6.
1927 - Show Boat

 7.2.
Les Revues de
l'après Ziegfeld

 7.3.D.
George & Ira Gershwin
(10/10)

 7.3.E.
Rodgers & Hart
(2/6)

 7.4.
Le Royaume-Uni
Années '20 et '30

 8.
1943 Oklahoma!

E) Rodgers et Hart (II et fin) (1/6)

E.1) Les années '20

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«Richard Rodgers & Lorenz Hart»
Couverture de Time du 26 septembre 1938
© TIME

Nous avions abandonné le duo Richard Rodgers et Lorenz Hart en pleine notoriété (). Ils s'étaient rencontrés adolescents en 1917, et avaient sorti leur première chanson à succès, Any Old Place with You qui avait été intégrée dans le musical A Lonely Romeo () en 1919. Ils avaient ensuite galéré de longues années avant d'écrire en 1925 The Garrick Gaieties () (initialement prévues pour 2 uniques représentations caritatives!). Ce fut un triomphe, transféré à Broadway pour 311 représentations. Le duo Rodgers et Hart enchaîna avec Dearest Enemy () (1925, 286 représentations), The Girl Friend () (1926, 301 représentations) et A Connecticut Yankee () (1927, 418 représentations), leur plus gros succès.

Mais les choses vont moins bien se passer par la suite: ils enchaînent avec un flop, She's my Baby () (1928, 71 représentations) et un succès mitigé, Present Arms () (1928, 155 représentations).

Les autres comédies musicales de Rodgers et Hart des années ‘20 n'ont pas recueilli de succès, et si l'on accepte d'être un peu caricatural, comme nous l'avons déjà dit, on peut dire qu'elles ne sont connues que pour leurs chansons. Par exemple, Spring is Here () (1929, 104 représentations - créé à l'Alvin Theatre) était une histoire d'amour banale, mais le magnifique With a Song in My Heart est devenue un tube à l'époque, puis un standard. Il en est de même pour Simple Simon () (1930, 135 représentations - créé au Ziegfeld Theatre) avec Ten Cents a Dance, Ever Green () (1930, 254 représentations - créé à l'Adelphi Theatre de Londres) avec Dancing on the Ceiling et America's Sweetheart () (1931, 135 représentations - créé au Broadhurst Theatre) avec I've Got Five Dollars.

E.2) Les années Hollywood: 1931-1934

Comme nous l'avons vu, l'introduction du son dans les films en 1927 a porté un intérêt du monde cinématographique sur les comédies musicales. Plusieurs spectacles de Rodgers et Hart ont été adaptés en films, même s’ils ont été souvent profondément modifiés à cette occasion. Spring is Here (), Leathernecking (basé sur Present Arms ()), et Heads Up () sont tous devenus des films en 1930. Comme on pouvait s'y attendre, les studios de cinéma ont alors voulu embaucher des auteurs-compositeurs pour écrire des comédies musicales directement pour l'écran. Dans le même temps, la crise de 1929 a rendu plus difficile de monter des spectacles à Broadway, comme d’autres créateurs de chansons populaires avant eux, Rodgers et Hart vont faire le voyage vers l’Ouest des États-Unis et Hollywood, où l’industrie du cinéma est en pleine activité, pour réaliser des spectacles destinés à remonter le moral du public.

  Love Me Tonight (1932)    

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«Love Me Tonight»

Le premier film du duo, qui ne soit pas une adaptation de l'une de leurs oeuvres à la scène, est Love me tonight (). Le film produit et réalisé par Rouben Mamoulian, met en vedette Maurice Chevalier dans le rôle d'un tailleur qui se fait passer pour un noble et Jeanette MacDonald, la princesse dont il tombe amoureux. On parlait de films ayant pour but premier de remonter le moral du public!

Il s'agit d'un film «pre-code» (les films qui ont été réalisés avant le «Hays code» appliqué dès 1934, qui instaurait une censure importante). Il durait originellement 104 minutes mais pour la réédition aprèsb 1934, huit minutes d'images ont été censurées. Les huit minutes d'images manquantes n'ont jamais été restaurées et sont présumées définitivement perdues. Les suppressions connues incluent une scène de la partie de Myrna LoyMyrna Loy qui chante "Mimi" dans une tenue beaucoup trop déshabillée pour le «Hays code».

Dans son livre Hollywood dans les années 30, John Baxter déclare: «S'il y a une meilleure comédie musicale des années 30, on se demande ce que cela peut être.« En 1990, Love me tonight () a été sélectionné pour la préservation dans le Registre National du Film des États-Unis par la Bibliothèque du Congrès comme étant «culturellement, historiquement ou esthétiquement significatif».

Le film comprend des chansons qui vont devenir des classiques de Rodgers et Hart: Love Me Tonight, Isn't it Romantic?, Mimi et Lover. Il faut souligner que Lover n'est pas chanté de façon romantique, comme c'est souvent le cas dans les boîtes de nuit, mais de façon comique, alors que le personnage de Jeanette MacDonald tente de contrôler un cheval indiscipliné. La mise en scène de Isn't it Romantic? était révolutionnaire en son temps car grâce au montage, différents chanteur (ou groupe de chanteurs) se trouvant à des endroits différents se transmettent les différentes arties de la chanson.

Love me tonight () est le septième film le plus populaire au box-office américain en 1932.

  The Phantom President (1932)    

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«The Phantom President»

Leur second film original hollywoodien, The Phantom President () est une satire politique basée sur le roman de George F. Worts. Il raconte l’histoire fictive d'un candidat à la présidence américaine, T.K. Blair, que son parti juge incolore et rigide. Il est donc décidé de le remplacer dans ses apparitions publiques par une doublure charismatique, découvert dans un cabintet de médecine: Doc Varney. Il est très efficace comme sosie, car il arrive même à faire tomber dans le panneau la petite amie de Blair, ce qui fournit au film une belle intrigue romantique.

Le film, réalisé par Norman Taurog, avait pour vedette George M. Cohan (dont nous avons déjà beaucoup parlé ), Claudette Colbert et Jimmy Durante. On connait le «mauvais caractère» de Cohan, mais dans ce film cela va être très clair. Selon Rodgers, Cohan était profondément mécontent de devoir travailler avec Rodgers et Hart sur le film. Cohan était amer que son type de théâtre musical soit passé de mode, supplanté par les spectacles plus instruits et musicalement sophistiqués de Rodgers et Hart, entre autres. Pendant le tournage, Cohan se référait sarcastiquement à Rodgers et Hart comme "Gilbert et Sullivan". Cohan jouait les deux rôles: T.K. Blair et Doc Varney.

Il s'agit d'un des plus gros flops de la Paramount en 1932.

  Hallelujah, I'm A Bum (1933)    

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«Hallelujah, I'm A Bum»

Ce film réalisé par Lewis Milestone se déroule durant la «Grande Dépression» qui a suivi la crise de '29. Hallelujah, I'm A Bum () a en tête d'affiche l'icône du cinéma parlant: Al Jolson.

Bumper (Al Jolson) est un vagabond, leader d’un étrange groupe d’excentriques qui traînent autour de Central Park à New York. Parmi ses adeptes figurent Egghead (Harry Langdon), Sunday (Chester Conklin), Acorn (Edgar Conner), The General (Victor Potel), Orlando (Tammany Young) et Apple Mary (Louise Carver). L’idole de Bumper est le maire Hastings (Frank Morgan), dont il a sauvé la vie et avec qui il déjeune fréquemment au Park Casino. Bumper est toujours à portée de main pour ouvrir la porte de la Rolls Royce du maire, et ce dernier se fait un point d'honneur de s’attarder un moment à l’entrée et écouter la philosophie et les idées fantasques de Bumper sur la vie. Grâce à son contact avec le maire, Bumper est capable d'«influer» sur les choses quand les autres vagabonds ont des problèmes. De son côté, le maire ne comprend pas pourquoi Bumper, un homme exceptionnellement brillant, se contente de passer sa vie dans le parc, ne faisant rien.

Le maire, malgré tout son pouvoir et sa popularité, est malheureux. Il est amoureux - et follement jaloux. Il croit que sa bien-aimée June Marcher (Madge Bellamy) a une «double vie». Lors d'un déjeuner, il glisse 1.000$ dans son sac à main. Mais elle égare son sac et le maire l’accuse de l'avoir donné à un autre homme. Bumper retrouve le sac à main et l’apporte à l’adresse contenue dans le sac à main. C'est le maire, très énnervé, qui l'accueille. Il ne voit pas June, qu'il ne connait pas par ailleurs.

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«Hallelujah I'm a Bum» (1933)
Chester Conklin (Sunday), Madge Evans (June) and Al Jolson (Bumper)

Plus tard, après cette crise, la malheureuse tente de se suicider en sautant d’un pont et est secourue par Bumper, mais elle a perdu la mémoire. Il l’emmène chez Sunday. Il se rend ensuite chez le maire, lui expliquant qu'il a un nouvel intérêt dans la vie, connu sous le nom d’Angel. Pour cette raison, il demande au maire de lui trouver un travail. Il dépense tout son argent pour rendre Angel heureuse et elle tombe amoureuse de lui. Pendant ce temps, le maire, découragé de ne pas être en mesure de localiser June disparue, participe à une beuverie et est retrouvé endormi dans le parc par les amis de Bumper, qui le ramènent chez lui et préviennent Bumper. Pendant que Bumper essaie de le dessoûler, Hastings commence à parler à une photo. Bumper découvre que la femme sur la photo est celle d’Angel, et que la fille de ses rêves est la chérie du maire. Bumper emmène son ami chez Sunday. La vue du maire et sa voix alors qu’il la serre dans ses bras restaure la mémoire de Sunday. Elle supplie d’être emmenée loin de «cet horrible endroit». Tout ce dont elle se souvient c’est de marcher dans le parc la nuit. Bumper est un étranger pour elle. Le maire la soustrait à la vie de Bumper qui retourne au parc et à son ancienne vie.

Juste pour la petite histoire, le rôle de June avait d’abord été proposé à la femme d’Al Jolson, Ruby Keeler, mais elle a décidé qu’elle ne voulait pas faire ses débuts au cinéma face à son mari. Cela s’est avéré être une bon choix, du moins pour elle, car son premier film, 42nd Street (), a été un succès majeur tandis que Hallelujah, I'm A Bum () a lieu été un un flop majeur. A un tel point que la poids sur Jolson d'avoir une femme devenue plus populaire que lui, a conduit à la rupture de leur mariage.

  Intermède - Une chanson «Blue Moon»  

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Les méthodes de travail d'Hollywood sont très différentes de celles de Broadway. Nombreuses sont les chansons qui ont été écrites pour une séquence bien déterminée d'un film et qui soit sont inutilisées ou sont parfois adaptées à plusieurs reprises pour satisfaire aux besoins d’une action toujours en pleine évolution au fur et à mesure du tournage des films. En 1934, Rodgers et Hart composent une chanson qu’ils intitulent Prayer pour Hollywood Party, un film avec Laurel et Hardy totalement oublié de nos jours. La chanson était écrite pour la vedette du film, Jean Harlow, mais elle s'est retirée du film et la chanson a été abandonnée.

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Peu après, on demande aux deux partenaires de réécrire la chanson pour les besoins d’un autre film, Manhattan Melodrama, mais là encore la chanson ne sera pas utilisée.

Dans un troisième essai pour lequel elle est réintitulée The Bad In Every Man, avec de nouvelles paroles, elle doit être utilisée dans une scène de film dont l’action se passe dans un club de Harlem. Les producteurs jugent que la chanson n’est pas suffisamment commerciale et Hart doit se remettre au travail pour écrire une quatrième version, toujours sur la même mélodie, qui ne sera pas, elle non plus, utilisée.

C’est cette nouvelle version qui sera finalement publiée sous le titre Blue Moon et qui deviendra l’un des fleurons du catalogue des chansons écrites par Rodgers et Hart, et la seule qui ne fut créée ni pour un spectacle de Broadway, ni pour un film musical.

  Mississippi (1935)    

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«Mississippi»

Leur dernier film hollywoodien sera Mississippi, un film réalisé par A. Edward Sutherland, avec en tête d'affiche Bing Crosby, W.C. Fields et Joan Bennett.

Le Commodore Jackson (W.C. Fields) est le capitaine d’un showboat sur le Mississippi à la fin du XIXème siècle. Tom Grayson (Bing Crosby) est fiancé et a été déshonoré pour avoir refusé de se battre en duel avec le Major Patterson (John Miljan).

Accusé d’être un lâche, Grayson rejoint le showboat de Jackson. Pendant toute la durée du film, le comportement du doux Tom Grayson évolue car il est présenté en permanence par le Commodore Jackson comme le «célèbre Colonel Steele», «the Singing Killer». pour tout amplifier, Jackson, à chaque cadavre croisé flottant le long du Mississippi, l'attibue à une victoire en duel de Grayson: «encore une autre victime du célèbre colonel Steele, le tueur chantant».

Le film fournit suffisamment d’occasions à Crosby de chanter les chansons de Rodgers et Hart, y compris le numéro de pièce maîtresse, Soon, tandis que W.C. Fields raconte ses histoires aberrantes. Crosby et Fields ont très bien collaboré et il y a une scène mémorable dans laquelle Fields essaie d'expliquer à Crosby comment sembler plus dur. Dans le film, Crosby fait un certain nombre de gags visuels brillamment conçus - le cinéma muet n'est pas si loin - impliquant une chaise et un couteau. Un autre moment notore du film est l’histoire que raconte Fields à propos de ses exploits dans une célèbre tribu indienne!

Lorsque Bing Crosby a été sélectionné pour ce film, il a demandé qu’une chanson soit ajoutée. Mais, Rodgers et Hart étaient déjà quitté définitivement Hollywood pour revenir à New York. La chanson, It’s Easy To Remember a été composée par le duo à New York et ils ont envoyé une démo à Hollywood. Elle est devenue le plus gros succès du film.

 

Cette expérience hollywoodienne de quelques années a laissé les deux partenaires particulièrement frustrés et leur retour à Broadway se fait sous des auspices beaucoup plus agréables.