L'événement de l'été 2015 en Belgique: plus de 40 artistes sur scène

La Mélodie du bonheur est l'un des plus réussis exemples de théâtre musical anglo-saxon en ce sens qu'il allie une pléiade de magnifiques chansons avec une histoire forte, drôle, émouvante .... et surtout pleine de sens.

Pour nous, La Mélodie du Bonheur est un équivalent musical au Dictateur de CHAPLIN.

Derrière une histoire en apparence candide, l’Histoire se profile et imprègne l’œuvre de façon latente. Basée sur une histoire vraie, La Mélodie du Bonheur s’inspire de la vie mouvementée de Maria von Trapp dont l’autobiographie, parue en 1949, racontait avec force détails l’exil et la vie déchirante de cette famille d’artistes. La romance de la première partie du spectacle ne fait pas oublier le contexte tout à fait particulier dans lequel elle s’inscrit: la montée du nazisme dans l’Autriche d’avant-guerre et le choix auquel les Autrichiens et le reste de l’Europe furent confrontés pendant les événements de la Seconde Guerre Mondiale. En l’occurrence, le musical nous parle d’une famille solidaire et unie jusqu’au bout, qui lutte, reste fidèle à ses convictions et résiste face à la barbarie nazie.


Do-ré-mi, The Lonely Goatherd, So Long, Farewell… Qui ne connaît pas les tubes composés par Richard Rodgers et écrits par Oscar Hammerstein II ?
Cinquante ans exactement après la sortie du film de Robert Wise avec Julia Andrews dans le rôle principal, ces chansons sont devenues des classiques intemporels de la comédie musicale, entrés dans notre mémoire collective et qui continuent de bercer notre imaginaire. Le festival Bruxellons ! les fait gaiement résonner dans une adaptation française originale du spectacle The Sound of Music, créé en 1959 à Broadway et basé sur l'autobiographie de Maria Augusta Trapp, La Famille des chanteurs Trapp.

Et c'est peu dire qu'au château du Karreveld, on a souhaité mettre les petits plats dans les grands: avec plus de 35 comédiens sur scène, 11 musiciens et une équipe technique sur le pied de guerre, les metteurs en scène Daniel Hanssens et Jack Cooper proposent une production à la hauteur des exigences d'un genre – le musical – qui, tout méconnu qu'il soit chez nous, est une institution dans les pays anglo-saxons et commence à recueillir à Paris l'engouement qu'il mérite.

C'est donc une heureuse chose qu'après la création cette saison de Cabaret au Public pour fêter les 20 ans du théâtre (en collaboration avec le National), le festival Bruxellons ! ait voulu faire honneur à La Mélodie du bonheur, comédie musicale de référence pour tous les baby-boomers. C'est peut-être – enfin ! – le début d'une histoire d'amour entre le public belge et ce genre, héritier direct de l'opérette et qui n'a pas grand-chose à voir avec l'ersatz insipide qu'est la comédie musicale à la française des années 2000 (Notre-Dame de Paris, Roméo et Juliette et autres Dix commandements).

Le pari – proposer une comédie musicale digne de ce nom, qui n'ait pas l'air ringard en face des superproductions de Broadway ou du West End – est donc plutôt réussi, entre autres grâce au parti-pris de mélanger d'authentiques interprètes de musicals (remarquable Wim van den Driessche, bouleversant dans son Edelweiss), voire des chanteurs classiques (Marie-Laure Coenjaerts, parfaite en Mère supérieure), et de purs comédiens, dont, bien entendu, Laure Godisiabois dans le rôle de Maria, que nous connaissions en grande dame du rire – entre autres à la Comédie de Bruxelles – et qui nous a littéralement épaté – outre son charme et sa pétillance habituels – par son aisance vocale et la qualité technique de son chant.

Les sept enfants de la famille von Trapp, tous plus craquants les uns que les autres, impressionnent également par leur naturel et leur maturité artistique, et composent le portrait d'une fratrie pleine de gaieté et d'amour.

Que du bonheur
À la baguette, Pascal Charpentier dirige avec sérieux un orchestre en effectif réduit mais très convaincant – malheureusement relégué en coulisses, à l'abri du regard des spectateurs –, alternant en toute décontraction entre les grandes envolées lyriques et les jeux de course-poursuite rythmique avec les chanteurs qu'offre la partition.

Le décor de Dimitri Shumelinsky – baigné par les superbes lumières de Laurent Kaye – ne manque pas de classe ni d'inventivité ; on regrettera cependant une scène tout en longueur délimitant des espaces de jeu distincts, ce qui a pour conséquence que l'action se cantonne tantôt en cour, tantôt en jardin, provoquant de redoutables torticolis chez les spectateurs les moins souples (la fraîcheur d'une soirée à la belle étoile n'arrangeant rien à l'affaire !).
Une très belle production donc, ambitieuse sans être prétentieuse, qui ne manquera pas de séduire les plus jeunes comme les plus âgés, rappelant à ceux-ci des souvenirs impérissables (Ah ! Julia Andrews dévalant les vertes collines autrichiennes !), éveillant chez ceux-là l'envie de découvrir une œuvre qui n'a pas pris une ride : son charme vieillot, cette impression qu'elle donne de parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, ils n'ont en effet pas changé depuis les années 60.

Aujourd'hui comme hier, les images sépia évoquant l'histoire de la famille von Trapp ont le charme exotique d'une époque révolue, où la naïveté des bons sentiments le dispute à une insouciance heureuse, quelques mois à peine avant que l'Europe ne plonge dans les heures les plus sombres de son XXe siècle.

Courez donc au Karreveld, applaudissez cette belle troupe qui le mérite bien et le temps d'une soirée, soyez naïfs, soyez insouciants mais surtout... soyez heureux !

Thibaut Radomme - Rue du bThéâtre - 16 juillet 2015

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