Un hymne à la tolérance et à la vie servi par une magistrale interprétation d’Itsik Elbaz et de Janine Godinas
Le chef d'oeuvre de Romain Gary, récompensé d'un Goncourt en 1975, est un hymne à l'amour, un éloge à la vie pour tous ceux qui pensent que quels que soient les aléas de l'existence, d'où qu'on soit, où qu'on aille, on a toujours la vie devant soi.
Michel Kacenelenbogen monte “La Vie devant soi” de Romain Gary/Emile Ajar.
Momo a dix ans. Depuis peu, il vit chez Madame Rosa qui a connu Auschwitz et aussi la prostitution. Pour autant, cette femme au parcours pour le moins chargé fait figure d’unique famille pour le gamin. C’est la seule maman qui lui reste. Et Momo le seul enfant qu’elle a encore, après tous ceux qu’elle a recueillis et élevés dans le quartier. Momo, bien sûr, n’est pas vraiment son fils mais, qu’importe, il est son souffle de vie.
"La Vie devant soi", roman d’un certain Emile Ajar, prix Goncourt en 1975, c’est l’histoire extraordinairement optimiste et têtue d’une amitié contre vents et marées, contre même l’Histoire qui balaie tout, entre une vieille dame juive et un petit garçon musulman. L’histoire d’un lien tissé au quotidien, avec tendresse et ironie, opiniâtreté et fidélité, générosité et cocasserie, jusqu’au bout de la vie.
Que Michel Kacenelenbogen - lui-même acteur, sous la direction d’Olivier Massart, de "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran" d’Eric-Emmanuel Schmitt, au ressort proche cousin de celui-ci - ait eu envie de mettre en scène le populaire roman de Romain Gary tombe quasiment sous le sens. Didier Long l’avait naguère adapté à la scène : créé en 2007-2008, le spectacle vaudra un Molière à la comédienne Myriam Boyer pour le rôle de Madame Rosa. Rôle pour lequel Simone Signoret reçut, elle, un César, tandis que "La Vie devant soi", réalisé en 1977 par Moshé Mizrahi, remporta l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.
"Vous êtes une personne qui fait le bien tout le temps. Je sais que y’a beaucoup de gens qui font du bien dans le monde, mais eux, ils le font pas tout le temps, il faut tomber au bon moment."
"Les choses c’est comme les gens ça n’a de valeur que si quelqu’un les aime."
"Je ne tiens pas tellement à être heureux, je préfère encore la vie."
"Quand on est môme, pour être quelqu’un, il faut être plusieurs."
"La nature fait n’importe quoi, parfois c’est des fleurs et des oiseaux et parfois c’est une vieille juive qui va mourir. Je suis pas tellement chaud pour les lois de la nature."
"Maintenant on devient de plus en plus con mais c’est parce qu’on n’est pas prévu pour vivre si vieux."
"Rien n’est blanc ou noir : le blanc c’est souvent le noir qui se cache, et le noir c’est parfois le blanc qui s’est fait avoir."
C’est en collectionneur avide de les faire partager que le metteur en scène considère les perles du roman - qu’il monte ici dans l’adaptation de Xavier Jaillard. "Comme diraient Romain Gary et Emile Ajar : il faut aimer ", note Michel Kacenelenbogen. Il dirige dans cette nouvelle production du Public, ouvrant sa saison, Janine Godinas et le jeune Nabil Missoumi (espoir masculin aux Prix de la critique pour "Aux hommes de bonne volonté" de Jean-François Caron), ainsi qu’Itsik Elbaz et Benoît Van Dorslaer.
La Libre Belgique - Marie Baudet - 31 août 2011