office avec 5,8 millions de dollars. Il ne sera battu que 10 ans plus tard par Gone with the Wind. Al Jolson est au sommet de sa popularité. Et de son ego!

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«Show Girl» (1929)

Ruby Keeler, sa troisième femme – qu’il venait d’épouser – décroche un premier rôle de vedette dans Show Girl () (1928) de George Gershwin, produit par Lorenz Ziegfeld au Ziegfeld Theatre. Une fois de plus, Jolson a montré son double visage: Jekyll et Hyde… Jolson a insisté pour que sa jeune femme accepte le rôle, mais Keeler était terrifiée, car elle n’avait jamais joué ce type de rôle et croyait ses talents limités. Lors de la première représentation des Try-Out à Boston, alors qu’elle dansait sur la chanson de George et Ira Gershwin Liza, Al s’est levé et a commencé à chanter la chanson. Le public, pensant que Jolson encourageait sa jeune femme, rugit d’approbation. Ziegfeld, homme d’affaires intelligent, a profité de la situation en convainquant Al de répéter la chose lors de la première semaine du spectacle à New York. L'avalanche de publicité qui en a résulté a aidé le spectacle, mal reçu et démoli par la critique, à vendre des billets. Peu de temps après, Ruby a subi une blessure ou une maladie (les sources diffèrent) et s'est retirée du spectacle. Ziegfeld a essayé de continuer avec une doublure en tête, mais a été bientôt forcé de fermer le spectacle - le premier d'une série d'échecs coûteux qui ont conduit à sa faillite quelques années plus tard. Une autre version existe… Racontée par Keeler elle-même. En chantant, Al Jolson lui a volé la vedette, intentionnellement. Quand Jolson a quitté Broadway pour retourner à Hollywood, il a exigé qu’elle quitte le show en la forçant à prétexter une blessure ou une maladie. Keeler a fait comme son mari le lui a ordonné, et Ziegfeld furieux a été forcé de fermer le spectacle.

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>«Say it with songs»
(1929) 3ème long-métrage
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«Mammy»
(1930) 4ème long-métrage

Avec la «révolution du parlant» que vivait le cinéma, les goûts du public changeaient très vite, mais Warner Brothers a laissé Jolson faire la même chose film après film, ne le poussant pas à se renouveler. Jolson a joué dans Say It With Songs () (1929), un film au sentimentalisme primaire.

Il a enchaîné avec le sirupeux Mammy () (1930) et l’adaptation maladroite à l'écran de Big Boy () (1930) et on peut affirmer que son règne en tant que star d'Hollywood était déjà terminée. En plus de ces films de piètre qualité, une surabondance de comédies musicales hollywoodiennes mal faites a retourné le public contre le genre.
 

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«The Wonder Bar»
(1931) Retour à la scène
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«Big Boy»
(1930) 5ème long-métrage

Lorsque l'intérêt d'Hollywood s’est refroidi, Jolson s’est retourné vers ses premières amours, Broadway. Cela faisait six ans que l’ex «plus grand artiste du monde» n’était plus monté sur scène à Broadway.

Il a joué dans The Wonder Bar () (1931), une comédie musicale relativement intime mettant en vedette "Monsieur Al" en tant que propriétaire d'une boîte de nuit parisienne. Pour la première fois de sa carrière à la scène, Al Jolson est resté dans son rôle, ne chantant aucune chanson qui n’était pas dans le livret initial. Il faut dire que deux ans après la crise de 1929, la situation économique était à son pire. Il y eut vite de nombreux sièges vides dans la salle. Jolson n’avait jamais vécu cela. Il a très vite somatisé et son corps a été attaqué par de terribles maux de gorge et laryngites. Il a manqué des représentations, les ventes de billets ont encore plus chuté. Le spectacle s'est arrêté après dix semaines - le premier et le seul flop de Jolson à Broadway.

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«Hallelujah, I'm a Bum»
(1933) 6ème long-métrage

Il a alors essayé la radio. Jolson a animé dans sa première émission de variétés-radio en 1932 sur le réseau NBC, mais il a arrêté après 15 semaines. Il est revenu au cinéma, chez United Artists cette fois, dans la comédie musicale «expérimentale» Hallelujah, I'm a Bum () (1933), mais le scénario était embrouillé et la partition de Richard Rodgers et Lorenz Hart peu inspirée. Le jeu d'Al était bien meilleur que dans ses autres films. Les dialogues étaient en rimes et le film abordait la crise économique… Il n'y avait pas une fin heureuse avec le héros épousant sa promise! Le film fut un énorme flop, à un tel point que United Artists rompit son contrat avec Al Jolson.

Le cinéma pre-code

L’ère du cinéma appelée Pré-Code correspond aux films tournés avant la mise en application du Code Hays — un code de censure morale. La période Pre-code est une période durant laquelle les films montrent plus de sexualité et plus de violence. Le code original a été co-écrit par Martin Quigley, un éditeur catholique et par le père Daniel A. Lord, un prêtre jésuite. Les films des années ‘20 et du début des années ‘30 reflétaient de manière réaliste et souvent crue pour l’époque la misère sociale (pauvreté, prostitution, femmes ou hommes entretenus), les violences sexuelles (femmes harcelées, battues, violées, souvent représentées comme des proies sexuelles), les conditions de vie des parias (bagnards, hobos), la corruption de la société et du monde du spectacle en particulier (femmes couchant pour réussir), des crimes volontiers impunis et une certaine licence morale libertaire, notamment à l'égard de l'adultère.

Ces films pré-code pouvaient inclure des actes sexuels suggérés qu'il s'agisse de rapports consentis, monnayés ou de viols, des références à l'homosexualité ou au métissage racial, la consommation et le trafic de stupéfiants ou encore à l'avortement. Les actrices montraient leurs jambes et jouaient sans pudeur apparente, vêtues de lingerie transparente ou de voiles diaphanes, voire nues avec un minimum de dissimulation, laissant parfois apercevoir un sein. Violence et cruauté étaient également représentées de manière explicite.

En 1934, l'ère du Pré-Code s’achève avec l'établissement d'un bureau spécial (Hays Office), qui lit tous les scripts et les accepte comme valides s'ils respectent le nouveau code.

La même année, Ruby Keeler, sa femme, a enchaîné des premiers rôles dans des films à grand succès: 42nd Street () (1933), Gold Diggers of 1933 (1933) et Footlight Parade (1933).

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«Wonder Bar»
(1934) 7ème long-métrage

Étonnement, après le terrible flop de Hallelujah, I'm a Bum (), Al va tourner une adaptation cinématographique de son seul flop à la scène, The Wonder Bar () (1934). Il s’agit d’un des derniers films «pre-code», et il fait preuve d'une certaine audace pour le meilleur et pour le pire. Le plus osé sera cette scène où un homme vient demander une danse à un couple sur la piste et ignore la jolie jeune femme pour choisir son partenaire. L'allusion gay est même surlignée par une envolée maniérée d'Al Jolson Boys will be boys! Woo! (une scène ouvrant d'ailleurs le documentaire The Celluloid Closet (1996) sur l'imagerie gay à Hollywood).

«Wonder Bar»(1934)
Chanson «Boys Will Be Boys! Woo!»

Cette ouverture est contrebalancée par le controversé Goin’ to Heaven on a Mule numéro musical concluant le film. Al Jolson grossièrement peinturluré en noir y accède ainsi à un paradis truffé de clichés racistes où le ciel est un havre composé de cuisse de poulet frit, arbres aux côtes de porc et pastèques. Consternant d'autant que contrairement aux autres scènes musicales on cherche encore le lien avec la trame du film, ce racisme n'étant même pas atténué par la scénographie et la chorégraphie pauvres de la séquence. Le film fut un succès (enfin, il récolta 1,2 million de dollars et on est très loin des 5,8 millions de The Singing Fool ()).

Ruby, elle continue à accumuler d’autres succès avec Dames (1934) et Flirtation Walk (1934). Jolson exprima publiquement son plaisir devant le succès de sa femme, mais le fait de voir son ascension au fur et à mesure qu'il descendait a dû l'affecter.

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«Go Into Your Dance»
(1930) 8ème long-métrage

Warner Brothers tente alors un joli coup de marketing: présenter un film où le couple Jolson-Keeler est réuni à l’écran. Go Into Your Dance () (1935) raconte l’histoire d’Al Howard qui fut une star à Broadway, mais que plus aucun producteur ne veut engager… Cela vous rappelle quelque chose?

Le scénario est abracadabrantesque, mais le film contient une belle chanson, About a Quarter to Nine, interprétée par Al Jolson. Le critique du The New York Times écrira: «Le film manque de comédie, et a des longueurs dès qu’on arrive à la moitié du film. Miss Keeler n’est pas totalement convaincante quand elle danse la rhumba, le tango et d'autres danses "espagnoles". Ses claquettes sont tellement plus abouties. Tout compte fait, la chanson d’Al Jolson Go Into Your Dance n'est pas la meilleure, pas la pire, mais au-dessus de la moyenne.»

Ce ne fut pas le succès escompté par la Warner, mais ce ne fut pas non plus un vrai flop. Le film rapporta 912.000$. Mais, on est encore et toujours en baisse…

Keeler et Jolson adoptèrent un garçon, qui a été légalement rebaptisé "Al Jolson Jr.", mais Al l’a toujours appelé "Sonny Boy." Malgré la présence d'un enfant, les mauvais traitements infligés par Al à Ruby n'ont fait qu'empirer. Il la rabaissait devant les invités, ou l'ignorait complètement. Un compte à rebours était amorcé.

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«Singing Kid»
(1930) 9ème long-métrage

Le dernier rôle principal d'Al chez Warners fut dans The Singing Kid () (1936), une tentative ratée de «rajeunir» Jolson en lui faisant chanter des airs plus modernes, d’où la présence de Cab Calloway and his Orchestra, très en vogue à l’époque. Mais la pire chose du film est son script fatigué. Le film se veut une parodie du personnage scénique de Jolson (il joue un personnage nommé Al Jackson) dans laquelle il se moque de son côté pompeux sur scène et de son goût pour les chansons Mammy: il y a une chanson I Love to Singa et une séquence comique avec Al Jackson qui essaie obstinément de chanter Mammy tandis que les Yacht Club Boys lui disent que de telles chansons sont totalement ringardes. Le film ne fut pas au succès.

En fait, on peut dire que le seul vrai succès que Jolson a eu au milieu des années ’30 était une émission de radio à laquelle il participait sur NBC. La carrière de Ruby Keeler s’était aussi ralentie (en fait presque arrêtée) après le terrible non-succès de Go Into Your Dance (). Pendant la deuxième partie des années ’30 Jolson et Ruby vont souvent être face à face à la maison et l’atmosphère devint insupportable.

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«Rose of Washington Square»
(1939) 10ème long-métrage

Il faudra attendre trois ans pour voir son film suivant, le premier avec Twentieth Century-Fox, Rose of Washington Square () (1939). Al Jolson joue avec Alice Faye et Tyrone Power, mais il a un second rôle. Il chantait beaucoup de ses chansons les plus connues, bien que certaines furent coupées pour raccourcir la durée du film, y compris April Showers et Avalon. Les critiques ont écrit: «M. Jolson chantant Mammy, California, Here I Come et d'autres devraient appartenir aux livres d’histoire.» Terrible! On voit aussi clairement l'état de sa carrière à sa place sur l'affiche...

Il apparaît encore dans deux autres films de la Fox la même année : Hollywood Cavalcade () (1939) (il n’apparaît même pas sur l’affiche) et Swanee River () (1939). Al Jolson n'a plus jamais joué dans un long-métrage. L'atmosphère à la maison est devenue insupportable et Ruby a claqué la porte. Bien entendu, Jolson a fait ses tentatives habituelles de réconciliation, mais Ruby a demandé le divorce invoquant la cruauté extrême de Jolson. Le divorce fut prononcé en 1940. Le troisième...

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«Hold On To Your Hats» (1940)
Dernière apparition
d'Al Jolson à Broadway

Un Jolson repenti, ébranlé dans ces certitudes – on est très très loin du «plus grand artiste du monde» – décide de revenir à Broadway, décidant de financer lui-même son spectacle. Il supplia même Ruby, dont il venait de divorcer, d'être dans la distribution. Après avoir longuement insisté, il obtint son accord. Mais Al n’a pas pu s’empêcher de s’adonner à ses yo-yo sentimentaux habituels: je t’aime – je te hais. Lors de la première répétition, il a piqué une crise sur Ruby en face de toute la distribution, mais s'en est excusé. Puis il n'a cessé les remarques désobligeantes à son sujet durant les représentations. Ruby a quitté le spectacle à Chicago, retournant en Californie où elle a finalement épousé John Loewe. Après toutes ces péripéties, le fils adopté, "Sonny Boy", a commencé à appeler son père «le Juif» et a exigé de changer de nom en «Albert Loewe», prenant celui de son nouveau beau-père. Il coupa définitivement tous les ponts avec Jolson.

À Broadway, Hold On to Your Hats () (1940 - 158 représentations) a permis à Jolson de se remémorer les acclamations de ses fastes années. Le deuxième acte comprenait une scène où Al improvisait et pouvait plaisanter avec le public, chanter autant de vieux tubes qu’il souhaitait. Ses fans étaient ravis, et ont continué comme ils l'avaient fait des décennies auparavant. Mais la santé de Jolson a commencé à s'effondrer après son divorce et il a fermé le spectacle au Shubert Theatre le 1er février 1941 après 158 représentations, en dépit d'excellentes ventes de billets.

Cette date marque la dernière représentation d'Al Jolson à Broadway.