Musical (1992)


Musique: Sylvester Levay
Paroles: Michael Kunze
Livret: Michael Kunze

Elisabeth, impératrice d’Autriche (1837-1898) apparaît dans ce drame musical comme une femme en lutte pour obtenir sa propre liberté. Parce qu'elle est issue d’un monde dont le déclin est évident, la "modernité" d’Elisabeth la contraint à une isolation désespérée. Et pourtant, elle porte sur elle l’image obsolète du pouvoir des Habsbourg. Son assassinat par l'anarchiste italien Luigi Lucheni était en fait un crime symbolique qui a anticipé la fin d'une époque qui a duré mille ans....

Son père qui lui donne le goût de la vie et de la liberté.

Époux volage, le duc Max est un père excellent. Féru d'astronomie et de botanique, il apprend à ses huit enfants, le jour, le nom des plantes, la nuit, celui des étoiles, ces deux catalogues naturels si considérablement fournis.

Il leur récite des vers et leur conte ses souvenirs. Aussi, en est-il adoré. Mais sa prédilection va à Sissi, son "enfant de Noël". Les affinités sont, entre eux, manifestes. Ils ont l'un et l'autre le même goût de la vie indépendante, éprouvent le même sentiment de la nature, partagent la même répugnance pour la convention, l'hypocrisie, l'étiquette et le cérémonial. Ce père débonnaire et bohème est pour elle un compagnon bien plus qu'un éducateur. Il ne la prépare aucunement à la vie qui sera la sienne. Il est vrai qu'il ne pouvait deviner qu'elle serait, vue du dehors tout au moins, si brillante et tellement "hors série".

Inconsciemment il a développé en elle des goûts libres qui devaient, par la suite, lui interdire d'être heureuse dans la condition impériale à laquelle elle sera appelée. Les penchants naturels d'Elisabeth exigeaient d'être contrariés alors qu'ils ont, au contraire, été flattés au-delà de toute mesure par un père qui en manquait totalement.

Elisabeth à 15 ans



Château de Possenhofen




En 1834, le duc Max a acheté le château de Possenhofen, une vieille bâtisse rectan-gulaire de pierres rouges, dont les angles se durcissent de tours crénelées, vestiges d'une défense devenue inutile, qu'entoure un parc aux oiseaux bocagers et que baignent les eaux froides du lac de Starnberg.

C'est là que désormais la famille ducale passera ses étés, dans le calme champêtre de ce cadre de prés fleuris, de bouquets d'arbres et d'eaux dormantes.

Pour les enfants, c'est le vert Paradis. Le temps que n'occupent pas les moroses leçons de leur gouvernante, la baronne de Wulfen, ils l'emploient à courir au gré d'une fantaisie qui ne connaît pas d'autre limite. Le duc Max apporte avec lui la gaîté, le mouvement et aussi le désordre. Sa maison est celle du Bon Dieu : on y ignore la contrainte. Le maître est indulgent et distrait, les domestiques sont rares, familiers et dévoués, les animaux eux-mêmes ne connaissent aucune barrière et nul ne vient déranger les chiens qui dorment insouciants sur les fauteuils tapissés du salon.

Les étés de Possenhofen, "Possi", comme on dira bientôt, ont fortement marqué le caractère d'Elisabeth. Toute enfant, elle y a joué dans la basse-cour avec les poules et les lapins. Plus grande, elle y prendra le goût des longues marches, en robe de paysanne, dans les herbes folles ou au gré des sentiers écartés, et la passion des courses à cheval qui grisent d'air et d'espace et font oublier le temps.


Comme son père, elle adore les chevaux et comme lui, les monte superbement. La nature l'enchantera, avec la splendeur de ses aurores et la magnificence de ses couchants, le murmure des sources, l'ombre secrète des forêts, le mystère des plans d'eau qui semblent être la porte lisse d'un monde interdit. Sissi s'évanouit entre les arbres comme une sylphide et plonge dans les lacs comme une ondine. C'est toute une mythologie qu'elle évoque avec la grâce de son être, la légèreté de sa démarche, la vivacité de son allure et cette façon à elle d'appuyer à peine sur le soi qui la porte.




Le duc Max, père d'Elisabeth

Elle est parente du vent, des fleurs, des arbres, des étoiles. Le duc Max, qui lui fera en définitive tant de mal pour avoir voulu lui faire trop de bien, a au moins le mérite de lui apprendre à marcher : "Il ne faut pas se traîner, disait-il, on doit avancer comme si on avait des ailes".

Cette aisance qui donnera, plus tard, à la souveraine une grâce éthérée, lui permet de glisser sur le monde des choses comme ces esprits aériens qui peuplent les comédies féeriques de Shakespeare, avant de devenir le personnage central du drame que, venu plus tard, il n'aurait pas manqué d'écrire.

On devine sa tristesse quand, à l'approche de la mauvaise saison, il lui faut renoncer à cette vie champêtre et libre, quitter ce vieux château un peu délabré mais si cher et si aimé, dire adieu aux chevauchées éperdues, aux promenades en bateau, aux baignades, aux jeux et aux ris, pour retrouver Munich, sa froideur pétrie, sa société gourmée, son amidon et son ennui. C'est pourtant, dans ce Munich officiel, à un bal de la Cour, le premier peut-être, que Sissi sentira pour la première fois son cœur battre autrement que parce qu'elle a couru trop vite, ou que son cheval s'est emporté.

Le journal qu'elle tient alors en grand secret et qu'elle cache au fond d'un tiroir, porte témoignage d'une ébauche d'idylle avec un jeune homme dont nous savons seulement qu'il est comte et se prénomme Richard. Il ne semble pas que l'attrait ait été réciproque; la mort prématurée de ce jeune fat, qui ignore sa chance, évitera le malentendu et sans doute aussi l'opposition de la famille. Sissi nous a laissé à ce propos, des vers qui ne révèlent peut-être pas le don poétique d'une Louise Labbé, dont elle ne connaîtra pas l'expérience amoureuse, mais qui ont le ton de la confidence et ne manquent pas d'accent.

Tu es mort si jeune
Et entré si pur dans l’éternel repos!
Ô que ne suis-je morte aussi
Et au ciel avec toi.

Le sort en est jeté
Richard, hélas, n’est plus
Le glas sonne. Seigneur!
Ayez pitié de moi.


Sissi ne fera pas " signe d'amante ".

Elle connaît, cependant, un moment de mélancolie qui lui fait goûter et aimer Heine, qui deviendra son poète de prédilection, le Heine des "junge Leiden" et du "Lyriches Intermezzo". Elle a alors quinze ans. La vie fera mieux pour sa gloire, sinon pour son contentement intime.


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