7.
1927 1943 - Difficultés

 8.5.
Rodgers et Hammerstein
avant le duo R&H


 8.7.
Lancement du projet
«Oklahoma!»

 9.
1943 1964 - Golden Age

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Revival de «Porgy and Bess» en 1942

Comme nous l’avons vu, les plans d’Hammerstein pour ramener Show Boat () à Broadway en 1942 n’ont pas été couronnés de succès. Il faudra attendre 4 ans de plus!

Par contre, le revival de Porgy and Bess () au Majestic Theatre (286 représentations àpd 22 janvier 1942), produit par Cheryl Crawford a remis la lumière sur cette œuvre majeure créée en 7 ans plus tôt par la Theatre Guild.

Le spectacle est cependant fort différent... Par rapport à l’original, le revival produit par Crawford avait une distribution réduite (près de moitié) et un orchestre plus petit (27 musiciens à la place de 44 à la création), et le dialogue parlé a remplacé une bonne partie du récitatif. Le sepctacle s’est joué jusqu’au 26 septembre 1942 avant de partir en tournée jusqu’au 8 avril 1944 (!!!), repassant brièvement à Broadway du 13 septembre au 2 octobre 1943. La version orginale de la Theatre Guild avait tenu l'affiche pour 124 représentations. Le revival fera mieux avec 286 représentations plus 24 lors du return de septembre '43. L'oeuvre aura encore quatre revival à Broadway jusqu'à aujourd'hui.

Kurt Weill a vu le spectacle et avait une avis mitigé:

«Hier, j’ai vu Porgy. Ils ont fait du bon travail. C’est maintenant beaucoup plus un spectacle qu’un opéra. Ils ont un casting merveilleux et le tout est très vivant et rafraîchissant. Les chansons sont toujours magnifiques, mais le reste de la partition est assez mauvaise. J’ai écouté le premier rêve de «Lady in the Dark» dans la soirée et je trouve que c’était une bien meilleure musique.»

Kurt Weill

 

Hammerstein manifesta lui de l’enthousiasme – même si cela pouvait être une forme d’opportunisme, rappelons que sa carrière est dans un «creux» – en écrivant à Ira Gershwin le 2 février 1942:

«Les gens avaient entendu dire qu’il y avait quelque chose de bon en ville: un projet musical qui ne consistait pas en une simple juxtaposition de nombreuses chansons, de morceaux burlesques et de numéros comiques. Et je crois qu’ils avaient faim de qualité de ce genre.»

Oscar Hammerstein II

 

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Revival de «Porgy and Bess» en 1942

Helburn de la Theatre ligue n’a pas pu pas non plus ignorer l’impact du revival de Porgy and Bess (). Il s'agit d'un spectacle qui a été créé à la Theatre Ligue.

Mais ce succès est d'autant plus important que nous sommes au moment même où ses propres pensées se tournaient plus que sérieusement vers la création d’un musical basé sur Green Grow the Lilacs qui, en fait, pourrait, selon elle, devenir le successeur pour la Theatre Guild à l’«opéra folk» des Gershwins.

Helburn fit certainement le lien à plusieurs reprises, comme en écrivant à Lynn Riggs, l'auteur de la pièce Green Grow the Lilacs, le 18 mai 1942:

«Je me demande si Garrett Leverton vous avait parlé de notre espoir et de nos plans d'une opérette basée sur Green Grow the Lilacs? Il m’a dit qu’il en avait déjà discuté avec vous et qu’il avait même approché Kern et que vous étiez entièrement positive. Nous allons donc de l’avant avec nos travaux préparatoires et espérons avoir quelque chose de précis à présenter très bientôt. Je crois que cela sera une grande opérette — et qu’il devrait faire pour sa région ce que Show Boat et Porgy and Bess ont fait pour la leur. Voici l’espoir! Si vous avez des idées à ce sujet, écrivez-moi.»

Theresa Helburn (Theatre Guild)

 

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Revival de «Green Grow the Lilacs» en 1940

C’est la première trace concrète concernant les plans d’Helburn à propos d’Oklahoma! (). Remarquons qu'elle utilise le terme «opérette». Par ailleurs, elle est belle son idée que cette «opérette» pourrait faire pour le Southwest ce que Show Boat () avait fait pour le fleuve Mississippi, et Porgy and Bess () pour Charleston, en Caroline du Sud. On retrouve un profond ancrage américain.

Mais ces plans semblent avoir mijoté depuis un certain temps dans l'esprit d'Helburn. En effet, eu 15 au 20 juillet 1940, un revival de la pièce Green Grow the Lilacs se joue au Westport Country Playhouse, un théâtre appartenant à Lawrence Langner (co-fondateur de la Theatre Guild) et sa femme Armina Marshall (productrice à la Theatre Guild) près de chez eux, dans le Connecticut. Ce théâtre proposait des saisons estivales. La mise en scène était de John Haggott (il sera le directeur de production pour la préparation de la première d’Oklahoma! ()) et les chorégraphies de Gene Kelly. Elaine Anderson, l'assistante du stage manager de la production de Westport (et aussi d’Oklahoma! ()) se souvient plus tard qu’après une représentation, Helburn (qui avait aussi une maison de campagne près de Westport) est venue féliciter la distribution en disant:

«Ce serait un bon musical!»

Theresa Helburn (Theatre Guild)

 

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Le Westport Country Playhouse en 1960
© Photo Paul Ehrismann

Encore une fois, selon Anderson, Richard et Dorothy Rodgers ont également été invités à Westport («Après tout, Dorothy et Dick étaient tout près, en haut de la route à Fairfield.»). Peu après, lui, Helburn et Langner ont discuté de l’idée d’Helburn d'une adaptation musicale, que Rodgers a approuvée, laissant également entendre qu’il pensait déjà à Hammerstein comme collabo­rateur parce que, selon lui, la pièce n’intéresserait pas Hart. Nous savons que la raison est autre.

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Revival de «Liliom» en 1941

Signalons qu'il est presque devenu une habitude pour la Guild de proposer un revival à Westport de pièces qui pourraient être adaptées en musical: Liliom de Molnár y a été présenté à l’été 1941, et plus de dix ans plus tard, en 1952, la même chose a été faite pour Pygmalion de Shaw lorsque la Guild tentait de persuader Lerner et Loewe d’adapter la pièce en musical (ce qu'il feront avec My Fair Lady (), mais pas en collaboration avec les équipes de la Theatre Guild).

On ne sait pas très bien si Hammerstein a vu la version de la pièce Green Grow the Lilacs au Westport Country Playhouse. Quoi qu'il en soit, il connaissait bien l'oeuvre. Dans une interview pour un communiqué de presse lors des Try-Out à Boston d’Oklahoma! () – qui sont les seconds Try-Out après ceux de New Haven – Hammerstein raconte - mais il ne faut pas tounours croire ce qu'il raconte, surtout dans un but promotionnel - qu'il avait déjà pensé à transformer Green Grow the Lilacs en musical avant même que Rodgers ne lui téléphone pour dire que la Guild pensait à le faire. Il y explique ce qui selon lui en a fait un tel succès:

«Il y a longtemps qu’aucun musical n’a eu une telle saveur américaine que celui-ci. Ce genre de spectacle est mon dada. C’est une des raisons pour lesquelles mon musical préféré, parmi tous ceux que j’ai faits, est Show Boat.
Bien sûr, comme tout musical, Away We Go! [le titre d'Oklahoma! [) lors des Try-Out] a eu ses problèmes, et certains d’entre eux étaient importants. L’art du musical est d’entrer et sortir des chansons si facilement que le public n’est pas conscient que vous sautez du dialogue au chant. L’art, vous comprenez, n’est pas de sauter mais de suinter. La raison pour laquelle c’est si important dans ce spectacle est qu’il exige un réalisme beaucoup plus grand que les musicals ordinaires. La pièce est bonne et a une histoire réaliste, donc chaque chanson et chaque danse doivent être motivées et bien placées dans l’histoire pour qu’il soit tout à fait naturel pour les gens de chanter et de danser. C’est la chose principale que nous avons recherchée. Ça, et garder la saveur, l’esprit lubrique du script original. Green Grow the Lilacs a été si bien écrit qu’on a supplié d'en faire une adaptation musicale.»

Oscar Hammerstein II


Encore une fois, il s’agissait de remarques à l’intention de la presse, alors il n’est pas surprenant de trouver ici certains des thèmes qui reviennent à maintes reprises lors de la réception subséquente d’Oklahoma! ():

  • l’«essence américaine» de l’œuvre
  • le lien avec Show Boat ()
  • la recherche de l’intégration (du dialogue au chant)
  • le plus grand réalisme et le plus naturel
  • la qualité littéraire et artistique de la pièce et donc du musical.

Cependant, les commentaires de Hammerstein résonnent avec quelque chose de plus que de simples platitudes journalistiques: il semble sincèrement avoir senti que Green Grow the Lilacs était intrigant, stimulant, et en fait différent.