On me demande une « note d’auteur » sur les raisons qui m’ont poussé à écrire cette pièce. Que dire ? Il y en a mille.

Disons, d’abord, le côté shakespearien de ces personnages, individus qui se débattent dans les tempêtes sans renoncer à l’idée d’orienter le torrent de l’Histoire.
Disons, ensuite, le côté « Laurel et Hardy » de ce couple baroque, où un grand maigre introverti fait face à un petit gros exubérant. Disons, toujours, la folie qui les anime, sans laquelle il n’y a pas de grandeur. Car enfin, Churchill et de Gaulle se prennent tous les deux, chacun à leur façon, pour Jeanne d’Arc : des voix leur ont dit, dès leur plus jeune âge, qu’ils allaient un jour sauver leur pays. Disons, aussi, leurs doutes. On les croit assurés de leur bon droit, sans états d’âme, granitiques : c’est tout le contraire. A plusieurs reprises, ils ont failli tout lâcher. Depuis toujours, Churchill est rongé par la mélancolie, de Gaulle par l’aquabonisme. L’un est un optimiste dépressif, l’autre un pessimiste actif. Disons, encore, leurs relations faites d’estime et d’agacement, de fascination et d’exaspération. Pour un romancier, ou un homme de théâtre, il n’y a pas de matière plus riche que l’ambivalence des sentiments. Disons, enfin, la part de hasard qui a fait leur destin, sans quoi l’un aurait été bibliothécaire de province et l’autre peintre du dimanche.

Ils incarnent à eux deux l’essence même du pouvoir, où entrent l’ambition, l’ambivalence, la folie, le doute, la chance, le grandiose et le dérisoire, le tragique et le comique. Il n’y a pas, aujourd’hui, d’exemples équivalents. Ai-je répertorié toutes les raisons ? Bien sûr que non. Et même pas la principale. Un jour de novembre 1964 – ou 63, ou 65…-, un garçon de dix ans aperçut au loin, debout dans sa voiture, un grand bonhomme à képi qui saluait la foule. Apparition fugitive à laquelle, un demi-siècle plus tard, il a eu envie de donner corps. »

Hervé Bentégeat, auteur

L'action est ramassée sur trois jours, du 5 au 7 juin 1944, courte période où Churchill et de Gaulle écrivent l'Histoire de leur pays. Comme dans une tragédie classique, les deux héros qui s'affrontent ont leur souffre-douleur. C'est terrifiant et drôle, terriblement humain. Meilleurs alliés est un merveilleux débat théâtral qui permet à deux grands acteurs belges de s'incarner de façon troublante, jusqu'à l'identification.

Hervé BENTÉGEAT - auteur

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