Pierre et Marie Curie vont découvrir successivement
la radioactivité, le radium et … l'amour.

Une pièce de théâtre dans laquelle Pierre et Marie Curie sont les protagonistes, qui se déroule dans un laboratoire, ayant pour thème la découverte de la radioactivité et qui en plus soit une folle comédie. Voilà ce que Jean-Noël Fenwick rêvait d’écrire avec «Les Palmes de Monsieur Schutz». Les 11 nominations aux Molières, de nombreux prix et surtout 6 ans de représentations ininterrompues à Paris montrent qu’il a totalement réussi don pari.


Le spectacle d'été du Karreveld conjugue histoire de la science et rire. On y redécouvre le radium et une femme épatante, Marie Curie, alias Colette Sodoyer.

Quatorze ans après sa création dans le théâtre privé parisien - sanctionnée par une pléthore de Molière -, la pièce de Jean-Noël Fenwick, «Les Palmes de M. Schutz», a fait le tour du monde (Chine comprise!) et a été transposée avec bonheur au cinéma par Claude Pinoteau en 1997, non sans avoir tenu l'affiche à Paris pendant six années d'affilée. C'est ce qu'on appelle un succès.

Exposer aux aléas du plein air cette comédie intimiste - tout se passe dans le laboratoire décati de l'Ecole de physique et de chimie de Paris où travaillent les savants - aux accents boulevardiers et au contenu attractif relevait de la gageure. Mission accomplie, cependant, pour l'équipe de Bulles Production, désormais bien rodée à la cour du château du Karreveld à Molenbeek, avec son charme et ses vicissitudes: ah ces concerts d'oiseaux exotiques sur la basse (quasi) continue des cargaisons volantes de vacanciers! Ils ne sont toutefois pas parvenus à faire pleuvoir sur la première, qui a… bien plu.

La vie au labo
Applaudissements, trépignements de satisfaction des spectateurs, la distribution réunie par le metteur en scène Jonathan Fox méritait l'enthousiasme ainsi manifesté en fin de soirée. Colette Sodoyer est une épatante Marie Curie, volontaire jusqu'à l'entêtement, passionnée comme la Polonaise qu'elle est, intelligente jusqu'à la ruse, avec un soupçon d'espièglerie et une féminité toute personnelle. La comédienne la fait réellement exister en scène. Le personnage de Pierre Curie campé par Laurent Renard s'avère d'une efficacité plus discrète, sorte de contrepoint à sa volcanique collègue et néanmoins épouse.

Un troisième larron hante quotidiennement le labo, Gustave Bémont, fils de petits commerçants, qui ne rêve que de faire fortune en déposant des brevets d'inventeur. Gérald Wauthia étaie de sa puissante nature ce personnage haut en couleur, antithèse dévoyée mais sympathique du très pur zèle scientifique de Pierre Curie. Sur trio improbable règne Rodolphe Schutz, directeur plus obsédé par les honneurs de la carrière que par les secrets de la nature. Crâne rasé, lunettes en tessons de bouteille et barbe trapue, Michel Hinderyckx en fait une figure tonitruante, sortie tout droit d'un album de Hergé ou de Tardi, qui mène à la schlague ses chercheurs, leur «coupant le charbon» en plein hiver pour stimuler leurs neurones.

Repartie et émotion
Et puis, il y a encore la délicieuse Françoise Oriane, nounou, cuisinière et bonne à tout faire au grand cœur de ce couple qui veille plus souvent sur ses alambics et ses appareils de mesure que sur sa progéniture. Incarnation du bon sens populaire, d'après «Les Palmes de M.Schutz», c'est elle qui met Marie Curie sur la piste du radium… On ne jurera pas que c'est historique, mais c'est pittoresque et drôle, en tout cas!

La recherche scientifique avec ses enjeux moraux, académiques et financiers, l'irruption de la femme dans ce monde très misogyne à la fin du XIXe siècle, l'ambition, l'amour, la famille, tous ces thèmes sont intelligemment brassés par ce spectacle familial, sans prétention mais non sans rigueur. Vive et pleine de reparties, l'écriture de Jean-Noël Fenwick - ici assortie de l'une ou l'autre saillie belgicaine - fait toujours mouche, jusqu'en ses roboratives verdeurs. Et il y a même de l'émotion quand, étreignant sa femme et considérant la luminescence bleutée du nouveau métal qu'ils ont précipité au fond d'une éprouvette, Pierre Curie s'enthousiasme sur les services que leur découverte va rendre à l'Humanité…

La Libre Belgique - 16/7/2004 - Philip Tirard

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