L’une fuit sa maison de retraite,
l’autre sa famille.
Louise Rocco et Marie-Hélène Remacle

L’essentiel est de fuir. Ces deux malaimées que tout oppose font du stop au même moment et au même endroit. D’abord concurrentes, elles vont peu à peu devenir des complices. Entre fou rire et tendresse, la bonne humeur contagieuse de ces héroïnes nous emmène sur le chemin de la vie.

Personne ne sait où elle est ma place!
Margot et Claude se la disputent, cette place au bord de la nationale. Il est trois heures du matin: les pouces levés, les deux femmes tentent leur chance. Les amateurs de stop pourront certifier qu’à moins d’avoir une bonne étoile, en cette nuit d’été, les deux rivales n’iront pas bien loin… "Je joue ma vie ! – moi c’est du sérieux"... Elles finissent par avouer la raison de leur présence incongrue: Margot est partie après les 18 ans de sa fille, "20 ans de guerre des nerfs, 20 ans de résistance" ; et Claude fuit la vie moche et ennuyeuse des Glaïeuls, sa maison de retraite "où il ne pousse que des chrysanthèmes".


Cela fait des années que vous réalisez des décors pour le Théâtre des Galeries. Avez-vous un décor qui vous tient particulièrement à cœur ?
Il y en a plus d’un ! Je pense que la clé de la réussite d’un spectacle, c’est lorsqu’il existe une harmonie entre le décorateur, le metteur en scène et les comédiens. Cette harmonie essentielle, je l’ai retrouvée dans plusieurs pièces comme dans La Chatte sur un toit brûlant (Saison 2001-2002), où encore dans Amen (Saison 2011-2012)…
Mais si je dois choisir un décor qui me tient particulièrement à cœur je dirais que c’est celui de la pièce de Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien (Saison 2000-2001). Je garde un très bon souvenir de ma collaboration avec le metteur en scène, Jean Hayet. Le contact est directement passé entre nous et nous avions la même idée de départ, ce qui nous a permis d’aller assez loin dans le décor !
Je pense qu’actuellement, le problème dans la réalisation des décors, c’est que l’on a toujours tendance à faire du modernisme pour du modernisme et cela devient finalement ce que j’appelle « des décors d’ordinateur ». Dans Beaucoup de bruit pour rien, on a voulu servir Shakespeare avec une connotation actuelle. C’est à dire en respectant les lieux et en respectant la volonté de l’auteur mais en s’adaptant bien sur aux goûts d’aujourd’hui et en utilisant les moyens d’aujourd’hui… car il faut quand même être un petit peu de son temps ! Je trouve que le décor était une très belle réussite, qui incluait tout ce dont la pièce avait besoin… Les comédiens s’y sentaient aussi très bien, ce qui est important. Je peux vous dire tout ça car on m’a souvent répété par après que le spectacle avait été très apprécié par la critique, par la presse et par le public !

Vous êtes un grand amateur d’opéra. Votre passion vous a-t-elle influencé dans la création du décor de Fugueuses ?
Oui, certainement ! Il faut savoir que je travaille toujours en écoutant de la musique. Mes choix musicaux varient évidemment selon ma sensibilité du moment, mais ils influencent immanquablement mon travail de création.
Fugueuses est, en plus, un cas un peu particulier parce que tout comme dans les pièces d’opéra, c’est un spectacle qui demande beaucoup de changement rapides et visuels. C’est un exercice qui me plaît car j’aime beaucoup les changements de décor à vue. C’est un peu comme regarder un ballet....

Comment s’y prendre pour créer un décor rapidement interchangeable mais qui reste esthétique et complet ?
Cela dépend énormément de la mise en scène. Quand on a un décor comme celui de Fugueuses qui demande beaucoup de transitions, c’est la mise en scène qui dicte quand, comment et pourquoi le décor va changer, si cela sera à vue ou pas, s’il y aura un entracte ou non… Tout cela est très important.
Comme je l’ai dis, le spectacle est un peu comme un ballet… Il doit être rythmé et orchestré dès son départ en suivant l’idée du metteur en scène. En tant que décorateur, je prends ensuite toutes ces idées et je les mets par écrit. C’est en voyant les idées couchées sur papier que je commence tout doucement à les réorganiser, à y déceler un rythme, comme dans une partition. Ensuite, c’est un peu comparable à un engrenage : on fait un élément, puis un deuxième… et puis on s’aperçoit qu’il y a un point commun, un point d’accroche possible entre les deux. C’est cette facette que l’on va développer et tout fini alors par s’emboîter l’un dans l’autre ! Les changements de décor deviennent logiques.
Quant à l’esthétique, je pense qu’elle est propre à tout décorateur. Mais il faut aussi évidemment respecter l’esthétique que le metteur en scène veut donner à sa pièce, car c’est lui qui donne la voie. Certains donnent la liberté totale au décorateur et d’autres ont rêvé leur pièce avec une esthétique bien précise : des couleurs, des lignes, des formes, une dynamique… Cela passe par beaucoup de chose, mais pour une raison particulière le metteur en scène décide de s’orienter vers une direction et pas une autre.

Quel est le tableau du spectacle que vous avez eu le plus de plaisir à réaliser ?
Il y a une scène que j’aime beaucoup, c’est celle de la villa ! C’est un tableau qui me plaît car il est assez complet… mais c’est peut être un choix que je fais un peu par habitude, car je fais beaucoup ce style de décors… Je pense plutôt que la scène qui m’a vraiment inspirée et orientée, c’est la scène de la forêt.
Je ne sais pas vraiment pourquoi… mais je la trouve très poétique, il y a une sensibilité qui passe à travers ce tableau. Et puis, c’est romanesque de voir deux dames qui se rencontrent dans des circonstances un peu particulières et qui, comme par hasard, se retrouvent dans une forêt et commence une séries d’aventures inconnues… Fugueuses est un petit conte de fée !

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