Au XIème siècle, Milarepa fit un trajet ahurissant:
de bandit, il devint saint.

Eric-Emmanuel Schmitt, dans ce monologue qui est aussi un conte dans l’esprit du bouddhisme tibétain, poursuit son questionnement philosophique : la réalité existe-t-elle en dehors de la perception que l’on en a ?


Inscrit dans son "Cycle de l’invisible" avec "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran", "Oscar et la dame rose", "L’Enfant de Noé" et "Le Sumo qui ne pouvait pas grossir", "Milarepa" a été inspiré à Eric-Emmanuel Schmitt par la figure de cet homme qui, dans le Tibet du XIe siècle, de vengeur et assassin, entreprit un trajet vers le Bien.

Les contraires et leurs tensions, voilà une toujours belle matière. Traduite ici sous forme d’un monologue pour plusieurs voix. Dans "Milarepa", explique l’auteur, "je me suis ingénié, de façon bouddhiste, à faire en sorte que les "je" se succèdent, voire se confondent, car le narrateur Simon, un homme d’aujourd’hui, doit achever le cycle de ses vies antérieures en les narrant au public."

En effet un rêve récurrent place Simon dans une position étrange. "Je me mettais à fréquenter deux mondes, tout aussi stables, tout aussi établis : ici, à Bruxelles, le monde du jour où je me cognais aux mêmes meubles, aux mêmes gens, dans la même ville; et là-bas - mais où, là-bas ? - le monde des hautes montagnes de pierres où je voulais tuer un homme. [ ] Quelle porte m’avait ouverte mon sommeil ?" C’est une femme, un jour, qui révélera à Simon la clef de ces songes, et le trajet à accomplir.

Pour porter ces voix multiples, il fallait en choisir une. Ce n’est pas la première fois que Christine Delmotte (qu’un voyage au Tibet il y a vingt ans a marquée jusque dans sa pratique de mise en scène) fait appel à Patrick Brüll. Le comédien, par ailleurs voix professionnelle (doublage, pub, annonces pour la RTBF), déploie sur le petit plateau de la petite salle une palette physique et vocale étonnante. Un écho à ce parcours qui va du jeu au je, dans un vertige que sculptent les lumières de Nathalie Borlée et habitent les images en mouvement de Yumma Mudra et Caroline Cereghetti.

La Libre Belgique - 19/2/2011 - Marie Baudet

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