"La plus drôle des pièces du XXème siècle" (The Stage - Londres)

Nous avons décidé de fêter nos cinq ans de présence l'été au Karreveld en nous offrant un grand plaisir. Nous programmons l'une des pièces les plus drôles du répertoire...
... et cerise sur le gâteau: la pièce est jouée par les comédiens de la Cie Jean Bertoche.


Existe-t-il une pièce idéale pour affronter le théâtre de plein air ? En empoignant la mise en scène de «Silence en coulisses », de Michael Frayn, au château du Karreveld, Valérie Lemaître offre une réponse étonnante: «Au départ, la pièce ne convient pas du tout pour l'extérieur!, s'exclame-t-elle dans un éclat de rire. Cette comédie loufoque met en scène un théâtre, donc un lieu typiquement intérieur ...
Je ne crois pas qu'il existe de pièce particuliè­rement destinée au plein air. D'autres arguments jouent. Le choix de « Silence en coulisses » est tout simplement motivé par le plaisir. Bulles Production a eu un coup de cœur pour ce tube des années 80, une merveille tombée dans les oubliettes. Ce texte est complètement fou! J'ai moi aussi misé sur le plaisir pour la monter: que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur, j'ai envie que les gens entrent dans une petite bulle de joie!
»
Il est vrai que « Silence en coulisses » a de quoi dérider. L'auteur anglais Michael Frayn a imaginé la vie d'une troupe d'acteurs, en trois actes et en trois mouvements. «C'est l'histoire de la longue agonie d'une troupe de théâtre qui essaye de monter un vaudeville lamentable», résume avec piquant Valérie Lemaître.
On assiste d'abord à la répétition générale de leur comédie, titrée «Nothing on», qu'on peut traduire par« A poil». Les comédiens de la pièce font des commentaires sur la répétition et passent de leur personnage à leur «vrai» rôle d'acteur. Le théâtre est déjà mis en abyme. Le deuxième acte se déroule un mois plus tard. On assiste à une représentation de « Nothing on », mais depuis les coulisses où les acteurs règlent leurs comptes. Enfin, le troisième acte se joue dans le décor du vaudeville, trois mois après. La représentation vire au cauchemar. La troupe explose!
Michael Frayn, brillant auteur anglais («Copenhague», «Alarmes, etc.»), signe une redoutable réflexion sur le théâtre, décuplée par la puissance du rire.
««Silence en coulisses» est une pièce écrite de façon totalement hallucinante, s'épate la metteur en scène. Sa mécanique est telle que j'en suis restée baba la première fois que Je I’ai lue. C'est une leçon de comédie pour les acteurs.»
C'est dans ce moteur à explosions que Valérie Lemaître a trouvé sa clé de contact. «La mise en scène est pour moi quelque chose de tout nouveau, explique-t-elle. Je suis d'abord comédienne. Au Karreveld. j'ai eu le plaisir de retrouver de vieux amis, comme Marie-Hélène Remacle, Philippe Résimont, Pierre Pigeolet, Mania Douieb, Aylin Yay et Michel Hinderyckx. On se connaît depuis dix ans. Mon boulot, c'est de les mettre en valeur.
Pour Valérie Lemaître, ce travail passe par un souci de vérité: ce n'est pas parce qu'on joue une comédie qu'il faut forcer le trait. Au contraire. «J'aime le rapport à l'intime. Je me méfie du côté trop théâtral dans le phrasé du comédien. Je préfère les codes de jeu proches d'une certaine vérité, un peu comme si 011 suivait les pensées des personnages.»
Cette intimité n'est-elle pas un défi, dans la cour du Karreveld? «Il y a plusieurs codes au sein de ce choix, argue Valérie Lemaître. Pour le vaudeville, les comédiens ... jouant des acteurs adoptent un jeu rythmé, sincère et énergique, malgré la nullité de leur pièce! Quand on les découvre en coulisses, j'ai voulu explorer un autre langage: tout est mis en mouvement. Ce qu'on entend, ce sont les répliques du vaudeville en train de se jouer de l'autre côté du décor. Hors scène. les acteurs ne peuvent pas parler : je tente de chorégraphier leurs conflits.
Est-ce que ça passera la rampe? Je veux y croire! 0n répète dans un lieu clos, mais je sais qu'instinctivement les acteurs s'adaptent aux circonstances et aux lieux. Cette capacité d'adaptation fait partie de leurs outils.
».
Comme les bonnes pièces ?

Interview de Laurent Ancion - Le Soir - 09/07/2003

Retour à la page précédente