4.
1866 - «The Black Crook», première création américaine

 5.5.
Victor Herbert

 5.6.B.
B) 1900-1910 - «Give My Regards to Broadway»

 5.6.E.
Grève de l'Actors' Equity

 5.7.
Irving Berlin (1)

 6.
1927 - «Show Boat»

D) 1910-1919 - L'Empereur de Broadway

D.1) «Get Rich Quick Wallingford» (1910)

Au début de cette nouvelle décennie, Cohan et Harris ont continué leur succès écrasant dans le théâtre américain. Même si leurs succès de 1909 se sont joués jusqu’à l’année suivante, le mois de septembre 1910 sera un moment très important: la création du spectacle qui sera le record de Cohan de durée à l'affiche à Broadway avec 424 représentations, le plus long de leur histoire: Get-Rich-Quick Wallingford () (1910, 424 représentations).

Basé sur une série très populaire d’histoires de George Randolph Chester publiées dans le Saturday Evening Post, C'est Cohan lui-même qui a adapté Get-Rich-Quick Wallingford () à la scène. Une fois les droits acquis, il commence à «cohaniser» l'histoire (c'est son propre terme pour dénommer la manière dont il adapte une pièce non publiée ou un roman publié), transformant Wallingford d’un escroc lourd à un garçon mince d’environ 1m70. C'était la première tentative de Cohan de créer un spectacle non-musical depuis le terrible échec de Popularity () en 1906. Comme nous l'avons vu, il succès sera au rendez-vous de Get-Rich-Quick Wallingford ().

« 'Mieux vaut t’en tenir aux musicals, gamin...' m'ont conseillé mes amis. «Popularity» leur avait prouvé que je ne pourrais jamais écrire une pièce réussie, sans musique. Sur la base de ce conseil, j’ai acheté les droits d'adaptation à la scène des histoires de George Randolph Chester «Get RIch Quick Wallingford», et je les ai transformées en une pièce en quatre actes que j’ai ouverte au Gaiety Theatre le 19 septembre 1910, où elle est restée jusqu’à ce que le Cohan Theatre (qui était en construction à l’époque) soit prêt à accueillir des spectacles. Nous avons fait le shift en février et quand la série s'est arrêtée, j’ai eu la satisfaction d’une année continue de représentations à Broadway avec une pièce écrite par moi sans une chanson. Cette pièce a ensuite été produite dans tous les pays anglophones du monde. Elle a également été traduite en français et produite à Paris. »

George M. Cohan


A la fin de la série, Cohan a repris le rôle principal. Ça lui a donné l’idée que le public pourrait l’accepter comme acteur dramatique.

Durant cette année faste, Cohan et Harris sont devenus membres de premier plan de trois organisations: The Lambs Club, The Players Club et The Friars. Ces trois organisations ont été expressément créées pour offrir aux membres de la profession théâtrale des moments de détente et de relaxation. George M. Cohan a lui-même expliqué la différence entre les clubs:

« The Players, c’est un groupe de messieurs qui essaient d’être acteurs, The Lambs est un groupe d’acteurs qui essaient d’être des messieurs, et The Friars est un groupe de gars qui essaient d’être les deux.»

George M. Cohan


En particulier, George adorait appartenir à The Friars parce que c’était le seul club d’acteur dont son père Jerry faisait partie. Le 3 avril 1910, The Friars a tenu un banquet spécial en l’honneur de George M. Cohan. Jerry, inutile de le dire, a été extrêmement heureux et fier. George serait ensuite président des The Friars (le terme exact est Abbé) plus longtemps que tout autre acteur dans l’histoire de l’organisation: 1912-1919, 1921-1926 et 1928-1932.

George et Agnes ont également une autre raison de célébrer cette période. Le 22 juin 1909, ils sont devenus les fiers parents d’une fille, nommée Mary et le 13 septembre 1910, une deuxième fille, Helen (nommée en l’honneur de la mère de George), est née. Presque 20 ans plus tard, en 1931, Helen pour ses débuts à Broadway, apparaîtra avec son père dans Friendship (), mais ce sera un terrible flop.

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Le George M. Cohan Theatre lors de son ouverture en février 1911, avec «Get Rich Quick Wallingford» à l'affiche.

Le 13 février 1911, le George M. Cohan Theatre ouvre ses portes avec une représentation du triomphe de Cohan, Get-Rich-Quick Wallingford (), qui avait commencé sa carrière au Gaiety Theatre en septembre 2010, le nouveau théâtre n'étant pas encore prêt. Son entrée étroite mène à un hall marbré qui contenait des peintures murales représentant les «Four Cohan», une sorte d'hommage à leur carrière. Le théâtre sera transformé en cinéma en 1932, et démoli en 1938.

De plus, en 1911, George M. Cohan a signé un contrat avec RCA Victor et, le 4 mai 1911, a fait sept enregistrements différents de ses compositions:

  • Hey There, May There (Mother Goose) Victor 60049
  • I Want To Hear A Yankee Doodle Tune (Mother Goose) Victor 60045
  • Life's A Very Funny Proposition After All (Little Johnny Jones) Victor 60042
  • I'm Mighty Glad I'm Living That's All (Little Johnny Jones) Victor 60044
  • Small Town Girl (Fifty Miles from Boston) Victor 60052
  • You Won't Do Any Business If You Haven't Got A Band (A Little Bit Of Everything) Victor 60043
  • P.S. Mr. Johnson Sends Regards - Victor 70039

Les enregistrements ne rendent pas vraiment justice à Cohan en tant que chanteur ou interprète (il aura plus d’énergie et de rebond dans le mauvais film The Phantom President 21 ans plus tard). Il faut dire que RCA et les autres compagnies d’enregistrement avaient des techniques d’enregistrement primitives et/ou inexistantes en 1911 (un artiste devait par exemple adapter sa performance vocale pour enregistrer avec un niveau de voix stable). Même un artiste énigmatique comme Al Jolson (qui a enregistré That Haunting Melody en 1911) peut difficilement être jugé par ces enregistrements. Quoi qu'il en soit, ces 7 enregistrements restent aujourd'hui notre seul aperçu du Cohan. En fait, Cohan ne doit pas avoir apprécié le travail d’enregistrement, parce qu’il n’est jamais retourné en studio pour enregistrer à nouveau.

D.3) «The Little Millionaire» (1911) et Broadway Jones (1912)

En septembre 1911, Cohan connut un succès critique et financier. Ce fut la dernière fois qu'il joua dans un musical avec son père et sa mère. Ce n'était cependant déjà plus les légendaires «Four Cohan» puisqu'il manquait Josie, la soeur de George.

Avec la création de The Little Millionaire () (1911, 192 représentations), Cohan a essayé un nouveau concept: il a décidé dans ce musical en trois actes, de ne présenter aucun numéro musical pendant le deuxième acte. Cette idée met ce musical à part de tous les autres qu'il avait composé jusqu'alors. En conséquence immédiate, il est de loin le musical contenant le moins de chansons de tous ceux de Cohan. La chanson que le critique Rennold Wolf a qualifiée de «meilleure ballade chantée par des méchants» était Oh, You Wonderful Girl et elle fera partie aussi de George M! () (1968).

Au cours de la série de représentations, un jeune auteur-compositeur, Irving Berlin, rencontra son idole pour la première fois. Ils ont formé une amitié rapide, et quand George a découvert que Irving était l’auteur de Alexander Ragtime Band, il l'a invité à écrire quelques chansons (que Cohan a rajouté dans la fin de la série de The Little Millionaire ()). Quelques années plus tard, dans la Cohan Revue of 1918 (), Cohan utilisera d’autres chansons écrites par Berlin. Ils ont formé une amitié qui a duré le reste de la vie de Cohan. Après la dissolution de la société Cohan & Harris en 1920, Sam Harris produira les quatre Music Box Revue d’Irving Berlin (1921, 1922, 1923, 1924).

Pour montrer les différents facettes de George, en avril 1912, il vendit des journaux spéciaux dans le but de recueillir des fonds pour les familles des disparus du Titanic. Après avoir joué dans une reprise de Forty-five Minutes from Broadway (), il a écrit sa première comédie complètement originale, Broadway Jones () (1912, 176 représentations), qu’il a jouée avec sa mère et son père. Au début de la série, il a été annoncé que cette série serait les adieux à la scène de ses parents, Jerry et Helen, qui voulaient prendre leur retraite et profiter tranquillement de leurs dernières années ensemble. Mais George en a rajouté une couche... . Il a annoncé à l’incrédulité du monde de Broadway, que lui aussi prenait sa retraite en tant qu'artiste-interprète. Il continuerait à écrire et à produire, mais il ne paraîtrait plus en scène.

« Je vais prendre ma retraite en tant qu’acteur. Je terminerai cette saison et puis les vingt semaines de «Broadway Jones» la saison prochaine et c’en sera fini de moi sur scène. J’ai mes salles, mes pièces de théâtre et je peux en écrire d'autres, mais je ne veux plus jouer. Je vais élever ma famille. Que vouloir de plus? J’ai tout fait sur scène, du cirque au musical en passant par le mélodrame. J’ai presque 35 ans maintenant et j’ai passé plus de temps sur scène que 99% des acteurs. J’y suis depuis que j’ai sept ans. Bien sûr, je continuerai à être membre de la firme «Cohan & Harris» et quand mon esprit s’animera, j’écrirai une pièce ou un musical, mais ce sera une diversion. Mon père et ma mère vont prendre leur retraite avec moi et passer le reste de leur vie dans leur maison de campagne près de Monroe, dans le comté d’Orange.
J’en ai assez de jouer sur scène. Je suis sincère en disant que je m’attends à ne jamais jouer à Broadway à nouveau. On arrête au Cohan Theatre et la semaine prochaine, on jouera au Grand Opera House. La saison prochaine, je vais apparaître dans certaines des plus grandes villes avec cette pièce et après cette tournée, ce sera adieu pour toujours. Je vais acheter une ferme et m’installer et un jour, si j’ai de la chance, peut-être que j'écrirai une vraie comédie américaine. C’est l’ambition de ma vie, d’écrire une pièce américaine qui va marquer... Et je veux me déplacer, je veux voyager. J’ai passé beaucoup de temps avec Josie, maman et papa, mais j’ai vraiment très peu vu le monde. Ma sœur et mon beau-frère, Fred Niblo, sont maintenant en Australie, où ils ont joué «Get Rich Quick Wallingford». Ils viennent de recevoir une lettre de Fred l’autre jour. Il veut que ma femme et moi fassions un petit voyage et les rejoignions en Afrique de l’Est - et peut-être que nous le ferons. Oui, je démissionne. J’ai gagné 3.000.000$ et j’en ai assez. Nous sommes à peu près à égalité, Broadway et moi. J’y ai fait beaucoup d’argent, mais je lui ai au moins rendu autant en célébrité, n’est-ce pas? »

George M. Cohan


Au-delà des annonces, la série de Broadway Jones () serait bien la dernière de Jerry et Helen Cohan. Après tant d’années dans le Vaudeville et le théâtre, les deux ont décidé que George devrait continuer seul. Le 31 janvier 1914, à l’occasion du 66ème anniversaire de son père Jerry Cohan, George lui a offert un cadeau qu’il n’oubliera jamais: 50% de tout dans l’entreprise de son fils - au présent et dans l'avenir. Belle reconnaissance pour ce que furent les «Four Cohan». Plus tard, Helen fit le témoignage suivant: «Jerry ne pouvait jamais lire cette lettre, même à moitié, sans fondre en larmes. Il a toujours dit que c’était plus qu’un cadeau, que c’était une bénédiction d’avoir un fils comme ça.»

Jerry et Helen ont pris leur retraite de façon permanente. Mais la retraite de George, malgré son annonce tonitruante, n'a duré que dix mois, jusqu’à ce qu’il fasse équipe avec William Collier dans Hello, Broadway! () (1914). Mais il allait encore jouer dans 16 pièces supplémentaires jusqu’en 1940 et The Return of the Vagabond (). Son annonce de retraite a stupéfié le monde de Broadway, Mais la plupart des gens ne crurent pas ses paroles. Il annoncera encore de nombreuses fois sa retraite tout au long de sa carrière, et chaque fois il a fallu peu d’encouragement pour le faire revenir sur scène!

D.4) 1912-1915 : des années prolifiques

Le duo de Cohan & Harris recevait de plus en plus de manuscrits de spectacles chaque année. Ils pouvaient faire leur choix parmi les meilleurs nouveaux auteurs, et aussi les meilleurs acteurs. Ils se bornent bien souvent à produire ces spectacles. Douglas Fairbanks apparaît dans Hawthorne of the U.S.A. () (1912 - 72 représentations) avant de faire fortune à Hollywood. Raymond Hitchcock est heureux de revenir dans The Red Widow () (1911 - 128 représentations), et Wallace Eddinger est apparu dans The Aviator () (1910 - 44 représentations), Officer 666 () (1912 - 192 représentations), Seven Keys to Baldpate () (1913 - 320 représentations) et le long terme It Pays to Advertise () (1914 - 399 représentations).

Seven Keys to Baldpate () est basé sur le roman de Earl Derr Biggers, (qui plus tard écrira les aventures de Charlie Chan). Elle est la pièce la plus populaire de Cohan. Bien qu’il soit surtout connu pour ses contributions musicales, Seven Keys to Baldpate () a été repris et adapté au cinéma à de nombreuses reprises. Cohan lui-même a joué dans la première version filmée (1917) et a joué dans le revival en 1935 pour le Player’s Club. Au cinéma, à ce jour, on peut compter 5 adaptations dont la dernière a pour titre House Of Long Shadows (1983) avec à l'affiche rien de moins que Christopher Lee, Vincent Price, John Carradine, et Peter Cushing. La pièce a été si populaire qu’elle est incluse dans presque tous les volumes reprenant les meilleures pièces du début du XXème siècle.

La pièce elle-même a une fin en pirouette... Rappelons que la pièce suit un romancier, Bill Magee qui parie avec un ami fortuné qu'il est capable d'écrire en 24h une histoire de 10.000 mots. Il se retire dans une sttion de montagne estivale et écrit son livre, dérangé toute la nuit par une série d'apparitions. Juste après la fin de l’acte final, le rideau se relève une fois de plus pour montrer Magee en train de dire au téléphone à son ami Hal Bently qu’il vient de terminer le roman mystérieux. Cela indique au public médusé que la pièce entière qu’ils viennent de voir était le roman de Magee...

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Publicité reprenant quelques critiques de «Seven Keys to Baldpate»

Cette pièce est sans doute, de par son style, une des plus innovante de Cohan. Et même si elle finira par être un énorme succès, cela secouera fortement les esprits dans les premiers jours, comme le rappelle ici George:

« Nous avons ouvert «Seven keys to Baldpate» à l'Astor Theatre en 1913. Et la panique a commencé !
'À l’aide! Au meurtre! Police!' Des cris d’angoisse. Des cris de désapprobation. Les critiques, dramaturges, représentants des auteurs, des femmes et des hommes de toutes sortes, de toutes tailles, se tenant debout pour dénoncer cette forme théâtrale...
  • - ' Il détruit les traditions. '
  • - ' Il enfreint toutes les règles et règlements de la construction de jeux. '
  • - ' Il insulte l’intelligence du public. '
Tout le régiment a visé et tiré à boulet rouge sur nous. J'ai demandé innocemment à un dramaturge (Augustus Thomas) qui avait assisté au spectacle:
  • - ' Quel est le problème? Qu’ai-je fais? '
  • - ' Vous savez ce que vous avez fait, n’est-ce pas? ' m'a-t-il répondu.
  • - ' Certainement pas ' ai-je avoué
  • - ' Où avez-vous habituellement construit vos pièces? ' a-t-il demandé
  • - ' Surtout en Pennsylvanie et à New York Central ', ai-je répondu
Il a immédiatement rapporté au "cercle des bien-pensant" que Cohan était un plouc sans espoir. Mais le public, lui, s’est précipité vers "Baldpate." Ils sont venus en meutes, on fait des files et ont essayé d'entrer en doce dans la salle. Des salles pleines pour toute la saison. Une autre compagnie a présenté la pièce à Chicago. Cela a été la même chose. Tous les records ont été battus. »

George M. Cohan


Le 18 janvier 1814, George eut une grande joie. Agnes donna naissance à un fils qu’ils nommèrent, George M. Cohan Jr. Il sera le dernier enfant à entrer dans la vie de George et d’Agnes (elle a beaucoup souffert pendant l’accouchement, ce qui l’a confinée pour la majeure partie de son avenir). Cet automne-là, Cohan écrivit son premier drame, The Miracle Man () (1914 - 97 représentations), basé sur un escroc se faisant passer pour un guérisseur de la foi. Ce ne fut pas un grand succès, malgré la présence à l'affiche de Frank Bacon et Percy Helton. L'adaptation cinématographique de 1919 avec Lon Chaney s’est avérée plus populaire. Cohan est ensuite retourné à ce qu’il connaissait le mieux: les musicals et les comédies.

Plus tard cette année-là, après y avoir été poussé par William Collier lors d'une réunion du club The Friars, George est remonté sur scène dans un spectacle musical, après une trop longue absence.... Hello, Broadway! () (1914 - 123 représentations), a fait ses débuts à Broadway le soir de Noël 1914, et tout New York est sorti pour accueillir le retour de George (c’était plus une revue qu'un vrai musical - dans la tradition Weber & Fields). George assembla une belle distribution composée de Collier, Peggy Wood, Rozsika Dolly, Sidney Jarvis et Lawrence Wheat. Dans cette revue, George se moquait des spectacles de l'époque à Broadway. C'était par exemple le cas avec la performance remarquable de Louise Dressler (à ne pas confondre avec Marie) dans Down By The Erie. Le succès de Hello, Broadway! () a poussé George a créer deux autres revues: The Cohan Revue of 1916 () (1916 - 165 représentations) et The Cohan Revue of 1916 () (1917 - 96 représentations).

En septembre 2015, George va proposer deux pièces de théâtre. Le 1er septembre The House of Glass () (1915 - 245 représentations) produite par Cohan & Harris, a ouvert au Candler Theatre de Broadway (l'actuel Sam H. Harris Theatre) pour 245 représentations. Mary Ryan figurait dans la distribution. Max Marcin était l’auteur original de la pièce mais elle a été réécrite par Cohan, qui en a partagé la paternité. C’était un mélodrame.

Le 13 septembre ce fut au tour de Hit-the-Trail-Holliday () (1915 - 336 représentations), une farce où un barman se transforme en nouveau converti à la prohibition. Le personnage était vaguement basé sur l'évangéliste Billy Sunday. Cohan confiera le rôle principa à son beau-frère, Fred Niblo.

D.5) 1916-1919 : des années difficiles

Mais rien n’aurait pu préparer Cohan aux trois années suivantes, qui seraient ses années les plus turbulentes et lui feraient peur jusqu'à la fin de sa vie. Elle a commencé par le décès de sa sœur, Josie. Seulement quelques mois auparavant, Josie et sa famille étaient rentrées d’Australie. Le 12 juillet 1916, à l’âge de 40 ans, Josie décède de complications cardiaques. Elle laisse dans le deuil son mari, Fred Niblo, et leur fils de 13 ans, Fred Jr. Même si cela tenait plus du symbole qu'autre chose: les «Four Cohan» ne pourraient dorénavant plus jamais être reconstitués.

En 1916, George déménage sa famille dans une nouvelle maison à Great Neck, dans l’État de New York. Durant cette année, en dehors de The Cohan Revue of 1916 (), Cohan se bornera à produire deux pièces de théâtre The Intruder () et Captain Kidd, Jr. (). Il ne sera l'auteur d'aucune de ces deux pièces.

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Broadway Jones (1917) - Film - Affiche

Au début de 1917, George s'est lancé dans quelque chose de très différent, il a tourné dans son premier film, Broadway Jones réalisé par Joseph Kaufman. George était aussi le producteur de ce film à travers la Cohan Feature Film Company.

Comme le montre l'affiche ci-contre, Cohan est devenu un vrai produit d'appel. Son nom est plus grand que le titre du film. L'affiche mentionne qu'il s'agit de la première pparition à l'écran de George, dans sa «grande pièce américaine». Ce film est aujourd'hui perdu. Aucune copie connue n'existe dans des archives officielles ou des collections privées.

Il ne va pas s'arrêter là et il va enchaîner avec le tournage d'une nouvelle adaptation d'une de ses oeuvres scéniques, Seven Keys to Baldpate (). Il s'agit à nouveau d'un film muet mais, celui-ci, il ne le produira pas.

Cohan n’a pas du tout aimé le processus de création cinématographique. Il n’aimait pas jouer des petits morceaux de scène (mais c'est obligatoire au cinéma surtout à cette époque où il fallait enchainer les bobines de pellicules), surtout quand on les tournait dans le désordre. Cohan n'apparaîtra plus que dans un autre film jusqu’aux années 1930, l'adaptation de sa farce à succès Hit-the-Trail-Holliday () qui sortira dans les cinéma en juin 1918. Ce troisième film muet de Cohan a aussi disparu aujourd'hui. Si on se base sur les critiques de l'époque, ce film est intéressant dans la mesure où il aborde l'un des sujets les plus brûlants du moment: la prohibition.

«Over There»

Verse 1
Johnny, get your gun, get your gun, get your gun.
Take it on the run, on the run, on the run.
Hear them calling you and me,
Every Son of Liberty.
Hurry right away, no delay, go today.
Make your Daddy glad to have had such a lad.
Tell your sweetheart not to pine,
To be proud her boy's in line.
Verse 2
Johnny, get your gun, get your gun, get your gun.
Johnny, show the "Hun" you're a son-of-a-gun.
Hoist the flag and let her fly
Yankee Doodle do or die.
Pack your little kit, show your grit, do your bit.
Yankee to the ranks from the towns and the tanks.
Make your Mother proud of you
And the old red-white-and-blue
Chorus
Over there, over there,
Send the word, send the word over there
That the Yanks are coming, the Yanks are coming
The drums rum-tumming everywhere.
So prepare, say a prayer,
Send the word, send the word to beware –
We'll be over, we're coming over,
And we won't come back till it's over, over there.

«Over there» - de George M. Cohan - Version chantée par Billy Murray au début du XXème siècle

A l'époque ou Cohan tourne ses films, un événement va tout changer pour les Etats-Unis. En avril 1917, alors que la première guerre mondiale démontre sa sauvagerie depuis près de trois ans dans toute l'Europe, les Etats-Unis sont isoliationistes et n'ont pas voulu s'engager das le conflit.

Le 7 mai 1915, le Lusitania, un paquebot transatlantique britannique, avait été torpillé par le sous-marin allemand U-20 au large de l'Irlande. Il en résulte près de 1.200 morts sur 2.000 passagers et membres d'équipages, alors que le navire transporte un chargement de munitions. Ce torpillage cause la mort de 128 américains. Les Américains furent choqués et l'opinion publique devint hostile à l'Allemagne, mais pas encore au point de déclarer la guerre. Wilson émit un avertissement à l'Allemagne; elle ferait face à sa «stricte responsabilité» si elle coulait d'autres navires de passagers américains neutres. Berlin acquiesça, ordonnant à ses sous-marins d’éviter les navires de passagers.

Mais en janvier 1917, les allemands relancèrent la guerre sous-marine sans restriction, signifiant l’attaque de tous les navires américains dans l'Atlantique Nord. Enfin, après que les Allemands incitent en plus, via le célèbre «télégramme Zimmermann», les Mexicains à attaquer les Etats-Unis, il ne restait plus qu'une décision possible: entrer en guerre contre l'Allemagne. Ce qui fut fait le 6 avril 1917.

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Partitions de «Over There» avec le marin William J. Reilly de l'USS Michigan

George M. Cohan voulait faire quelque chose pour son pays. Comme à 38 ans il était trop vieux pour s'engager comme soldat, il a contribué en faisant ce qu’il a faisait de mieux: il a écrit une chanson et l’a dédiée à "nos garçons." Over There a été considérée comme la plus grande chanson de guerre jamais écrite, et c’est certainement l’une des plus grandes chansons de Cohan.

Over There a fourni un cri de guerre pour tous ces jeunes, bien souvent naïfs, qui sont partis la fleur au fusil pens nt qu'ils allaient tout balayer un une semaine. Les Etats-Unis seront impliqués dans la Première Guerre mondiale pendant un peu plus d’un an et demi.

Cette chanson sera réutilisée à diverses occasions pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Elle n’a pas été très utilisée pendant la guerre du Vietnam, mais l’est depuis les attentats terroristes du 11 septembre.

Alors que la guerre en Europe réclamait de plus en plus de soldats américains, et que George M. Cohan était toujours au sommet de Broadway, il a peut-être subi la perte la plus grave de sa vie. Le 1er août 1917, son père, Jerry Cohan, meurt d’artériosclérose à l’âge de 69 ans. Le deuil causé par le décès de son père était trop lourd à porter pour le Cohan d’âge moyen. Il a plus tard admis que immédiatement après la mort de son père était «la seule période de toute ma vie où j'ai sombré dans l'alcool.» Il eut à peine le temps de se remettre de la douleur profonde de la mort de Josie, un an auparavant, et maintenant vint la mort de son père. George a toujours été très proche de son père, et leur relation n’a jamais faibli.

Dans une publication mensuelle du club The Friars, Ashton Stevens se souvient de la relation entre George et Jerry:

« (...) le vieux gentleman continuait de penser que le plus beau cadeau au monde était l’occasion de faire une bonne nuit de travail dans un théâtre.
George le savait. Lorsque Jerry a arrêté de parler de son prochain rôle dans la prochaine production, George savait que la fin était proche.
(...) Ils n’ont jamais pensé qu’ils faisaient quelque chose d’irrégulier ou de non professionnel quand ils se sont habillés ensemble - et aussi avec George Parsons - dans la salle de choeur de la cave du grand Cohan Theatre, laissant les dames de la troupe de «Broadway Jones» occuper les vestiaires pratiques et confortables sur et au-dessus de la scène. »

Ashton Stevens


Les Etats-Unis étaient conscients de la désillusion et du désespoir de ses soldats en Europe. Tandis que les Américains aidaient à vaincre l’Allemagne, le nombre de morts commençait à miner le moral des jeunes soldats. Broadway a essayé de rendre espoir à la nation américaine. La pièce la plus ambitieuse de ces programmes mettait en vedette Laurette Taylor et avait été écrite par son mari, J. Hartly Manners. Elle s’intitulait Out There. La pièce, dont la distribution comprenait également Joan Fontanne, a été créée au profit de la Croix-Rouge. Elle s'est jouée pendant de longs mois au Globe Theatre puis au Liberty Theatre de Broadway. Séduit par cette démarche, en mai 1918, une équipe constituée de stars a joué la pièce une semaine au Century Theatre avant de partir trois semaines en tournée. George M. Cohan, George Arliss et Minnie Maddern Fiske se sont joints à Laurette Taylor dans un élan extraordinaire pour la Croix-Rouge. Minnie Maddern Fiske lisait un discours d’engagement entre les actes qui avait été spécialement écrit par le Président Wilson. Chaque acteur a joué bénévolement et a payé ses propres frais de déplacement. En un mois, ils amassèrent près de 700.000$ - une énorme fortune en 1918. C'est important de montrer ces moments où Cohan s'est bien comporté, car sa réputation ne va pas tarder à se ternir.

Avec la fin de la Première Guerre mondiale, les spectateurs se sont rués au théâtre pour oublier la tragédie de la guerre. Le 24 décembre 1918, Cohan présenta résolument une comédie d’avant-guerre intitulée A Prince There Was () (1918 - 159 représentations), jouant lui-même le rôle principal. Le lendemain, le 25 décembre, il présenta la création d'un musical The Voice of McConnell () (1918 - 30 représentations). Ce spectacle était avant tout un véhicule pour Chauncey Olcott. La pièce - dont la musique, les paroles et le livret étaient signés de George - était plutôt une comédie avec des chansons qu'un vrai musical. La banalité de la pièce n’a pas échappé à la critique et ce fut un flop.

Mais le succès n'allait pas tarder à revenir mais aussi ce qui allait malheureusement ternir à jamais la réputation de George M. Cohan.