Un musical romantique, captivant et plein de suspense
Après «Elisabeth», nous sommes très heureux de vous présenter un autre musical de Michael Kunze et Sylvester Levay, basé sur le célèbre roman de Daphne du Maurier et le film d’Alfred Hitchcock.

Michael Kunze et Sylvester Levay, les maîtres du musical germanique, reviennent à Bruxelles avec Rebecca. Les créateurs d’Elisabeth et Mozart! ont aussi signé cette pépite glaçante, enfin jouée pour la première fois en Belgique sous le prestigieux label du Festival Bruxellons! Une excellente raison de faire un détour par le Karreveld !
MANDERLEY A MOLENBEEK
Rebecca nous plonge dans l’histoire de « Moi », une jeune femme modeste engagée comme dame de compagnie de la riche Américaine Mrs. Van Hopper. En vacances à Monte Carlo, elles rencontrent Maxim De Winter, un veuf fortuné. Son épouse, Rebecca, s’est noyée dans des circonstances troubles après une sortie nocturne en bateau. Entre Maxim et « Moi », une idylle naît rapidement, et il l’emmène vivre à Manderley, son domaine. Là-bas, elle est accueillie froidement par la gouvernante, Mrs. Danvers, encore dévouée à Rebecca et convaincue de son retour. Mrs. Danvers va tout faire pour chasser la nouvelle venue…
Le livret de Rebecca est relativement simple, avec une trame de thriller qui tourne rapidement autour d’une seule question : que s’est-il réellement passé avec Rebecca ? Michael Kunze a passé deux ans à écrire le livret, qui aurait peut-être gagné à semer davantage de petits indices ou énigmes. Sylvester Levay a pris à son tour deux ans pour composer la partition, aboutissant à une œuvre profondément germanique, dans la veine de Elisabeth, Mozart! ou Tanz der Vampire. Deux grands leitmotivs traversent la partition, donnant aux personnages une identité musicale très reconnaissable.
Pour rendre justice à cette œuvre, il faut une distribution solide comme le roc. Jeremy Petit incarne Maxim De Winter, un personnage d’abord fermé, rigide, peu attachant, mais qui se dévoile avec émotion vers la fin – moment où Jeremy peut pleinement montrer l’étendue de son talent. Vocalement irréprochable, il forme un duo magique avec Laura Tardino (dans le rôle de « Moi »). Leur harmonie vocale est saisissante. Laura incarne avec finesse l’évolution de son personnage, de jeune femme naïve à véritable Lady.
Marie-Aline Thomassin campe une formidable Mrs. Van Hopper, véritable caricature de nouveau riche, sans gêne pour elle-même mais toujours prompte à juger les autres. Son I’m an American Woman est un pur moment de théâtre – on lui pardonne sans mal quelques notes moins stables tant l’interprétation est réjouissante.
Damien Locqueneux campe un excellent Frank Crawley, intègre et loyal envers Maxim. Raphaëlle Arnaud (Bee) et Mathias Fleurackers (Ben) apportent chacun un contrepoint juste et sensible à l’intrigue, tant sur le plan vocal que dramatique. Laurent Kiefer (Colonel Julyan) a le plus petit rôle, mais il brille aussi dans les parties d’ensemble où son engagement et son talent sont indéniables. Et quel ensemble ! Le chœur est véritablement l’épine dorsale du spectacle : il assure transitions, effets visuels et cohérence dramatique avec brio.
Dans le rôle de Jack Favell, Nathan Desnyder se distingue par son naturel et son aisance. Il incarne son personnage jusqu’au bout des ongles. Délicieusement antipathique, mais pourtant fascinant.
Mais la star incontestée de la soirée, c’est Liesbeth Roose. Elle campe une Mrs. Danvers absolument magistrale, une « garce » d’anthologie. Animée d’une foi presque mystique dans le retour de Rebecca, elle exprime son mépris pour « Je » au moindre mouvement. Avec une expressivité sidérante, elle peut dire une phrase entière d’un simple regard. Vocalement, elle allie toutes les nuances nécessaires à une puissance saisissante quand il le faut. À ce rythme-là, Manderley pourrait bien partir en fumée…
La mise en scène est signée Jack Cooper et Marina Pangos (qu’on a déjà applaudie ici dans le rôle d’Eliza Doolittle dans My Fair Lady et dans celui d’Anita dans West Side Story). La cour intérieure du Karreveld représente à chaque fois un défi colossal pour la mise en scène. Les possibilités de changement de décor y sont très limitées : il faut non seulement guider les comédiens avec précision, mais aussi imaginer des solutions ingénieuses pour éviter l’effet « stop & go » lors des entrées et sorties d’accessoires.
Ici, il est évident qu’un travail énorme a été accompli sur les transitions scéniques. L’ensemble assure ces changements avec une telle fluidité et un tel sens du timing qu’il n’y a jamais de temps mort. Et ce même ensemble excelle aussi bien dans le jeu que dans le chant : il est la véritable colonne vertébrale de toute la production.
Le décor ne change donc pratiquement pas. Mais il comporte suffisamment de portes, d’escaliers et de rampes pour créer différents lieux, soutenu par le bel éclairage de Laurent Kaye. Les costumes correspondent bien à l’époque et ne sont pas loin des images connues de Rebecca.
L’orchestre de 18 musiciens, sous la direction de Laure Campion, peut s’en donner à cœur joie avec cette musique au son ample. Et ils le font. Soutenus par un réglage sonore minutieusement affiné, on bénéficie ici en permanence d’une excellente expérience musicale, sans que l’intelligibilité en soit jamais compromise.
Avec ce Rebecca, Bruxellons! montre une fois de plus que la qualité est leur objectif principal.
Malgré les contraintes d’un théâtre en plein air, ils parviennent à chaque fois à élever un peu plus la barre.
Petit à petit, les grandes maisons de musical comprennent qu’elles peuvent laisser leurs « petits » passer l’été à Bruxelles en toute confiance.
Allez voir ça, c’est joué en français, mais il y a des sous-titres (sur le côté droit de la scène).
C’est le musical à son plus haut niveau.
Patrick Defort - Musical Vibes - 2025 07 17

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