Une comédie brillante et acide irriguée
par une belle joie de vivre et d’aimer librement

«Un mari idéal» est considéré comme l’un des chefs d’œuvre du théâtre anglais. Mais attention, dans cette comédie brillante, rien n’est jamais tout à fait comme l’on pense. L’homme parfait porte son secret. Son épouse parfaite, évidemment bonne chrétienne, s’avère tout à coup incapable de comprendre et de pardonner. L’aventurière sans scrupule se révèle sincèrement éprise du dandy et celui-ci est en fait l’homme le plus honnête de tout ce petit monde, ayant pour principal défaut l’habitude de toujours dire exactement ce qu’il pense.
Jubilatoire et drôle

"Un mari idéal" (An ideal Husband) fut représenté pour la première fois en janvier 1895, deux mois avant qu'Oscar Wilde ne se décide à intenter au Marquis de Queensberry le procès qui le contraindra à l'exil. Wilde est alors au sommet de son talent et de sa gloire.

Et c’est avec humour et poésie qu’Oscar Wilde s’en prend, avec cette comédie, aux vices de la société victorienne du tournant du siècle, cynique et décadente. Il tend à l’aristocratie et à la bourgeoisie britannique un miroir dénué à la fois de complaisance et de cruauté.


Oscar Fingall O’Flahertie Wills Wilde est né à Dublin le 15 octobre 1854. Il est le fils d’un chirurgien irlandais de réputation internationale, William-Robert-Wills Wilde (1815-1876), passionné d’archéologie et auteur d’un ouvrage sur Jonathan Swift. Sa mère, épousée en 1851, Jane Francesa Elgee (1821-1896), est une poètesse pleine de ferveur nationaliste, qui dans les années 1840, soutient la cause irlandaise face à l’Angleterre. Petite nièce de Charles Mathurin, l’auteur de Melmoth, elle publie ses premiers poèmes sous le pseudonyme de Speranza.

En 1864, il commençe ses études à la Portora Royal School, à Enniskillen, jusqu’en 1871 ; il y apprend le français, le latin et le grec et se montre très brillant dans ces deux dernières matières.

En 1867, meurt Isola, 10 ans, sa sœur cadette. Oscar Wilde est profondément affecté par cette mort.
Après des études classiques au Trinity College à Dublin de 1873 à 1874, où déjà il fait preuve d’une forte personnalité et se distingue des autres étudiants par l’extravagance des ses vêtements, Oscar Wilde est admis à l’université d’Oxford, à la Magdalen College, de 1874 à 1878. Il a notamment comme professeur John Ruskin, l’un des porte-paroles d’un mouvement culturel qui estime que l’art ne doit être que recherche du Beau, sans aucune préoccupation morale ou sociale. Oscar Wilde est un élève brillant et distingué. Il a les cheveux longs, porte des cravates lavallière et orne les boutonnières de ses costumes d’un œillet, d’un lis ou d’un chrysanthème.

En 1875, Oscar Wilde voyage en Italie. Il tombe amoureux de Florence Balcombe, qui, en 1878, épousera Bram Stoker, l’auteur de Dracula.

Son père meurt en 1876.

En 1877, Oscar Wilde voyage en Grèce.

En 1878, il remporte, avec un poème sur Ravenne, le Newdigate Prize.

Wilde s’installe à Londres en 1879 : esprit subtil et excentrique, dandy d’une rare élégance, sa célébrité devient grande dans les milieux culturels et aristocratiques londoniens qui accueillent avec ravissement ses premiers Poèmes (1881), à compte d’auteur.
En 1880, Oscar Wilde s’installe à Chelsea, au 34, Tite Street et il écrit sa première pièce de théâtre : Vera. Il devient très vite l’un des théoriciens de 'l’art pour l’art', et le chef de file des 'esthètes'. C’est en 1882 qu’il entreprend une tournée de conférences en Amérique, développant deux cent fois devant des auditoires différents sa théorie d’Aesthetic Philosophy. Pendant ce temps, son drame Vera, est représenté à New York.

De retour en Europe, il s’installe à Paris, où il écrit deux pièces de théâtre (La Duchesse de Padoue, 1883), Véra ou Les Nihilistes, 1883) . Il rencontre les principaux écrivains français de l’époque : Paul Verlaine, Emile Zola, Alphone Daudet, et Victor Hugo.

De retour à Londres en 1884, il épouse le 29 mai l’une de ses admiratrices, Constance Lloyd. Ils auront deux enfants : Cyril (1885) et Vyvyan (1886).

En 1886, Oscar Wilde écrit son premier essai, La vérité des masques sur Shakespeare. Cet essai est publié en revue. Rédacteur en chef du magazine The Woman’s World de 1887 à 1889, il y montre ses talents de pamphlétaire et son art du paradoxe. Il s’emploie également à défendre la cause féministe.

Pour ses enfants, il organise des bals costumés et écrit des contes (Le Prince heureux et autres contes, 1888). Il publie également des nouvelles (Le Crime de lord Arthur Saville et autres histoires, 1891), un essai (Intentions, (1891) et aussi son seul roman (Le Portrait de Dorian Gray, 1891). Ce roman lui vaut une très grande notoriété, mais le public anglais, choqué, lui reproche l’immoralité de certains personnages. Dans sa préface, Oscar Wilde développe sa théorie artistique : 'Dire d’un livre qu’il est moral ou immoral n’a pas de sens. Un livre est bien ou mal écrit - c’est tout.'

En 1891, il rencontre Alfred Douglas et affiche en public son homosexualité. Au cours d’un nouveau séjour à Paris, il fait la connaissance de Stéphane Mallarmé, d’André Gide et de Pierre Louÿs, qui devinrent de proches amis.

En 1892, un autre volume de contes, Une maison de grenades, parait et Oscar Wilde donne en même temps et pour la première fois sur une scène anglaise, une comédie, en prose, Lady Windermere’s Fan.
Son mariage à Constance est de courte durée, divorçant en 1893. Il donne une seconde comédie : Une femme sans importance, et la même année, il écrit, en français, un drame en un acte, Salomé, traduit en anglais par lord Alfred Douglas, joué en 1894 par Sarah Bernhardt.

Il publie en 1894 The Sphinx, poème composé de stances, sur le modèle du In Memoriam de Tennyson.

En 1895, il donne Un mari idéal et L’Importance d’être constant ,une peinture impitoyable de l’aristocratie anglaise. Le 28 février, le marquis a déposé à son club une carte adressée à 'Oscar Wilde qui pose au somdomite (sic)'. Deux jours plus tard, poussé par 'Bosie' qui ne se tient plus, Wilde va au commissariat déposer une plainte en diffamation puis, toujours sur les instances de son amant, part à Monte-Carlo, négligeant de préparer le procès. La débâcle est inévitable. Mal conseillé, Wilde prend les choses à la légère, plaisante et indispose le jury alors que le marquis a engagé des détectives, soudoyé dix témoins, bref mis tout en jeu pour le confondre. Le 5 avril, Queensberry est acquitté sous les applaudissements. Dans les heures qui suivent, son avocat convainc le procureur d’engager une nouvelle procédure contre l’écrivain, sur la base des témoignages recueillis. De plaignant, Wilde est devenu accusé. Un journaliste le prévient qu’un mandat d’amener a été lancé, il a encore le temps de traverser la Manche, comme 'Robbie', 'Bosie' et la plupart de ses amis - on se bousculera à Douvres, cette nuit-là. Lui reste pourtant. Il est arrêté en fin de soirée et aussitôt incarcéré. Au procès, on l’accuse d’avoir écrit avec le Portrait de Dorian Gray » un roman hautement immoral. L’écrivain réaffirme son credo : « Je me préoccupe exclusivement de la littérature, c’est-à-dire de l’art. Le but n’est pas de faire le bien ou le mal, mais d’essayer de créer quelque chose qui aura une certaine forme de beauté. » Une des revues où écrivait Wilde ayant publié une nouvelle d’un inconnu, le Prêtre et l’Acolyte, récit des amours entre un curé et un enfant de choeur, l’avocat du marquis lui demande s’il considère cette oeuvre comme blasphématoire. « Non, je l’ai trouvée mal écrite. » Mais ceci, Mr Wilde ? Et de citer le passage de la mort de l’enfant. « Il [le prêtre] passa ses bras autour du beau corps de son servant tant chéri. Leurs lèvres s’unirent dans un dernier baiser d’amour sublime, et tout fut terminé. » La réponse décontenance l’avocat. Il comptait prendre au piège Wilde, et voilà qu’il s’entend dire : « Ce sont de répugnantes fadaises. » Mais la partie adverse était trop forte pour cet esthète qui s’acoquinait avec des larbins. Le tribunal était parfaitement renseigné sur les nuits de Wilde au Savoy et au terme d’un procès il est condamné pour « actes indécents », délit d’homosexualité à 2 ans de travaux forcés le 27 mai 1895. Il purgera cette peine dans la très répressive prison de Reading, au sud de l’Angleterre. Il écrit une longue lettre, de janvier à mars 1897, c’est-à-dire au cours de ses derniers mois d’incarcération à Reading, à Lord Alfred Douglas, qui plus tard sera publiée en 1905, par Robert Ross, en 1905 sous le titre De Profundis. Durant sa détention, sa mère meurt et la justice s’acharne. Après le procès, la mise en faillite, hâtée par son implacable adversaire Queensberry, qui cherche le k.o. Ses livres sont retirés des devantures. Les théâtres londoniens déclinent ses pièces. Tout son mobilier est saisi et vendu au plus offrant : dessins de Burne-Jones et de Whistler, tableaux, porcelaines, précieux ouvrages reçus en mains propres de Victor Hugo, de Verlaine et de Mallarmé. Ce n’est pas tant la déclaration de faillite qui est humiliante que la manière dont ses affaires les plus intimes ont été bradées. Mais le coup final est porté lorsque Wilde apprend que la garde de ses deux enfants lui est retirée : 'C’est, pour moi, et cela restera toujours une source de détresse infinie, d’affliction infinie, de chagrin sans fin et sans bornes. C’est quelque chose d’absolument horrible que la loi décide que je suis indigne d’être avec mes enfants. La disgrâce de la prison n’est rien en comparaison'.

Il sort de prison le 19 mai 1897, et s’exile en France, sous le nom de Sébastien Melmoth, à Berneval, près de Dieppe. C’est un homme brisé et ruiné. Il prend pour pseudonyme le nom de Sebastian Melmoth.
Il publie en 1898, La ballade de la geôle de Reading, un témoignage émouvant sur sa douleur de prisonnier, qu’il signe C.3.3, de son numéro de prisonnier. Sa femme, Constance Wilde, meurt.

En 1899, meurt Willie Wilde, son frère.

Vivant misérablement, il effectue quelques voyages en Italie pou rejoindre Lord Alfred Douglas, mais séjourne pour l’essentiel à Paris (à l’Hôtel d’Alsace, rue des Beaux-Arts) où il meurt d’une otite qui s’était transformée en méningite cérébrale, le 30 novembre 1900, à l’âge de 46 ans, dans la misère et la solitude. Il est enterré au Père-Lachaise. André Gide, à qui Wilde confiait « avoir mis tout son génie dans sa vie et son talent seulement dans son œuvre », a rassemblé certaines de ses improvisations dans un livre de souvenirs, qui montre le tragique contraste entre les dernières années, d’une douloureuse gravité, et la période mondaine, brillante et paradoxale.

Une version expurgée de la longue lettre à Alfred Douglas, écrite en prison en janvier-mars 1897, est publiée par Robert Ross en 1905 sous le titre De Profundis, dans une version abrégée et dans sa totalité en 1962.

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