Entrez dans un monde fantastique et loufoque

Des histoires signées Stefano Benni, l'un des auteurs contemporains italiens parmi les plus étonnants, les plus intéressants; un auteur en colère, inventif et drôle ! Benni s'amuse des codes de nos vies modernes, y répond par ses mots aussi légers que perspicaces et parvient à réveiller, le temps de quelques chroniques,nouvelles ou fables, notre envie de résistance, notre imagination et nos espoirs d'enfants.


Vous cherchez une pièce pour oublier ce temps pourri et fuir le vacarme du monde ? Voici ce qu'il vous faut : « L'éthique du lombric ». Non, il ne s'agit pas d'un nouveau remède néo-aborigino-homéopathique à base de protéines d'invertébrés mais d'un spectacle de Marie-Paule Kumps et Bernard Cogniaux à partir des textes de l'Italien Stefano Benni. Fantaisiste et jouissif !

A l'image de son prélude instrumental décalé entre cochon péteur et casserole chantante, sorte de sas de décompression pour vous mettre en condition, « L'éthique du lombric » avance à coups de petites surprises et impose sa séduction sans éclat, sans effet de manche, insidieusement, diaboliquement. Puisant leurs accessoires sous un moelleux lit de sciure, les comédiens déroulent une quinzaine de petites histoires, tendres, comiques ou cyniques, sur le fil de la plume fantasque et bohème de Benni. On débute dans un village italien reculé, occupé à recruter pour sa célèbre crèche vivante, une nouvelle Marie, la précédente étant enceinte jusqu'au cou, ce qui est tout de même embêtant pour la Sainte Vierge. On y croise un Joseph bourré et gai, faisant de l'œil à un ange pizzaïolo, un enfant Jésus nain et un bœuf qui a la diarrhée. Le sourire désormais solidement vissé aux lèvres, on poursuit le voyage, rencontrant un couple d'indécrottables timides sur un pont, un distributeur de billets automatique qui fait du sentiment et se fait justicier pour ses clients, un mendiant qui finit braisé en papillotes, ou encore un combat de cocus déchaînés dans un bar hyper branché.



A l'aide de marionnettes ou par un théâtre d'ombres, assumant en direct les bruitages ou déterrant un bestiaire de carton-pâte, Marie-Paule Kumps et Bernard Cogniaux, dirigés par Sylvie De Braekeleer, font vivre ces histoires avec une originalité folle mais humble, croquée au crayon plutôt qu'au stylo bille, orchestrée au triangle et au piano plutôt qu'au clairon et à la grosse caisse. On ne sait quelle alchimie soude ces deux là mais ils pourraient réciter le bottin que leur espièglerie nous suspendrait à leurs lèvres. Il faut voir Marie-Paule Kumps se muer en poule fermière, philosophant sur son destin avant de passer à la casserole pour la bonne cause. Il faut les voir tous deux convoquer un dîner entre intellectuels, gâché par l'irruption d'un voleur happé par le chien de garde. Le temps que féministe, publicitaire, peintre et autres invités glosent sur l'identité de cet intrus agonisant, parlementant sur la Palestine, le sort des femmes ou les détentions abusives, l'étranger expire. Si un ou deux sketchs nous ont paru plus superflus, on peut dire que l'équipe a trouvé chez Stéfano Benni pâturage idéal où laisser gambader ses idées fugueuses.

Le Soir - 15/2/2011 - Catherine Makereel

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