Si la magie existait vraiment, le magicien apparaîtrait, ferait son numéro et disparaîtrait….
(Pierre Edernac)

«Comment peut-on exceller, si jeune, à la fois dans le mentalisme (la transmission de pensée), le transformisme (par des changements de costumes ultrarapides), la manipulation (tours de cartes, de cordes...) et les grandes illusions (lévitations, disparitions, découpages de corps...)?
Le spectacle n'est pas celui d'un montreur d'ours ou d'un cracheur de feu. C'est aussi un hommage à la littérature, à la musique, au théâtre. Une recherche d'ambiance, d'un univers poétique particulier, que chacun intégrera à son niveau de compréhension. Jack ambitionne surtout de faire plaisir, d'offrir des petits cadeaux à chaque spectateur.
»
Le Soir – 22 octobre 2002


Au départ, on peut se demander pourquoi un théâtre, en l’occurrence, le Théâtre du Public et l’Espace Marignan, propose un spectacle de magie, ces «Artifices» que le Belge (ce que son nom de théâtre n’indique pas) Jack Cooper promène depuis cinq ans en Belgique et à l’étranger, soit plus de 250 représentations! Quand on a vu ce spectacle magnifique, on comprend. Les tours de magie se succèdent ici dans un contexte formel de grand style proprement spectaculaire et donc «théâtral». La comédie imaginative, la satire, l’élément poétique, l’humour, la mise en scène sont autant d’éléments qui englobent, transcendent les grands classiques de la prestidigitation. Un support technique impressionnant et soigné (notamment des musiques et des lumières superbes ainsi que des fumigènes) ménage le suspense, soutient le propos du magicien, magnifie les effets et font de ces deux heures un moment de rêve privilégié dans lequel non seulement les gosses (très nombreux dans la salle, faut-il le souligner?) s’émerveillent mais aussi les adultes, eux qui se surprennent à retrouver pour un soir leur âme d’enfant, extasiée et ravie…

La qualité de ce show tient aussi dans le fait que les interprètes (non seulement la belle Caroline Braeckman dont on admire les costumes recherchés et sensuels mais aussi Jack Cooper lui-même et son précieux partenaire Frédéric Budo) ont un style (autant dans la gestuelle que dans la présence scénique), une élégance qui charment le public. L’enfermement de l’un d’eux dans un coffre, par la suite traversé d’épées, le jeu subtil des anneaux métalliques qui s’insèrent et se libèrent mais aussi entrent en lévitation dans un des numéros les plus purs et les plus beaux de la soirée, la séquence époustouflante de télépathie, le jeu des cartes sont autant de tours sans doute déjà connus mais tellement adroits, rapides et subtils qu’ils nous apparaissent ici magnifiquement renouvelés. L’art qui consiste à faire intervenir constamment petits et grands spectateurs en menant à bien son numéro n’est pas la moindre des vertus de ce spectacle. Jack maîtrise cet exercice, beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît, avec énormément de drôlerie, de malice et un sens remarquable pour improviser et ainsi contourner les imprévus.

Nous parlions au début de comparaison avec le théâtre. Dans la plupart des représentations théâtrales même parmi les meilleures, il peut encore y avoir quelques temps morts ou quelques relâchements de l’attention. Ici, pas du tout. Jack Cooper et ses complices imposent à la représentation un rythme parfait où jamais l’intérêt du public ne peut se relâcher. Ca aussi, c’est magique! Cette captivante prise de possession de la salle prouve son efficacité notamment dans plusieurs moments particulièrement forts comme celui de l’avion (et des avions de papier…), un énorme sketch à tiroirs dirons-nous. Le magicien y confirme une maîtrise facétieuse et aboutie pour ménager constamment la surprise et ne jamais laisser au spectateur le temps de se dire «mais comment fait-il?!».

Au début du spectacle, une voix off nous dit: «si la magie existait, le magicien apparaîtrait, ferait son numéro et puis disparaîtrait…». L’art d’apparaître, de disparaître, de changer de costume (en une ou deux secondes, même jusque lors du salut final) est ici particulièrement impressionnant. L’un des moments que les spectateurs et moi-même avons le plus appréciés est sans doute celui des jeux d’ombres sur fond de globe terrestre. Là aussi, on est ramené aux jeux les plus purs de l’enfance. On semble nous dire: « la magie, c’est tout simple. Deux mains, un peu de lumière et d’ombre et vous pouvez réinventer le monde!»

Au sortir de ce spectacle, le sentiment de perfection et d’étonnement constant nous amène au-delà des superlatifs admiratifs. On se retrouve dans une forme délicieuse de bien-être et d’émotion. Si les responsables de l’Espace Marignan avaient la bonne idée de reprogrammer dans un avenir proche ces «Artifices», ceux qui ne les ont pas vus et peut-être même ceux qui les ont vus (on se lasse pas des bonne choses) ne devraient pas manquer ce nouveau rendez-vous.

Michel N’Diay - 22/11/2009

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