L’une fuit sa maison de retraite,
l’autre sa famille.
Louise Rocco et Marie-Hélène Remacle

L’essentiel est de fuir. Ces deux malaimées que tout oppose font du stop au même moment et au même endroit. D’abord concurrentes, elles vont peu à peu devenir des complices. Entre fou rire et tendresse, la bonne humeur contagieuse de ces héroïnes nous emmène sur le chemin de la vie.

Personne ne sait où elle est ma place!
Margot et Claude se la disputent, cette place au bord de la nationale. Il est trois heures du matin: les pouces levés, les deux femmes tentent leur chance. Les amateurs de stop pourront certifier qu’à moins d’avoir une bonne étoile, en cette nuit d’été, les deux rivales n’iront pas bien loin… "Je joue ma vie ! – moi c’est du sérieux"... Elles finissent par avouer la raison de leur présence incongrue: Margot est partie après les 18 ans de sa fille, "20 ans de guerre des nerfs, 20 ans de résistance" ; et Claude fuit la vie moche et ennuyeuse des Glaïeuls, sa maison de retraite "où il ne pousse que des chrysanthèmes".


Le Théâtre des Galeries termine sa saison avec "Fugueuses" de Pierre Palmade et Christophe Duthuron. Créée à Paris par Line Renaud et Muriel Robin, la pièce - retransmise en direct sur France 2 lors de la dernière représentation - remporta le plus grand succès d’audience de l’histoire de la télévision française pour la diffusion d’une pièce de théâtre. Ce succès ne s’explique pas seulement par la célébrité des deux comédiennes. Il tient à ce que l’œuvre raconte une histoire délicieusement farfelue, dans laquelle les dialogues souvent drôles mêlent humour et tendresse, provocations et humanité.

Nous assistons, en effet, à la rencontre improbable, sur une grand-route déserte où elles font toutes deux du stop, d’une vieille dame indigne (Louise Rocco), qui "en a marre" de ne voir que des vieux dans la maison de retraite où son fils s’est débarrassé d’elle, et d’une femme de 40 ans (Marie-Hélène Remacle) qui, le jour des 18 ans de sa fille, se découvre soudain prisonnière d’une vie d’épouse et de mère sans avenir. Elle a décidé de prendre le large.

On ne racontera pas les péripéties de leur rencontre, ni la façon dont, après s’être détestées, elles finissent par s’épauler et se lier d’affection, au fil de tribulations qui font constamment rebondir une action conçue en neuf tableaux. Louise Rocco y joue son rôle (le 125e aux Galeries !) avec une énergie trépidante et fofolle, Marie-Hélène Remacle est sa partenaire endiablée et contrastée. Elles ont été mises en scène par David Michels avec invention et poésie. Les décors de Francesco Deleo respirent la fantaisie et la fraîcheur. Les deux comédiennes ont fait un triomphe le soir de la première.

La Libre Belgique - 29/3/2012 - Jacques Feanck

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