La pièce que Molière a le plus jouée…
Une farce vive, rapide, qui va de rebondissements en rebondissements

En 1666, Molière triomphe comme auteur, comédien et chef de troupe du roi. Mais il est aussi l’objet de nombreuses critiques lorsqu’il fait représenter Le Médecin malgré lui.

Considéré jusque-là comme un simple amuseur, il s’est lancé depuis quelques années dans un genre intermédiaire, à la frontière du tragique, où la peinture de caractères s’enrichit d’une réflexion sur l’hypocrisie dans les comportements individuels et les institutions sociales, ce qui lui vaut de violentes critiques. Le Tartuffe, où l’on voit un faux dévot s’établir dans une famille qu’il tente de dilapider, a été interdit. Le personnage de Dom Juan qui, dans sa quête du plaisir et de la liberté, tient tête jusqu’au bout à la menace chrétienne de l’Enfer, et qui finit par prendre le masque du dévot pour que la société le laisse tranquille, relance le scandale. Deux mois avant Le Médecin malgré lui, Molière subit un échec avec Le Misanthrope : Alceste y apparaît en révolté, qui condamne l’hypocrisie d’une société fondée sur le mensonge.

On considère généralement que Le Médecin malgré lui, écrit juste après Le Misanthrope, marque un retour au gros rire destiné à plaire et à accroître les recettes. De fait, cette pièce est une de celles que Molière a reprises le plus souvent (59 fois), ce qui témoigne de son succès.


Avant tout, il faut saluer la témérité de l’équipe des Galeries qui bravait les nuages menaçants dans le ciel namurois jeudi soir, tandis que leurs collègues de plein air, dans les ruines de l’Abbaye de Villers-la-Ville ou au Château du Karreveld à Bruxelles, jetaient l’éponge face au crachin. Les Namurois invoqueront le microclimat de la région, d’autres diront que les dieux du ciel ont un penchant pour Molière : une miraculeuse éclaircie a accompagné la première du Médecin malgré lui dans la cour du Musée de Groesbeeck de Croix.

Pour cette première escale d’une tournée prévue jusque fin août, la troupe a pu mesurer la popularité de sa formule, sillonnant depuis 36 ans les demeures chic ou pittoresques de la Belgique francophone. En effet, malgré les prévisions météo peu encourageantes, les spectateurs étaient là, pressés les uns contre les autres sur des gradins bondés, avec une palette d’astuces anti-intempéries dignes du plus expérimenté des scouts : capuches, cirés, couvertures. Le déluge pouvait s’abattre sur Namur, on n’allait pas les déloger de leur théâtre.

Défi ultime aux foudres du ciel, la mise en scène de Bernard Lefrancq ouvre sur des draps immaculés séchant sur une corde à linge. Mais ce rideau de scène improvisé est resté sec tandis que Martine, épouse du bûcheron Sganarelle, vaquait à son ménage tout en fomentant une vengeance contre son mari, pochetron à la main leste. Rencontrant deux bougres à la recherche d’un médecin, elle leur dit que son époux est docteur, mais ne l’avoue qu’après avoir été battu.

Hypocrite Hippocrate

Voici donc Sganarelle rossé et emmené chez Géronte, dont la fille, Lucinde, devenue soudainement muette, doit être soignée. L’occasion pour Molière de railler une médecine plus hypocrite qu’Hippocrate, cachant son ignorance sous un pompeux sabir latin. Et c’est parti pour l’attirail habituel, entre saignées, clystères et quantité d’extravagances purgatives pour perfuser la farce.

Quand on sait que Molière lui-même sillonnait les villages avec ses saltimbanques et son théâtre de tréteaux avant de jouer pour le Roi, on ne peut qu’approuver la modestie joueuse du spectacle des Galeries : un décor sans prétention, mais pas sans trappes et autres surprises scénographiques, pour abriter une mise en scène à la bonne franquette, qui laisse tout simplement opérer la bouffonnerie de Molière. On n’est pas tout à fait convaincue par les intermèdes musicaux un peu bancals, mais la bonne humeur de la troupe est tout bonnement contagieuse. Bref, un Médecin à prescrire.

Le Soir - 16/7/2011 - Catherine Makereel

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