Pourquoi encore monter un texte décrivant l'horreur, le tragique, les massacres des civils, l'oppression des pouvoirs, l'assassinat? Pourquoi et comment?



«Écrire pour le théâtre aujourd'hui c'est raconter les naufrages et le monde, ce qui nous en parvient et travailler d'abord sur des formes; si l'humanité prend la parole c'est qu'il lui est arrivé un incident, un événement précis qui l'oblige à pendre position pour la parler et ainsi de travailler des endroits de cette humanité qui n'ont pas encore trouvé leur forme... C'est de cette nécessité de raconter les naufrages du temps présent que naît donc l'écriture contemporaine, le texte en mouvement, pour que s'exprime la puissance de ce qui force à dire, à représenter, à écrire et à penser les chocs. C'est en cela aussi que le théâtre est toujours une opération politique, parce que le fait de souhaiter, à terme, réunir des individus en un lieu suppose qu'on parle et qu'on se parle sous le coup des naufrages de l'Histoire, qu'on le veuille ou non. Et les naufrages de l'Histoire sont finalement ce que le XXème siècle a réussi de mieux.

Femme Non rééducable - le destin d’un regard citoyen, d’un œil révolté, d’une mort annoncée. La Tchétchénie c’est ça. Du sang, des larmes, des cris, des soldats, des crimes, des viols, des massacres, du népotisme, des rapports de force entre les bandes, des civils qui cherchent les disparus, les morts, de l’appréhension de la violence illimitée, des tensions quotidiennes avec l’armée russe, des bandes rivales, de la misère, de la violence insupportable, des fagots humains, une zone de non-droit, des prises d’otages, des empoisonnements…

Femme Non rééducable - une journaliste, une femme, ses craintes, ses peurs, ses angoisses, les rapportes de plus en plus complexes entre elle et les autorités russes, son arrestation après avoir interviewé le colonel Alexeï Romanov... ces quatre coups de revolver qui l’enferment dans le silence.

Femme Non rééducable - Anna Politkovskaïa: « Je suis une paria... Je ne plaisante pas. Il y a quelque temps, Vladislav Surkov, chef adjoint de l'administration présidentielle, expliquait qu'il y a des gens qui sont des ennemis, mais avec lesquels on peut parler pour les raisonner, mais qu'il en y a d'autres qui sont des ennemis incorrigibles auxquels on ne peut parler et qu'il faut tout simplement éradiquer de l'arène politique. Ils sont en train d'essayer de nous éradiquer moi et mes semblables ». »

(in « Une femme condamnée » article publié dans The Guardian – 14 octobre 2006)

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