Jasmina Douieb, brute et touchante.
Sacré petit bout de femme.

Jasmina Douieb est magnifique et fait preuve d’un solide tempérament dramatique. Ses éclats de voix et de tons sont émouvants. Une comédienne qui joue avec «ses tripes» et qui sent et ressent tellement bien son public.


Confessions remuantes de «Stef» à la Samaritaine. De divan en blessure.

Sacré petit bout de femme. Fluette à la voix grave, candide ou marquée selon les instants de tendresse ou de révolte, tenant son public en haleine malgré les silences observés, Jasmina Douieb, seule en scène, dévoile la vie de Stef, une vie fragile, sur le fil, tirée de la nouvelle «Stef et autres fictions» d'Alain Van Crugten, grand spécialiste des langues et littératures germaniques et slaves mais aussi auteur de pièces, romans ou nouvelles et lauréat du Prix Rossel des Jeunes 2003 grâce à son roman «Korsakoff».

Couchée sur le divan, Stef s'adresse au psy, comme elle aurait pu lire son journal intime, pour cracher ou susurrer sa haine, son mépris, son profond désespoir, ses désillusions.

D'entrée de jeu, le psy - «psy quoi au fond ? Analyste, ologue, iatre?» - en prend pour son grade. A moins que ce soit nous? Crue sans jamais être vulgaire, directe mais nuancée, la langue d'Alain Van Crugten servie par la jeune comédienne déjà remarquée dans «Yvonne princesse de Bourgogne» dit le mal-être sans détour, observe sans compassion le monde et sa vie, du petit noyau familial à la trahison des hommes aimés.

Crâneuse, la jeune fille est avant tout paumée, fille de parents divorcés, d'un père journaliste pompeux qui allonge la prononciation des «A», d'une mère qui, pour ses dix-huit ans, a eu la délicatesse de lui offrir, entourée d'un ruban rose, une jolie tentative de suicide - «j'ai adoré le cadeau!» - et obligée de supporter un beau-père, Joseph, à l'accent «plouc de plouc». Voilà pour le volet familial. Le sentimental se dévoile encore plus foireux et fragile, comme né pour inciser plus profondément les blessures de l'enfance.

Puis il y aura, de plus en plus poignant, le volet amitié, came, prostitution, overdose... Une vie fragile disions-nous, une dérive suivie par une fillette de bourgeois comme tant d'autres, dérisoire, sans espoir, sans le sou et si sensible à la poésie. Seule et mise en scène par Christian Labeau, la comédienne habite judicieusement la scène voûtée des caves de la Samaritaine, espace scénique intime, convivial qui sied à l'exercice du genre.

Jasmina Douieb alterne entre retenue et explosion, se lève, se couche, s'assied, exècre, regrette et donne dans un cortège de confessions livrées avec une brutale vérité.

La Libre Belgique - 18/2/2005 - Laurence Bertels

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