2.
Un mythe:
Romeo & Juliet

 3.2.
Broadway:
années '50

 3.3.1.
Préproduction
1943: les émeutes
des «Zoot Suits»

 3.3.3.
Préproduction
1955-1956:
«Romeo»


 4.
L'après 1957

B) 1948-1949: «East Side Story»

Dans les années 40, Jerome Robbins et Montgomery Clift sont amants mais surtout membres de l’Actors Studio. Ils étudient le method acting, une technique de jeu et de mise en scène expérimentale, presque psychanalytique (utiliser la mémoire sensorielle d’expériences personnelles dans le jeu et analyser les scénarios en termes de sous-texte psychologique et de motivations des personnages).

Montgomery Clift qui doit jouer Roméo demande à Robbins comment jouer un personnage vieux de 500 ans d’une manière à la fois authentique et moderne afin de toucher un public actuel. De là vient à Robbins l’idée d’actualiser Roméo et Juliette en l’adaptant pour Broadway. Il souhaite que l'accent soit mis sur le conflit opposant, au cours de la période de Pâques/Pessa'h, une famille italo-américaine catholique et une famille juive vivant dans le Lower East Side de Manhattan. Les gangs rivaux s’appellent les Jets (catholiques) et les Emeralds (juifs). Une Juliette juive tombe amoureuse d’un Roméo italien, Frère Laurent est un droguiste voisin, les amants meurent tous les deux à la fin. Il contacte Bernstein avec qui il avait créé On the Town ainsi que son ami Arthur Laurents.

Désireux d'écrire sa première comédie musicale, Laurents accepte immédiatement. Bernstein veut présenter le matériel sous la forme d'un opéra mais Robbins et Laurents s'opposent à cette suggestion. Ils qualifient le projet de « théâtre lyrique » et Laurents écrit une première ébauche qu'il titre East Side Story.

La collaboration n’est pas sans remous. Selon Bernstein qui travaille souvent à distance car il a plusieurs engagements comme chef d’orchestre, cela ne fonctionne pas : « peut-être vont-ils trouver un compositeur qui ne doit pas toujours partir diriger ailleurs » écrit-il. Le 6 janvier 1949, il décrit le projet comme suit : « un musical qui raconte une histoire tragique avec les techniques du musical sans tomber dans le piège de l’opéra. » Laurents, quant à lui, a justement peur que la partition étouffe son livret : « je n’écris pas les paroles d’un p#*@n d’opéra de Bernstein ! »

Au bout de trois mois de travail, Laurents trouve que cela ressemble trop à Abie’s Irish Rose, un musical de 1922 traitant d’une histoire d’amour interreligieuse. Ils décident d’abandonner provisoirement East Side Story et chacun retourne à ses propres projets. Cette pause durera six ans.

Bernstein travaille sur Candide, Robbins crée en 1949 un ballet abstrait (the Guests) sur l’amour interdit entre membres de deux groupes sociaux opposés. Laurents, blacklisté, s’exile en Europe (voir chapitre sur le maccarthysme).