Que la folie est contagieuse quand elle est heureuse !
Voici donc une pièce déconcertante, poétique et folle, qui met les sens, sens dessus dessous.
Rencontre avec Victoire Berger Perrin, qui signe l’adaptation et la mise en scène du roman d’Olivier Bourdeaut.
Bonjour Victoire, comme c’est la première fois que les spectateurs du Public te rencontrent, peux-tu nous partager qui tu es ?

Photo © Pascal Rousse
Quand on débarque comme ça dans le métier, comment fait-on pour se construire des références ?
Comme petite fille, j’ai toujours adoré faire des spectacles dans ma chambre, mais ce n’est pas du tout ma formation, j’ai étudié dans un tout autre domaine ce qui fait que pour la culture classique, je n’ai que les bases qu’on m’a enseignées à l’école. Et pour être tout à fait honnête, ce ne sont pas ces bases qui m’ont poussée dans le métier. Ce qui m’a attirée et ce qui me passionne maintenant, c’est le goût pour le spectacle vivant. Cette possibilité extraordinaire de partager des émotions en live, ensemble dans une salle, avec des gens qu’on ne connaît pas, la magie sans cesse renouvelée, de la rencontre avec le public, de l’instantané du moment partagé. Même si j’ai eu beaucoup de chance, pour entrer et pour me faire accepter dans le métier, j’y suis aussi arrivée parce que j’ai « vendu » mes capacités de chargée de production et de diffusion et aussi mes aptitudes de communicatrice, toutes ces choses auxquelles mes études de commerce m’avaient préparée, qui m’ont rendue pertinente et qui m’ont permis de m’intégrer et de comprendre et de connaître en profondeur toutes les facettes du métier.
Et qu’en est-il de ta rencontre avec En Attendant Bojangles ?
Quand le livre est sorti en 2016, mon compagnon tombe sur un article. Et il reconnaît l’auteur ! Il éclate de rire : ils étaient en classe ensemble dans un collège de Nantes. Au souvenir du cancre qu’était Olivier Bourdeaut à l’époque, mon mari était épaté. On s’est précipités pour lire ce premier roman hors norme que la presse encensait déjà. Pour ma part, ce fut directement un gros coup de cœur. J’ai trouvé cette histoire tellement touchante et magnifique. Et pas seulement le récit, il est raconté avec des mots sublimes, un style délicat et original. Et en plus, cette trouvaille tombait pile au moment où je cherchais à me lancer dans un projet personnel. J’étais en même temps excitée et tétanisée. Mais voilà, je me suis quand même lancée. J’ai contacté Finitude, la petite maison d’édition qui l’avait publié et, en parallèle, j’ai écrit à l’auteur via des amis de jeunesse de mon mari. Tout le monde m’a poliment remerciée pour ma gentille proposition, mais… les ventes du livre s’étaient envolées et je n’étais pas la seule ! Il a donc fallu que j’étaye ma demande en développant la façon dont je voulais aborder le projet. J’ai planché sur un dossier avec la proposition d’approche et d’adaptation de l’univers et l’idée que je voulais exploiter dans la mise en scène. Et là encore la chance, j’ai été choisie ! Heureusement, je les avais contactés tout au début de l’aventure et à l’époque on n’était que trois à y avoir pensé, après, ils ont été approchés par le cinéma, mais c’est une autre affaire.
Avant d’être la metteuse en scène du spectacle, tu es l’adaptatrice de ce premier roman au succès aussi inattendu que mérité. Comment s’y prend-on pour adapter les 350 pages du livre en 1h15 de spectacle ?
Faire une adaptation, c’est avant tout poser des choix. Il y en a toujours beaucoup plus dans un livre que dans une pièce ou un film. Ici, mon premier choix s’est fait autour des personnages. J’ai décidé de ne garder que le trio de la famille, ce noyau fusionnel et essentiel et d’oublier tous les autres. Ce sont des renoncements très difficiles, comme de décider de ne pas incarner Mademoiselle Superfétatoire, leur grue-animal de compagnie, mais qui reste présente en creux, je vous rassure. J’ai aussi dû supprimer L’Ordure, leur meilleur ami. Mais là aussi, j’ai trouvé le subterfuge pour qu’il puisse être un peu présent :
régulièrement, le fils imite le personnage pour lui permettre de faire des incursions dans le récit. Une autre grande difficulté à laquelle j’ai été confrontée est qu’il s’agit d’un roman très poétique parce qu’il est vu par les yeux de l’enfant qui en est le narrateur. Ce ne fut pas une décision simple, mais, finalement, j’ai décidé de garder ce parti pris qui me semblait incontournable. Dans la pièce, on alterne donc entre de la narration et des périodes de jeux de « l’enfant ». Et, pour équilibrer cette narration externe, j’ai décidé d’en donner aussi une partie au père à qui je fais écrire ses mémoires. On se retrouve alors avec l’alternance des points de vue du fils et du père qui racontent les situations. Au milieu d’eux, il y a la mère, objet de toutes leurs attentions. Elle, n’a que des périodes de jeux, nous, spectateurs assistons à ce qu’elle fait, mais n’avons jamais son point de vue.
C’est la première fois que tu travailles en Belgique, comment se passe ta rencontre avec notre Plat Pays et nos starekes nationales : Tania et Charlie ?
C’est grâce à eux que cette histoire a commencé. Il y a un moment, j’ai assisté à une représentation de Tuyauterie de Philippe Blasband à Paris. J’ai adoré Tania et Charlie que j’ai ensuite revus à Avignon dans Les émotifs anonymes. Encore un grand moment ! D’autant que cette fois, nous avons eu l’occasion de nous rencontrer. Nous avons sympathisé, bien sûr, comment ne pas sympathiser avec eux ? Et, comme j’étais déjà sur le projet Bojangles, les choses se sont enchaînées, ils m’ont proposé de venir à Bruxelles les mettre en scène dans ce couple fantasque. Je ne pouvais pas refuser ! Après, il a fallu compléter la distribution : je partais avec un couple formidable, mais encore fallait-il trouver le bon enfant. Nous avons organisé des auditions et sans l’ombre d’un doute, nous avons choisi Jérémie. La famille existait. On pouvait se lancer dans l’aventure.
Quant à la Belgique, je n’ai pas encore eu l’occasion d’en profiter, je ne suis que dans les répétitions, mais quand la pièce sera lancée, je compte bien en découvrir plus et en profiter, si, comme on me le dit, elle est à la hauteur des habitants que j’ai déjà rencontrés, je vais l’adorer.
Propos recueillis par Deborah Danblon

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