Un Fou Noir au Pays des Blancs
ou comment survivre dans la jungle européenne

Réfugié congolais en Belgique, Pie Tshibanda a exercé précédemment le métier de psychologue. Son livre "Un Fou Noir au Pays des Blancs" s'est vendu à plus de dix mille exemplaires et en est à sa 1500ème représentation théâtrale.
Dans cette pièce pleine d'humour, il retrace les sentiments qui habitent tous les réfugiés: l'angoisse du refoulement, les premières difficultés d'adaptation, la nostalgie du pays, de la famille où les enfants grandissent sans leur père et se demandent les raisons de cet abandon. Mais, surtout, l'écrivain congolais scrute d'un œil aigu la société qui l'accueille.
Il décrit les cercles qui peu à peu s'agrandissent pour lui faire place, depuis ce jour où le fou venu d'Afrique, fou de solitude, assoiffé de contacts, prend l'initiative d'aller frapper aux portes de ses voisins belges pour se présenter à eux, les saluer comme les nouveaux venus le font dans son pays. Jusqu'au jour où le curé du village l'invite à venir parler de lui, donner les raisons de son exil, évoquer sa famille lointaine. Pie Tshibanda découvre alors que la solitude n'est pas inéluctable, que la bulle de ses voisins peut aussi cacher des trésors de gentillesse.


Avec Pie Tshibanda, de belles histoires à (re)découvrir et une question: pourquoi créer `des autres´? Hommage à la richesse des différences et à l'art d'exister

Ils étaient nombreux à avoir répondu à l'invitation de la Minth pour venir écouter Pie Tshibanda.

Implantée depuis deux ans et demi dans les Marolles, la Maison internationale - Internationaal huis se faisait un plaisir d'accueillir, entre autres, des voisins du quartier. C'est que le succès de ce `Fou noir au pays des Blancs´ ne se dément pas, de ville en ville, de salle en salle! Découverte au Théâtre Varia, cette parole tourne depuis près de trois ans.

Lorsqu'on le voit s'avancer ici, micro en main, discret, on l'imagine d'abord conférencier, puis très vite conteur capteur de sens, la flamme au fond des yeux, le débit rythmé et le soleil dans la voix, accapareur d'attention de bout en bout.

L'histoire qu'il vient nous raconter, c'est la sienne. Précédée et clôturée de petits récits, tel celui d'un Noir au Paradis, du bébé dans un arbre, de l'os à partager...

Et c'est avec la même simplicité, un humour intact et empli de générosité, qu'il racontera les causes qui l'ont amené à quitter sa terre natale, l'histoire de son pays jadis découpé comme un morceau de tarte attribué, les souvenirs qui l'habitent, la grisaille de l'exil, les larmes de la solitude... Mais surtout le respect retrouvé, la saveur de la rencontre, le cloisonnement vaincu, la glace brisée... On reçoit toute la chaleur de l'Afrique irradiant de son sourire.

Au terme du spectacle, la Minth a prévu un débat. Un jeune homme d'origine maghrébine en profite pour rapporter ceci: `Il y a deux jours, je me suis fait contrôler. Ils étaient deux, et l'un a dit à son collègue en regardant mes papiers: T'as vu? Ils sont tous belges maintenant! On a tous notre place sur la terre, nous lui appartenons. Ce n'est pas elle qui nous appartient...´

Disons que ce spectacle constitue une médication douce à prescrire contre l'intolérance et l'étroitesse. Effets secondaires possibles - mais vivement désirés: éruption d'une ouverture de l'esprit et d'une profonde envie de partager. Enfin: à conserver à portée des enfants.

La Libre Belgique - 7/2/2002- Sarah Colasse

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