Ils veulent s'aimer,
mais le destin les sépare obstinément…

«Que feront les enfants de cette avalanche d’impossibilités amoureuses? Comme nous, ils rêveront de faire mieux et se régaleront d’une technique théâtrale qui flatte l’art éternel du clown.» (Le Soir)


Elle a des cheveux roux en pétard et une merveilleuse mobilité des traits, il a une bonne bouille madrée et ronde, rousse et bouclée, et tous deux ont le bout du nez un peu plus rouge que la normale: clowns, certes, mais si ressemblant aux humains que nous sommes! Sandrine Hooge et Eric De Staercke ont décidé de mettre à vif les multiples facettes de l'amour avorté, de ses blessures camouflées. Et les choses les plus terribles se disent, se jouent, se tapent dessus, les corps réveillant les mots, révélant ce qu'ils taisent sans que se tarisse le joyeux entêtement à reformer "le couple". Emerveillement cassé de la première rencontre où usure conduisant à la haine: les meilleures intentions dérapent dans une multitude de séquences très contrastées depuis la naissance de l'infidélité jusqu'au machisme total.

La seule histoire réussie se chuchote dans les rapports du pianiste à son téléphone, à l'ami Roger... Etonnant Serge Bodart, lunaire derrière ses grandes lunettes, les doigts égrenant sa petite musique d'atmosphère. Il ramène parfois les corps dans le droit chemin, et sort de sa réserve pour se travestir en part féminine d'un adultère!

Guidé par l'œil scénique de Jaco Van Dormael, entre rideau et canapé vert, ce trio vous concocte une de ces soirées bonheur qui décapent votre quotidien d'amour et déchirent ses miroirs consensuels, dans l'éclat de rire!

Aucune faille dans la maîtrise physique, dans la précision rythmique: la troupe puise à la gestique du cinéma muet, aux duos de pure clownerie, au vaudeville classique, à la chanson, au mime, à l'acrobatie, mais aussi aux textes amers et absurdes. Le tout est emballé sans perdre haleine, dans l'allégresse cathartique, mais sans jamais perdre sa richesse de métaphores. Exemple limpide: qui veux m'aimer? Répète-elle inlassablement, plaintivement, sans entendre les je t'aime qui lui répondent et finissent par se lasser! Ne reste qu'à créer un espace protégé comme pour les non-fumeurs, Un espace où l'on pourrait s'aimer un tout petit peu … avant de mourir

Le Soir — Michèle Friche — 17 mai 2001

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