1.1.2.
La création du
St Empire Romain Germanique

 1.2.
1806-1813
Confédération du Rhin

 2.
1848-1898
Les années Elisabeth

On a écrit de George Bernard Shaw (1856-1950) qu’il était le plus grand auteur de théâtre anglais depuis Shakespeare. Sa personnalité, ses pièces, sans oublier ses écrits politiques et philosophiques, dominent en effet la scène littéraire anglaise du début du XXe siècle.

En dehors de son immense talent littéraire, en quoi est-il définitivement un homme à part? Grâce à son génie comique, en raison de ses prises de positions politiques irritantes pour certains, mais aussi par ses extravagances. Derrière les excentricités, il y a un homme d’une grande générosité, extrêmement intelligent, constant, secret, imperméable à toute mode…

Il s'est battu pour la justice sociale et contre les normes en vigueur…

Son humour acerbe, typiquement britannique, son anticonformisme réel dans un pays dont les élites prônaient justement le conformisme, son audace sans limites lui ont assuré une notoriété internationale.

Il sera naturiste et végétarien, bien avant les modes. Quand on s’en étonnait, il répondait simplement:

«Les animaux sont mes amis… et je ne mange pas mes amis »

Il obtient le prix Nobel de littérature pour Sainte Jeanne (1924), sa pièce à propos de Jeanne d'Arc dont il affirme qu'elle est la première protestante de l'Histoire, puisqu'elle parlait directement à Dieu sans l'intermédiaire des religieux...

Proche de l'utopie communiste, comme beaucoup d'humanistes de l'époque qui ne savaient pas encore à quel point cette pensée serait trahie par les dirigeants soviétiques et qu'elle engendrerait la monstruosité du Stalinisme, il se montre soucieux dans ses réflexions d'améliorer la condition humaine des plus démunis. Il milite pour la cause socialiste et l'égalité de tous...

«Le grand secret, (...) ce n'est pas d'avoir de mauvaises manières, ou de bonnes manières, ou toute espèce possible de manières, mais d'avoir les mêmes manières avec toute créature humaine: en somme, de se conduire comme si on était au paradis, là où il n'y a pas de wagons de troisième classe, et où une âme en vaut une autre.»

Pygmalion - George Bernard Shaw


A) Un trajet de vie

George Bernard Shaw naît le 26 juillet 1856 à Dublin. Son enfance se déroule dans un climat difficile: son père, malade et alcoolique, abandonne le foyer familial à son adolescence, et sa mère, professeur de chant et musicienne, peine à assurer les besoins de la famille. Il doit quitter l’école à 15 ans et doit une part importante de son éducation à sa seule volonté. Il lit Marx et se convertit au socialisme, seule solution possible, selon lui, aux problèmes sociaux du monde…

«Une banque vous prête un parapluie quand il fait beau et vous le reprend quand il pleut.»

«L'esclavage humain atteint son point culminant à notre époque sous forme du travail librement salarié.»

Le Héros et le Soldat - George Bernard Shaw


B) Le socialisme - La «FABIAN SOCIETY» - 1884

En 1884, l'année de sa fondation, Shaw rejoint la Fabian Society, qui est à la fois un cercle de réflexion et un club politique anglais de centre gauche. De mouvance socialiste et réformatrice, elle a été partie prenante de la création du Parti travailliste anglais en 1900. Elle a compté dans ses rangs tous les Premiers Ministres travaillistes jusqu'à 2010, ainsi que les premiers chefs d'État et de gouvernement d'anciennes colonies britanniques comme l'Inde, le Pakistan ou Singapour.

La Société Fabienne est issue d'une scission en janvier 1884 au sein du groupe des Compagnons de la nouvelle vie qui avait été fondé par le philosophe Thomas Davidson. Le 23 novembre 1883, cette société a adopté la résolution suivante:

«Les membres de la société affirment que le système compétitif assure le bonheur et le confort du petit nombre au détriment de la souffrance du plus grand nombre et que la Société doit être reconstruite de telle manière qu'elle garantisse le bien-être général et le bonheur.»

Résolution des « Compagnons de la nouvelle vie » - 1883


Cette résolution marque le début d'une scission entre ceux qui poursuivent une finalité purement spirituelle et ceux qui veulent plus s'occuper de problèmes économiques et politiques.

La Fabian Society qui naît officiellement le 4 janvier 1884 s'inscrit résolument dans le deuxième courant et va faire de la résolution précédente la base de l'adhésion des nouveaux membres.

Et, George Bernard Shaw adhère à la société en septembre 1884, Sydney Olivier et Sidney Webb en mars 1885, Graham Wallas en avril 1885. En 1889, ils publient les Fabians Essays in Socialism qui feront connaître leurs thèses. Tous ces travaux sont à l'origine de la London School of Economics qui sera fondée en 1895 par Sidney et Beatrice Webb, Graham Wallas et George Bernard Shaw.

La LSE a joué un rôle considérable dans la formation académique des élites gouvernementales, intellectuelles et économiques. Et cela à l'échelle du monde. En 2016, elle compte ainsi parmi ses anciens élèves et professeurs 19 prix Nobel et 52 chefs d'État.

L'université accueille près de 7.800 étudiants à plein-temps et 800 étudiants à temps partiel, dont 29% proviennent du Royaume-Uni, 21% des autres pays de l'Union européenne et 50% de 130 autres pays étrangers. La LSE était considérée comme la deuxième meilleure université au monde dans le domaine des sciences sociales devant Oxford et Cambridge et juste derrière Harvard.

C) L’écrivain

L’année où il rejoint la Fabian Society, Shaw décide aussi de devenir écrivain. Il écrit cinq romans, tous refusés par les éditeurs. Il se résout alors à devenir critique d’art, critique musical et critique dramatique. Il découvrira l’œuvre du grand dramaturge norvégien Ibsen (qui se définissait pour sa part comme «anarchiste aristocrate») qui ne cessera de l’émerveiller et l’influencer. Shaw écrira en 1891 Quintessence of Ibsenism une analyse des œuvres du dramaturge norvégien et de la réception critique de ses œuvres en Angleterre. Shaw en profite pour illustrer les imperfections de la société britannique. Il est impressionné par le chef d'oeuvre d'Ibsen, Maison de poupée. À nouveau, l'histoire d'une femme qui prend sa liberté.

À partir de 1892 environ – 8 ans plus tard donc – Shaw se lance dans l’écriture théâtrale, mode d’expression dans lequel il va exceller. De 1892 à 1950, il écrit plus de cinquante pièces.

Les trois grands thèmes de l’œuvre de Shaw sont:

  • la défense des idées libérales socialistes
  • la recherche de la vérité historique
  • la défense de la condition féminine
«Le vote des femmes ne sera jamais obtenu par des discours prononcés par des hommes au nom des femmes. Chaque fois que vous demandez à un homme de paraître à votre tribune, vous faites croire que les femmes sont incapables de plaider leur propre cause.»

L’apport de Shaw au théâtre anglais est immense, ne serait-ce que du point de vue de la technique dramatique. Il a insufflé une énergie nouvelle, en écartant l’habituel conflit des passions, devenu rituel, et en privilégiant le conflit d’idées, qu’il réussit à rendre tout aussi dramatique. Les situations, derrière lesquelles sont à l’œuvre des enjeux philosophiques, sont mises en lumière par l’humour, l’art du paradoxe, et une sorte de gaieté. On note aussi la qualité des descriptions des décors et des personnages qui accompagnent chacune de ses pièces.

C’est dans sa capacité à poser des problèmes sociaux complexes, et à les traiter avec une verve comique admirable que réside le génie théâtral de Shaw.

Sur le site du Festival, vous trouverez plus d'information sur son œuvre théâtrale.

C) L’irlandais

Shaw est né à Dublin en 1856. On le considérait comme un «outsider», non seulement parce qu’il était pauvre, mais aussi par son origine irlandaise. Il a longtemps soutenu une autonomie interne irlandaise au sein de l’Empire britannique (futur Commonwealth). Pour lui, l'indépendance totale n'était pas réaliste; l'alliance avec une puissance plus grande comme l’Angleterre était essentielle.

À Pâques 1916, les Volunteers déclenchèrent une insurrection dont l'objectif était de mettre définitivement un terme à la domination britannique et d'établir une République irlandaise. Le soulèvement (400 morts) fut limité à Dublin et écrasé en moins d'une semaine.

Un des rebelles, Roger Casement, fut arrêté et jugé pour trahison. Il faut dire qu’il avait importé des armes d’Allemagne (on est en pleine Première Guerre mondiale!!!). Shaw va prendre sa défense – même s’il n’est pas d’accord avec la rébellion – et va écrire un célèbre article de journal dans le Manchester Guardian: «Va-t-on pendre Roger Casement?» opposé de l’opinion britannique.

«La conclusion raisonnable est que Casement doit être considéré comme un prisonnier de guerre. Je crois que c'est le point de vue qui serait pris dans les pays neutres, dont la bonne opinion est beaucoup plus importante pour nous que la satisfaction de notre ressentiment.

En Irlande, il sera considéré comme un héros national s'il est exécuté, et très probablement comme un espion s'il ne l'est pas. Pour cette raison, il se peut bien que Casement s'oppose lui-même très fortement à ma tentative d'empêcher sa canonisation.

Mais l'Irlande a déjà assez de héros et de martyrs, et il serait temps que l’Angleterre cesse d’en fabriquer. »

Shall Roger Casement Hang? (George Bernard Shaw 22 juillet 1916)


Au delà de l'indépendantiste, Casement était un homme libre:

  • Homosexuel déclaré
  • En tant que diplomate britannique il écrit un rapport accablant contre l’EIC (Etat Indépendant du Congo de Léopold II, avant qu’il ne devienne Congo Belge en 1908): «L'abattage au fusil d'Africains par un fonctionnaire blanc en personne, et l'apport de parties sexuelles masculines en tant que preuves de l'usage exclusif de cartouches contre des hommes».
  • En 1911, il fut anobli par le Roi pour ses services rendus aux Indiens d'Amazonie.
  • En 1916, il fut pendu pour haute trahison.

En février 1965, à la demande du Gouvernement de Dublin, la dépouille de Casement a été exhumée du cimetière de la prison de Pentonville et transférée par avion, dans la capitale irlandaise. Le 1er mars 1965, sa patrie lui a fait des funérailles nationales. Trente mille personnes assistèrent à la cérémonie.

C) George Bernard Shaw... une dernière anecdote

Pour finir, une anecdote qui montre l’ouverture d’esprit de Shaw... En 1927, il avait adopté Lawrence d’Arabie. Pourquoi? Parce que Lawrence d’Arabie voulait mourir incognito, alors qu’il était très célèbre. Il avait essayé de changer de nom. Il s’était fait appeler, John Hume Cross, mais des journalistes l’avaient retrouvé. Une fois adopté, il prit finalement le nom de Thomas Edward Shaw.

Il est mort en mai 1935 dans un accident de moto.

«Si tu veux dire la vérité aux gens, fais les rires, ou sinon ils te tueront»

D) En guise de conclusion...

Shaw est unique: un moderniste traditionaliste, un optimiste parfois pessimiste, un socialiste aristocratique et un réaliste romanesque. C’est pourquoi, au-delà des définitions, Shaw est d’abord un artiste, non pas un tenant de l’art pour l’art, mais quelqu’un qui considère que l’art est au centre de la civilisation. La civilisation est un art. Qui cherche à civiliser poursuit les plus hautes fins esthétiques.

«L'avenir du théâtre est sombre. Shakespeare est mort, Molière est mort, et moi-même je ne me sens pas très bien.»

George Bernard Shaw