Au XIème siècle, Milarepa fit un trajet ahurissant:
de bandit, il devint saint.

Eric-Emmanuel Schmitt, dans ce monologue qui est aussi un conte dans l’esprit du bouddhisme tibétain, poursuit son questionnement philosophique : la réalité existe-t-elle en dehors de la perception que l’on en a ?


Apparemment convertie au bouddhisme, Christine Delmotte soigne décidément son karma. Après « Sur les traces de Siddhârta » consacré à la vie de Bouddha, la metteuse en scène s’attelle à « Milarepa », conte qu’Eric-Emmanuel Schmitt a écrit dans le cadre de son Cycle de l’Invisible, sur l’enfance et la spiritualité, comprenant aussi L’Enfant de Noé, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran et Oscar et la dame rose. Attention : il ne s’agit pas ici de rencontres tire-larmes entre un aîné plein de sagesse et un enfant malheureux mais d’un conte plus ouvertement philosophique sur le bien, le mal et le détachement, autour de Milarepa, célèbre ermite tibétain du Xie siècle.

Par un procédé cousu de fil blanc pour moderniser son propos, Schmitt imagine un bon bougre du XXIe siècle, Simon, qui découvre, à la suite d’un rêve étrange, qu’il est la réincarnation de Svastika, l’oncle de Milarepa, condamné à raconter cent mille fois son histoire et celle de son neveu, afin de briser le cycle des renaissances et reposer enfin l’âme en paix. Seul en scène, Patrick Brüll voyage à travers le temps, de montagnes en monastères, d’un café pris dans un bistrot bruxellois à la position du lotus tenue des mois dans une grotte. Rejeté par son oncle, Milarepa cherche d’abord la vengeance dans la magie noire avant de se lasser de faire le mal et de partir en quête de la sagesse auprès du lama Marpa. De travaux de Sisyphe en isolement méditatif, Milarepa finit par atteindre la béatitude.

Largement prévisible et lisse, le texte trouve heureusement un peu de relief dans l’interprétation très vivante de Patrick Brüll. Le comédien porte avec aisance et ardeur ce tourbillon de « je » (Simon, Milarepa, Svastika), démêlant habilement le jeu des réincarnations. Le délicat travail vidéo de Caroline Cereghetti donne une touche d’enivrement à ce voyage bouddhiste avec ses images mystérieuses et envoûtantes. Hélas, le texte n’atteint pas les mêmes hauteurs. Si la pièce de Schmitt nous abreuve de bonnes paroles du style « Le bien demande plus de volonté que le mal » ou « Rien ne pèse plus quand on sait que tout n’est qu’illusion », on n’en ressort pas vraiment plus léger.

Le Soir - 23/2/2011 - Catherine Makereel

Retour à la page précédente