Amour, amitié, passion, émotion, haine…
La plus célèbre des pièces de Shakespeare au Karreveld

Cinq jeunes gens Roméo et Juliette, Mercutio, Tybalt et Paris devront perdre la vie pour que trois vieux puissent continuer la leur… A quoi sert le sacrifice des jeunes gens?
Roméo et Juliette n'est pas une tragédie … C'est plutôt une comédie qui tourne mal.
Malgré l'interdit de leurs parents, Roméo et Juliette se trouvent, se rencontrent, se marient, font l'amour… Sans le contretemps d'une lettre qui n'arrive pas à son destinataire, l'issue pourrait en être heureuse….
La vie est parfois tragique, mais elle est aussi parfois terriblement bête. La pièce est une course-poursuite, très brève, entre le malheur et le bonheur, et jusqu'à l'ultime péripétie, on ne sait toujours pas qui va gagner.


Vous aimez l'amour ? Courez voir le Roméo et la Juliette du Karreveld. Ces deux-là s'aiment par-dessus tout, les comédiens qui les incarnent aussi. Denis Carpentier et Christel Pedrinelli s'investissent avec fougue et passion, sans fard, pour donner vie aux amants de Vérone et à des scènes d'une impressionnante sensibilité toute naturelle. Pour servir au mieux Shakespeare : L'amour des jeunes gens n'est pas vraiment dans le coeur, il n'est que dans les yeux.

La scénographie de Xavier Rijs leur réserve l'intimité qui leur sied via un plateau juché sur des escaliers, rehaussée par les lumières de Laurent Kaye, de l'aube à l'embrasement. La construction permet en outre de camper les trente-sept comédiens de la pièce. Si grouillante soit-elle, la mise en scène de Daniel Hanssens ne fait jamais désordre, sur des fonds sonores très appropriés, tel Massive Attack en pleine tension dramatique.

Pascal Racan est le père de Juliette, toujours aussi imposant. Laurence d'Amelio, en Madame Capulet, est tout aussi crédible dans ses cris et ses habits de drag queen. La nourrice (Nicole Valberg) souffre par contre de quelques excès de ton. A l'inverse, Juliette, pourtant juste, ne parvient pas toujours à porter sa voix assez loin. Christel Pedrinelli a la candeur et l'ardeur de l'héroïne. Mais Shakespeare lui-même lui fait dire : Que n'ai-je la voix du fauconnier pour appeler son oiseau, Roméo, irréprochablement interprété. Denis Carpentier sert son personnage avec une énergie toujours vraie, dans l'abattement, la joie ou les excès.

Didier Colfs, en martial Mercutio, est impeccable. Son rival, Tybalt (Nicolas Dubois), est assez adéquat, surtout quand la colère le fait trembler. Mais méfiez-vous de l'homme qui dort, Pierre, le serviteur des Capulet. Sous ses airs bonhommes et malgré son petit rôle, il en viendrait presque à voler la vedette aux amoureux pour s'imposer en coqueluche du public. Nicolas Géal est drôle, sa stature impressionnante, sa gestuelle appropriée. Enfin, si le prince de Vérone (Claudio Dos Santos) déçoit par une sévérité exagérée, Philippe Vauchel n'a aucun mal à imposer son frère confesseur et marieur.

Tout ce monde est réuni pour les rixes, mais aussi pour les danses. Au bal masqué des Capulet, malgré quelques longueurs, la chorégraphie d'Antoine Guillaume est un vrai moment de plaisir. Les ombres chinoises ajoutent à la magie. Le chorégraphe-comédien est aussi un infâme Paris, très juste, une vraie tête à claques gantée très bien campée.

Daniel Hanssens a réussi à concrétiser son idée de la pièce de Shakespeare, une comédie qui tourne mal. Le cadre du château offre à ceux qui restent au pays de l'évasion aux accents italiens. De l'émotion aussi, soulignée par les arrangements musicaux de Laurent Beumier. Ce que l'amour peut faire, l'amour ose le tenter. Le théâtre aussi.·

Le Soir - 17/7/2003 - Anne-Sophie Leurquin

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