Un monument signé Shakespaere
Faire du théâtre … c’est avant tout jouer, s’amuser, avoir du plaisir, et partager ce plaisir avec les autres, avec beaucoup d’autres. Quoi de mieux de commencer en partageant avec le plus grand nombre, ce chef-d'œuvre de Shakespeare...
Pour éviter un axe frontal spectateur scène, la scénographie fera éclater celle-ci en différents lieux y compris dans les gradins. La scène n'est pas un «ailleurs» mais partage avec le public le même espace architectural. Le spectateur est dans le même monde que le spectacle. Le décor l'intègre pour qu'il participe aux différents «niveaux» d'acteurs que le Songe présente: monde surnaturel, nobles, artisans sont autant de regards différent portés l'un sur l'autre et sur ce qui les anime : l'amour.
Et les spectateurs aussi, un peu comme s'ils formaient un quatrième «niveau», s'immiscent au jeu en s'offrant une réflexion sur ces héros et sur l'action dramatique.
Il ne s'agit pas d'obtenir un théâtre circulaire où l'on rechercherait une symbiose acteur-spectateur (avec le risque d'un jeu aseptisé et intellectuel): il faut viser non la communauté de la présence mais bien celle de l'imaginaire. Pour le plaisir du jeu et des yeux.
Un imaginaire qui fait appel à tous les sens nécessite au Karreveld une distance, un décors et des moyens techniques qui font perdre les point de repère, la logique cartésienne et naturaliste.
Le décor est au service de "ce qui arrive" devant le spectateur et ce, d'une part avec un maximum de présence (ce qui demande aussi un rapprochement maximum des spectateurs) et d'autre part avec une ouverture vers la poésie et l'image, un éclatement vers le merveilleux et une esthétique qui renvoie le spectateur à son imaginaire.
Souplesse donc, variété des points de vue, éclatement des lieux, magie des apparitions, proximité et distanciation, sensualité toute concrète des corps et évanescence des images, simplicité des moyens et volupté des tableaux.
A ce titre, la lumière et le son œuvrent à la construction et à la mobilité de l'espace : ils l'animent et le sculptent jusqu'à devenir eux-mêmes décor.
Tous ces moyens garderont leur cohérence pour la rigueur formelle qui sous-tend et par l'esprit qui anime la disposition des gradins.
Dans cette volonté de rigueur, réalisme du jeu et détour par le rêve peuvent se renforcer et offrir non seulement une conscience plus aiguë des forces qui sont en nous, mais aussi et surtout une fête de la Saint Jean digne de ce nom.
Xavier RIJS
Scénographe